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Enola Gay

Casement EP

Enola Gay - Casement EP
Chronique Single/EP
Date de sortie : 04.10.2023
Label :Modern Sky
25
Rédigé par Adonis Didier, le 2 octobre 2023
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Quelle est la différence entre un album et un EP ? Pragmatiquement, la durée, celle d'un EP étant généralement comprise entre dix et vingt minutes, là où rare sont les albums n'excédant pas la trentaine de minutes. Tout aussi pragmatiquement, le coût, un EP étant nettement moins coûteux à produire et distribuer pour un jeune groupe qu'un album complet (studio, mixage, etc), sans compter le fait qu'il faut quand même un certain nombre de chansons pour faire un album. Et quand on parle chansons, on arrive sur la partie légèrement plus métaphysique de la réflexion : un EP se doit d'être efficace dans ce qu'il entend faire.

Là où un album peut dériver, passer du coq à l'âne, se permettre une ou deux fantaisies musicales sortant du cadre prédéfini, un EP est, qui plus est pour un jeune groupe en quête de public et de reconnaissance, une note d'intention, une carte de visite en quatre ou cinq chansons, manière d'annoncer au monde de la musique son existence et en quoi elle consiste.
Ainsi, on se dit que le temps est précieux, d'autant plus quand votre nouvel EP, Casement, ne dure que dix minutes et vingt-six secondes, et que ces dix minutes passées, l'idée est d'enfin savoir qui sont vraiment les belfastois d'Enola Gay, groupe bombardier oscillant entre rap, noise punk, et inspirations de Fontaines D.C., et dont le concert vécu en avril au Supersonic reste un des plus grands ravages de scène de l'année (qui aura coûté un bout de dent à votre chroniqueur préféré, les risques du métier m'voyez). Sauf que non, ici, on est toujours paumés, et autant dire qu'on l'a un peu mauvaise.

D'expérience, on connaissait les nord-irlandais extrêmement bons dans l'exercice du noise rap industriel énervé soutenu par une basse tendue comme un appareil dentaire, avec pour très bons exemples le single Birth Of A Nation et leur tout premier EP Gransha. Mais ici, pas de préliminaires, pas d'introduction, et on se fait d'entrée sauter dessus par les émeutiers de Leeches, énorme déglinguage tapant au hasard dans le tas comme une milice privée armée de matraques électriques, un foutoir auditif ayant délaissé toute subtilité pour la force de frappe. PTS.DUP embraye en proposant plus de variété sonore, mais le tabassage n'est pas terminé pour autant, il est simplement plus esthétique et diversifié, boucliers et flash-balls de sortie, les lacrymos en supplément. On regrettera au passage de ne plus entendre le flow nerveux et dur de Fionn Relly, qui se contentera ici de hurlements contestataires bas du front et de... chant délicat par-dessus un accompagnement acoustique traditionnel.
Et c'est là qu'on est perdu. Alors que Leeches et PTS.DUP nous vendent une bande de bourrins dont le manque de subtilité ne fera sans doute que renforcer la puissance de leurs prestations live, la face B de Casement s'ouvre sur terra, une délicate chanson simplement composée d'arpèges de guitare acoustique et de la voix grave, à la beauté maladroite, de Fionn Relly. Le genre de chanson traditionnelle irlandaise que l'on entonne au pub, entre amis et famille, une pinte de Guinness à la main, au soir d'un enterrement. Chanson reprise dans firma, qui la renvoie de boucles électroniques en samples industriels grâce à l'aide du producteur Mount Palomar, dans un style final grave et envoûtant proche de l'ambiance d'une Skinty Fia, chanson-titre d'un plutôt bon album irlandais de l'année 2022.

Et nous y voilà. Fin des dix minutes, et alors que l'on pensait avoir des réponses, Enola Gay ne nous présentent en un EP que les extrêmes de leur palette musicale, de la déflagration flirtant dans le punk hardcore à la ballade traditionnelle, pour finir dans un sublime mêlant post-punk hanté et boucles électro. Sans jamais vraiment reprendre ce que l'on connaissait d'eux auparavant, le quatuor de Belfast se balade et s'égare, rendant ce nouvel EP confus et illisible, mais laissant entrevoir une étonnante et inattendue capacité à sortir de leurs habitudes musicales.
En résumé, Enola Gay utilisent Casement, le chroniqueur est confus, le chroniqueur se blesse dans sa confusion, et s'égare dans sa conclusion, une conclusion qui tiendra en quelques mots : Casement d'Enola Gay n'est en soi pas un bon EP, mais ce que l'on a pu y entendre est une matière première qui, correctement polie et taillée, présente le potentiel de devenir un joyau rare et précieux dans un futur proche.
tracklisting
    01. Leeches
  • 02. PTS.DUP
  • 03. terra
  • 04. firma (feat. Mount Palomar)
  • 05. terra firma
titres conseillés
    PTS.DUP, firma
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