Ahhh, Hallan ! Quatre garçons dans le vent marin de Portsmouth, et une histoire d'amour mouvementée avec un certain chroniqueur de rock anglais qui commence en un soir de décembre glacé, lorsqu'une jeune femme rencontrée au hasard lors d'une hasardeuse soirée au Supersonic (coucou Chloé) lui explique que vraiment son groupe préféré c'est Alan. Fast forward le lendemain matin, le temps de faire deux plus deux devant le quatrième café de la journée, et après moults recherches Spotify infructueuses, une orthographe fait mouche.
Money Talks fait son chemin du téléphone au casque jusqu'à mes oreilles surcaféinées, et me voilà parti pour une inoubliable aventure de huit chansons retraçant tous les singles du groupe depuis 2019.
Une histoire d'amour qui aurait pu tourner au vinaigre un soir de février dernier, lorsque votre chroniqueur préféré dû rester à la porte du Supersonic un soir d'anniversaire et regarder jouer Hallan à travers la devanture sale et fissurée de la rue Biscornet. Malgré tout, et malgré cette aventure terminée bredouille si ce n'est avec les boules de neige, leur récent premier EP
The Noise Of A Firing Gun nous avait rapidement rappelé à leurs bons souvenirs de batifolage dans les champs de bataille d'un post-punk saturé par la déferlante de groupes aussi semblables les uns aux autres qu'une maison anglaise en briques rouges ressemble à une autre maison anglaise en briques rouges.

Hallan, groupe comme les autres mais pas comme les autres, venu défendre ce nouvel EP dans la cave de l'International en première partie de FEWS, approximativement huit mois et vingt-deux jours après la maudite soirée susmentionnée (on n'est pas rancunier, c'est juste qu'on n'oublie pas). Enfin, défendre, c'est un bien grand mot, parce qu'il y a sans doute autant de personnes présentes ce soir pour eux que pour FEWS, et de toute façon ça commence par le vieux single
Modern England, troisième chanson de l'histoire du groupe. Oui un single sorti en 2020, c'est un vieux single au rythme où vont les choses. Un rythme aussi dément que celui de
Sich Ubergeben, et déjà les plus excités commencent à bousculer entre les fondations de béton sous les incitations d'un Conor Clements qui rarement aura eu scène plus proche des hurluberlus venus pour lui.
Pour faire l'image en plus du son, le groupe joue dans l'équivalent en mètres carrés d'un appartement étudiant parisien, entouré de murs et de poutres de béton gris intégralement taggués et stickés, surélevé de vingt centimètres et faisant face sans aucune forme de protection à un public que Conor juge pour le moment « pas au niveau de ses standards ». Très bien,
Unwomanly Face Of War sera donc l'occasion de répondre à la demande et de mettre le bordel sur une montée finale à l'intensité redoublée, avant de profiter d'un premier répit et d'un inédit, la très synthé-pop-rock
Great White Silence, enfin on imagine parce que la setlist mentionne "Grgat Woytz Sileure", l'accent anglais, toi-même tu sais. Une chanson à tonalité The Killers qui nous conforte dans l'idée que chaque nouvelle composition de Hallan tend à s'éloigner du carcan post-punk battu, rebattu, et en passe d'être rabattu pour notre plus grand plaisir.

Comme un pied-de-nez ou un hommage posthume à un genre, le groupe enchaîne malgré les soucis techniques et les jams de secours par
Shadowplay, reprise de Joy Division ayant participé à définir le genre anglais des cinq ou six dernières années, alors que Conor s'enfile sa bouteille de Club Maté, habitude nouvelle datant de la possible cuite pré-concert de l'anniversaire du Supersonic, une rumeur sur laquelle la police investigue toujours. Retour au son, on parlait tout à l'heure de défendre un EP, mais l'ovation générale suivant l'enclenchement des bandes de
Cut With The Kitchen Knife nous prouve que la foule est à la fois compacte et conquise pour acclamer ce qui est probablement la meilleure chanson dudit EP, chanson à partir de laquelle le groupe va véritablement se lâcher.
Adam Mills à la batterie avec son afro et sa moustache blonde, Joshua Ransley à la guitare avec son look béret et lunettes rondes mêlant bobo parisien et agriculteur du Larzac, et Joshua Tweedale à la basse, qui passerait aisément pour un membre du public venu donner un coup de main dans la simplicité de son accoutrement jean t-shirt, tous de front pour soutenir un Conor en folie sautant et chantant dans la fosse sur
Yesterday (With Him), dansant dans la fièvre du samedi soir de
The Colline Gate, puis laissant les bandes faire résonner
Money Talks à sa place, parce que jouer de la cloche à vache et faire le con avec le public, c'est plus amusant !
Money Talks, la chanson du coup de foudre, bouclant la boucle dans un sommet de n'importe quoi dont la remontée finale nous verra échanger force coups d'épaule et éclats de sueur avec un chanteur au sommet de son kiffe, achevant un concert de quarante-cinq minutes dont on peine encore à croire qu'il n'était qu'une première partie. Hallan, des mecs au talent fou transmettant leur joie du live comme peu de groupes au même âge, dont on attend maintenant l'évolution naturelle vers un album et une date à Paris en statut de tête d'affiche. Et comme je ne suis plus à un lobbying près dans ces lignes, invitez-voir Opus Kink au passage !