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Black Country, New Road

Paris, Trianon - 26 octobre 2023

Live-report par Laetitia Mavrel

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Une année s'est écoulée depuis nos retrouvailles avec Black Country, New Road, qui montaient alors sur les planches de la Gaîté Lyrique dans le cadre du Pitchfork Music Festival pour la première fois en France sans Isaac Wood et démunis de l'intégralité de leur répertoire issu des albums For The First Time et Ants From Up There. Nous ne reviendrons pas sur la décision collégiale des six membres du groupe de ne plus jouer les titres initialement interprétés par Isaac, mais il est vrai que ce concert nous avait alors pris au dépourvu, les jeunes musiciens n'ayant eu que quelques mois pour relancer la machine à composer.
Puis est venu au printemps dernier la très belle surprise du disque Live At Bush Hall, compilation des trois concerts alors donnés à Londres avec comme principe une thématique propre à chaque soirée, décors et costumes y compris, pour présenter une toute nouvelle série de morceaux qui au final se révéla être la première nouvelle production du « Black Country, New Road 2.0 ». Transportés par la très grande beauté de cet album, nous attendions donc avec impatience cette tournée automnale qui les mène au Trianon, théâtre parisien dont les boiseries et les sièges en velours rouge réussissent toujours à rajouter une belle couche de prestige à tout artiste qui s'y produit (métalleux inclus, c'est dire).

A ce jour, le groupe est composé de Tyler Hyde à la basse et à la guitare folk, Lewis Evans au saxophone et à la flûte traversière, Georgia Ellery au violon (mais absente sur cette tournée), May Kershaw au clavier et à l'accordéon, Charlie Wayne à la batterie et au banjo ainsi que Luke Mark à la guitare électrique. Cette présentation détaillée s'impose pour bien comprendre la richesse de la musique de Black Country, New Road et surtout pour s'imaginer, pour quiconque ne les a jamais vus sur scène, l'incroyable harmonie règnant entre les membres, leur talent se manifestant par une totale maîtrise du jeu en collectif. Chacun, selon les morceaux, occupe la position de chef d'orchestre, impulsant la cadence et l'intensité voulues, aucun des musiciens n'en surpassant un autre. Une osmose incroyable et de nos jours plutôt rare parmi les styles bruyants à la mode qui classe de facto Black Country, New Road à part.


Le groupe se présente à nous sur la grande scène dépouillée du Trianon en demi-cercle, ainsi posté de manière qu'aucun ne soit mis en avant par rapport à un autre. Cette disposition laisse ainsi tout le devant de la scène comme vide, comme pour souligner que la place précédemment tenue par Issac Wood ne sera en rien occupée par un autre. Peut être le fruit de notre imagination romantique, mais cela nous évoque les Manic Street Preachers quand le nouvellement trio laissait un pied de microphone à gauche planté sur scène, pour rappeler que Richey Edwards restait présent malgré sa disparition brutale. Quoi qu'en soit la raison, cette configuration rend la prestation d'autant plus impressionnante et l'on retrouve l'esprit de franche camaraderie qui lie les musiciens, depuis les débuts.

Nous découvrons ce soir les morceaux issus du Live At Bush Hall, qui consiste bien en un véritable troisième album pas vraiment déclaré comme tel, sous sa forme originelle, entrecoupé d'inédits et quelques passages improvisés où les membres laissent leur créativité s'exprimer au son de leurs instruments. Le chant est tenu par Tyler Hyde qui arbore ce soir une tenue aux faux airs de nouvelle Wednesday Adams incarnée par Jenna Ortega, et dont le timbre si rauque sied parfaitement à l'ambiance intimiste rendue par un lightshow très tamisé. Cette dernière passe le microphone soit à Lewis Evans, qui prendra à plusieurs reprises la parole pour remercier très chaleureusement le public, soit à May Kershaw, toute en élégance derrière son clavier.


Avec autant de titres partagés entre ces trois timbres totalement différents, c'est le choix de la diversité que fait le groupe et nous passons de titres très fédérateurs tel Up Song et Accros The Pond à d'autres plus sobres comme I Won't Always Love You et Laughing Song où le chant grave et puissant de Tyler Hyde fait des merveilles. Puis viennent les douces ballades portées par la voix très juvénile de May Kershaw avec Turbines/Pigs et l'inédit du nom de For The Cold Country, New Road (Draft 1.5-a), à propos duquel on nous prévient qu'il n'est pas encore tout à fait finalisé mais dont la beauté laisse le public pantois.

On aime alors à observer chacun des musiciens toujours intrinsèquement connectés les uns aux autres, les regards tournés vers son voisin, comme pour signifier que le jeu ne peut se concevoir autrement que collectivement. C'est un réel sentiment de bienveillance qui émane de cette troupe qui a, en si peu de temps, parcouru un incroyable chemin, nous offrant trois albums somptueux. Une heure et quinze minutes de concert où tous les présents sont passés par de nombreux moments de béatitude (énormément de spectateurs émus autour de nous, tous âges confondus) et qui vient faire taire les mauvaises langues qui ont alors condamné le groupe à une fin précoce ou pire, à tomber dans la banalité sans Isaac Wood à ses côtés.

Ce concert de Black Country, New Road restera comme une renaissance et cette nouvelle étape dans la jeune carrière du groupe les révèle à nous comme plus forts, plus soudés et toujours aussi merveilleusement doués.
setlist
    Up Song
    The Boy
    24/7 365 British Summer Time
    I Won't Always Love You
    Across The Pond Friend
    Laughing Song
    For The Cold Country, New Road (Draft 1.5-a)
    Nancy Tries To Take The Night
    Turbines/Pigs
    Dancers
    Improv
    Up Song (Reprise)
photos du concert
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