Ce 28 octobre est le dernier soir de l'une des semaines musicales les plus chargées de l'année, à un rythme d'un concert par soir pendant sept jours, et une photographe sûre qui préfère regarder des sud-africains gagner la Coupe du Monde de rugby plutôt que me rejoindre au Supersonic un samedi soir. Un samedi soir que l'on attaque rincé mais vaillant, et à 21h avant qu'il n'y ait plus de place dans le club.
L'occasion de découvrir les marseillais d'Avenoir, les Bandit Bandit du dream rock, au niveau encore inégal mais capables de très bonnes chansons quand le mélange ténèbres et paillettes fait mouche. Cela dit, si on est là ce n'est pas que pour le rock des Bouches-du-Rhône ou pour faire notre publicité dans un public venu se la coller un samedi soir, non, c'est bien pour la venue du quatuor londonien de night rock Bleach Lab, dont le premier album Lost In A Rush Of Emptiness nous avait plus que surpris il y a un mois.
Et alors que Jenna Kyle, Josh Longman, et Shawn Courtney entrent en scène, une première découverte : le quatrième membre ne sera plus Frank Wates mais Louis, sans nom de famille, le nouveau guitariste de la formation depuis quelques semaines. Une addition bienvenue du fait que la basse nous faussera compagnie pour à peu près tout Indigo, mais ne nous laissons pas refroidir par ce premier rendez-vous quelque peu entrecoupé, car All Night, autre single du récent album, pose les bases du style magnifique et rêveur de Bleach Lab dans sa formule live. Real Thing, l'une des rares chansons revenant aux premiers EPs, nous confirme que l'on préfère nettement l'énergie d'un album qui nous a habitués à explorer des territoires plus sombres et graves, dans un style général à la fois évanescent et inquiétant que l'on avait fini par qualifier de night rock, mêlant beauté des lumières de la ville et ombre menaçante au coin de la rue.
Un style que l'on ne ressentira qu'assez peu ce soir, et même si Saving All Your Kindness est tout aussi triste et émouvante que sur vinyle, Smile For Me semble elle manquer de densité, de gravité, d'une puissance ravageuse qui laisse ici place à une voix dans les nuages et un groupe se baladant doucettement dans l'atmosphère, sans que celui-ci nous accroche véritablement malgré la force évocatrice de la chanson. Un constat qui vaudra pour à peu près tout le concert, si l'on excepte la rugosité et le punch proposés par Nothing Left To Lose et la finale Everything At Once, deux chansons relançant avec brio le rythme d'un concert trop bienveillant pour son propre bien.
On avait adoré de Bleach Lab leur façon de ramener le dream rock sur terre et sous terre, dans les ruelles mal éclairées, dans les bouches de métro regardant passer les rats, dans les bus de nuit remplis de contrôleurs bodybuildés et de mecs bourrés. On n'aura finalement pas eu ça d'eux ce soir, mais plutôt un concert aérien et doux, qui aura su faire patienter le public venu pour la soirée DJ autant que ravir les mélomanes et les esthètes, un concert dont on aura peut-être oublié le souvenir volatil dans quelques mois, après avoir vu passer une douzaine de groupes de dream pop du même acabit. Ainsi, sans vouloir faire les donneurs de leçon, on conseillera tout de même à Bleach Lab de suivre la direction de sa musique studio et de s'affirmer comme un groupe plus sombre et dangereux, au risque sinon de se faire noyer par le retour en grâce d'un dream rock dont les groupes se multiplient un peu partout, pour le meilleur et pour le pire.