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Jungle
LA Priest

Paris, LE CENTQUATRE - 24 octobre 2023

Live-report par Franck Narquin

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L'année 2023 marque le grand retour de la jungle. Pour les plus jeunes, on parle ici de cette musique aux rythmes syncopés frôlant souvent les 190 bpm et produite par des artistes tels que Goldie, Roni Size ou les Ragga Twins sur laquelle nous dansions comme des forcenés à la fin du dernier millénaire et qui est désormais remise au goût du jour par de jeunes millennials britons menés par notre petite préférée, l'explosive Nia Archives. Mais ce n'est pas cette jungle qui nous intéresse ici, ni celles joyeuse de Mowgli ou triste de Calais, et encore moins l'inquiétante et luxuriante jungle de Tropical Malady d'Apichatpong Weerasethakul qui voit ses amants flamboyants s'y transformer peu à peu en créatures sauvages errantes l'âme en peine à la recherche de leur bien aimé. Si vous êtes ici, c'est pour tout savoir du premier des deux concerts au CENTQUATRE de Jungle, le duo londonien composé de Josh Lloyd-Watson and Tom McFarland qui fête déjà ses dix ans et est venu y présenter au cours de deux dates consécutives Volcano, son brillant quatrième album qui a rythmé nos soirées estivales.

Voir Jungle se produire dans cet établissement public de coopération culturelle parisien peut surprendre tant ce lieu célèbre pour ses productions d'art vivant (les acrobaties circassiennes de Vimala Pons et Tsirihaka Harrivel !), ses expositions mettant en lumière la nouvelle garde artistique (le festival Circulations dédié à la jeune photographie européenne !) ou encore ses soirées dédiées à toutes les sub-cultures (cette fameuse nuit New York en 2016 avec Lee Ranaldo, Battles et Liquid Liquid) est loin de disposer de la meilleure acoustique. Mais la chaleur humaine dégagée par Jungle, la vibe naturelle du lieu et un public clairement venu pour s'enjailler devraient pouvoir largement compenser une qualité sonore pas toujours au rendez-vous.

J'arrive tôt pour ne pas rater LA Priest en première partie (à ce niveau on pourrait presque parler de double-affiche) et gare mon vélo Lime à l'angle de la rue Curial et de la rue Riquet à 19h30 précises (l'historique de l'application pouvant en attester). Une queue sans fin composée de jeunes gens en hoodies Carhartt ou jupes APC y patiente devant les portes encore closes. Pour passer les temps, ils échangent sur la durée du nouveau Scorsese (« c'est ballot que plus personne n'ose dire à Marty qu'il pourrait réduire ses derniers films d'une bonne heure ») ou la réception critique du prochain bar italia (« Même Sound of Violence semble un peu déçu », « Comment tu le sais, l'article n'est pas encore publié sur le site ? »). Choix cornélien, la queue ou l'apéro ? Arrive alors Antoine Monégier, le plus grand photographe de concert de Paris et un des meilleurs de Sound of Violence. Vous l'imaginez bien, on opte pour l'apéro, on attend des filles presque aussi en retard que jolies, on poiraute un peu pour récupérer nos invitations, on entre dans la salle, il est 20H25. LA Priest, seul sur scène devant une immense rideau rouge, annonce « this is my last song, thank you and have a nice evening with Jungle ». Oups ! On aura juste le temps de profiter de Sudden Thing, tout en volupté avec sa guitare « jizz-jazz » à la Mac DeMarco, et bien qu'on sache que la ponctualité est la politesse des rois, on avait une bonne excuse (mais pas de photo), on avait apéro.


Quand tu arrives en retard et que tu as tout de même envie d'assister au concert au premier rang, on te donne un tip efficace, dis que tu suis le photographe, et même s'il y aura toujours une ou deux Karen pour soupirer et pousser un « rooh-la-la mais euh, moi j'ai payé une babysitter et j'étais à l'heure alors euh, hein, quand même », la technique reste assez infaillible. Idéalement placés aux côtés de bellâtres qui n'étaient pas nés le jour de la sortie de The Queen Is Dead, mais dont l'accoutrement dévoilant subtilement mais indubitablement le nom de marques de magasins du boulevard Beaumarchais nous rappelle de manière subliminale que leurs parents ont largement profité des années Tapie, nous sommes prêts à assister au grand show Jungle. Les lumières s'éteignent, spot blanc braqué sur le rideau éclairant un énorme logo JFC (Jungle Football Club ? Jean-François Copé ? Va savoir...). Les premières notes de Us Against The World résonnent, la foule gronde, les quatre musiciens de tournée font leur entrée sous les hourras du public, avant que celui-ci ne se mette à éructer à la vue de Josh et Tom. C'est parti pour un show ultragénéreux de vingt-deux titres et de près d'une heure trente composé pour moitié de chansons de Volcano et pour moitié de leurs trois premiers albums. En cette fin du mois d'octobre, Il flotte une petite atmosphère de festival d'été sous la verrière de la nef Curial. Ça danse, ça rigole, ça picole, ça s'emballe à droite à gauche et surtout ça ne boude pas son plaisir. Voir un public parisien se dérider et ne pas hésiter à mouiller entre amis son maillot AMI fait plaisir à voir.

Dès Candle Flame, on comprend que nous n'aurons pas le droit à de savoureux invités. Car si Volcano regorge de featurings, ceux-ci seront présent uniquement via bande enregistrée et projection vidéo. Erick The Architect, Roots Manuva ou encore Channel Tres ne seront bien entendu pas la physiquemnt (tu t'es cru à Coachella ou quoi ?) mais leurs facies trôneront le temps d'un morceau en version XXL derrière les six musiciens qui ne sont clairement pas ici juste pour encaisser un chèque mais pour défendre au mieux l'electro disco-funk-soul de Jungle. Force est de constater que si Jungle n'est pas un groupe « génial » (au sens littéral) et que leur musique n'a rien de révolutionnaire, le duo exploite à chacun de ses projets (album, clip, film ou scène) le maximum de ses possibilités.


Résultat final, tel Olivier Giroud, leurs statistiques sont impressionnantes et leur œuvre plus importante que prévue. Avec leur groupe qui sonne, leur univers visuel maitrisé au cordeau (l'énorme logo Jungle trône au-dessus de la scène, accompagné de projections graphiques monochromes, rouge pendant les deux-tiers du show puis blanc sur la fin), les deux têtes pensantes de Jungle n'ont plus qu'à se répartir les tâches restantes, Josh est l'homme des machines et Tom celui de la communion avec le public, tandis que les deux chantent tour à tour comme à l'accoutumée.

A la simple lecture de la setlist, on comprend aisément que les tubes se sont enchainés sans relâche avant un rappel dantesque débuté par le désormais classique Keep Moving, le joyau de Loving in Stereo, et clos par l'hymne officiel du groupe qui n'a pas pris une ride en dix ans, l'inévitable Busy Earnin', issu du premier album éponyme. Professionnelle mais pas sans âme, dense mais avant tout dance et avec un son finalement tout à fait correct, la prestation de Jungle a semblé faire l'unanimité à la vue des mines réjouies des spectateurs à la sortie de la salle. On l'a déjà dit en début d'article, mais on va le confirmer en conclusion (c'est ce qu'on appelle un arc narratif) 2023 marque bien le grand retour de Jungle, un peu comme l'ont été les années 2021, 2018 et 2014.
setlist
    LA PRIEST
    Non disponible

    JUNGLE
    Us Against The World
    Candle Flame
    Dominoes
    The Heat
    Heavy, California
    Beat 54 (All Good Now)
    Problemz
    I've Been In Love
    Back on 74
    Fire
    What D'You Know About Me
    Time
    Happy Man
    Casio
    You Ain't No Celebrity
    Coming Back
    Don't Play
    All of the Time
    Holding On
    GOOD TIMES
    ---
    Keep Moving
    Busy Earnin'
photos du concert
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