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Enola Gay

Paris, Point Éphémère - 29 novembre 2023

Live-report par Adonis Didier

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Vous vous souvenez, il y a deux mois, quand on était très mitigés à propos du dernier EP d'Enola Gay, et qu'on attendait impatiemment de voir ce que ça donnerait en live ? Enola Gay, typique groupe de noise-punk-rap from Belfast générant une admiration en tension triangle, un groupe que l'on comprend de moins en moins plus on l'écoute au casque, et que l'on aime de plus en plus chaque fois que l'on arrive à le croiser en live. Qu'adviendra-t-il alors de cette nouvelle interaction prenant place en pleine semaine dans la salle du Point Ephémère à Paris ? Arrêtons les faux semblants, arrêtons les faux suspens, Enola Gay ont encore une fois retourné Paris, laissez-moi juste vous raconter comment.

C'est par une chaude nuit d'été dans la Grèce antique... Bon, OK, c'est une journée pourrie et froide dans le 10ème arrondissement, et alors que le phénomène et supergroupe Triste Ambiance ambiançait pour la première fois l'International (pour un ratio prix/minute meilleur que Taylor Swift), c'est bien au Point Ephémère que l'on vadrouille et que l'on retrouve Purrs, des habitués venus d'Angoulême que l'on définira brièvement en live comme des rejetons de Fontaines D.C. énervés, et dont le premier album ne devrait pas trop tarder à sortir. Si vous aimez la crank wave teintée alt-rock 90's (so 2022 de dire encore post-punk) et que vous cherchez du Made in France, vous savez quoi faire maintenant.


Mais comme on le disait en préambule, on est surtout venus là pour le bombardier Enola Gay, dans l'espoir de reprendre la même charge que fin avril au Supersonic, et si possible sans se casser une dent cette fois ! Passage en vol stationnaire, ouvrez la soute, appuyez sur le bouton rouge, Cortana est larguée et explose en gigantesque halo dans la foule. Un halo, vous savez, ce cercle d'éradication rempli d'êtres vivants belliqueux et incontrôlables, qu'on appelle aussi parfois mosh pit, ou fosse de mosh selon Google Trad (une fosse de mosh remplie de gens très beaux, ne le prenez pas mal). Un mosh pit qui va prendre de dangereuses proportions dès Salt et sa basse ultra bondissante, ce n'est plus une fosse, c'est une arène, que dis-je, un colisée, un maëlstrom de têtes et de bras inconscients de leur intégrité physique. Sofa Surfing monte dans la fumée verte omniprésente, la salle est floue, le groupe est flou, les vapeurs suffocantes, entre transpiration et pollution de l'air. Malone ajoute un air industriel à ce bourbier de déchets toxiques en fusion, avant que Leeches ne fasse exploser une violence rarement vue hors d'un concert de punk hardcore.

Un barbarisme sonore dédié à Georges W. Bush et son talent pour les dictons texans, l'occasion de proposer d'autres messages politiques, comme celui de The Birth Of A Nation : more blacks, more dogs, more irish. Plus de noirs, plus de chiens, plus d'irlandais, reprise des panneaux racistes interdisant les noirs, les chiens, et les irlandais à l'entrée de certains établissements londoniens, et une fin de compte-rendu clair et détaillé pour un chroniqueur incapable de résister à l'appel de la basse et des coups de coude dans la gueule. Encore une petite fournée de chansons jamais sorties : Figures et la lourdeur de son beat, Cold en accalmie devant les ruines fumantes, avant d'enfin découvrir le meilleur extrait du dernier EP en live : terra firma. Introspective, profonde, teintée de beats techno et de la voix grave et pour une fois maîtrisée de Fionn Relly, la chanson clôt l'accalmie par un pic émotionnel prouvant qu'Enola Gay peut être autre chose qu'une machine à désosser par-dessus un pogo où Dieu reconnaîtra les siens.


L'EP nous l'avait montré il y a quelques semaines, le bombardier joue maintenant dans les extrêmes, et comme après le calme vient la tempête, après terra firma vient PTS.DUP. De quoi remettre la tenue de combat et repartir à la guerre les pieds devants, ça casse des bouches sans discernement aucun, de quoi plaire à l'invité pas forcément discrète du soir : Jehnny Beth. Jehnny qu'on avait remarquée dans la foule quelques chansons auparavant, et qui va bien évidemment monter sur scène avec le groupe, histoire d'hurler le refrain de Scrappers dans un bordel général qui ne change pas grand-chose à l'affaire. Elle leur a quand même offert un passage dans son émission Echoes sur ARTE, on comprendra donc l'invitation et on la pardonnera, surtout après le terrassement final composé des inédites Knives Out et surtout, For God & For Ulster. Devise des terroristes loyalistes britanniques ramenant aux périodes les plus sanglantes de l'Irlande du Nord, au flow de Fionn Relly succèdent des explosions industrielles, le milieu de foule n'est plus qu'une manifestation qui a mal tourné, et c'est un beau miracle de ne pas retrouver de sang sur le parquet de ce Wednesday, sweaty Wednesday.

Le public en redemandera, et malgré le fait que le concert soit déjà fini, le quatuor, accompagné de Jehnny Beth, reviendra pour jouer à nouveau Scrappers dans une obscurité constellée de coups de stroboscopes, dernière pige d'un ingé lumière sans doute revenu du bar à toute vitesse. Ainsi, pour ceux qui en doutaient encore, Enola Gay sont revenus prouver qu'ils sont la définition même du groupe de live : un travail studio discutable et brouillon magnifié dans une setlist pleine d'inédits offrant un contraste, une variété, et une puissance inouïe à un concert fou et déjà inoubliable. Ainsi, une fois encore, on quittera le Point Ephémère en se plaisant à rêver que, comme pour IDLES, les astres finissent par s'aligner pour retranscrire cette force dans un album qui deviendrait sans aucun doute très vite un incontournable du genre.
setlist
    Cortana
    Salt
    Sofa Surfing
    Malone
    Naked Names
    Leeches
    The Birth Of A Nation
    Figures
    Cold
    terra firma
    PTS.DUP
    Scrappers
    Knives Out
    For God & For Ulster
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    Scrappers
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