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Lambrini Girls

Paris, La Mécanique Ondulatoire - 1er décembre 2023

Live-report par Adonis Didier

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Vous savez comme on en rajoute toujours sur le fait qu'on va voir des groupes jouer dans des caves surchauffées et mal aérées. Eh bien, à partir de ce jour, on jure solennellement qu'on n'en fera plus jamais trop sur l'International ou le Café de la Seine, que plus jamais un live report ne comportera la mention « alors on est parti se réchauffer en se collant à des gens dans une cave, lol », et que plus jamais on ne viendra en pull dans le boss final des caves humides, le parrain des bunkers moites, le Lebron James des sous-sols qui sentent le plâtre : la Mécanique Ondulatoire.

Un premier retour depuis la réouverture de la salle, et si on doit être honnête, c'est quand même mieux qu'avant ! Déjà, le son est plutôt bon, et de deux, le fond de la salle accolé au bar est maintenant surélevé, laissant la majorité des personnes à l'intérieur de ce qui s'apparente à un bunker de la seconde guerre mondiale avoir un visuel décent sur la scène. Ironie du sort, le bombardement ne sera cette fois pas au-dessus de nos têtes mais bien directement dans le bunker, car on est là pour une soirée punk, et pas n'importe laquelle, messieurs dames. Deux jours après Enola Gay, les vertèbres encore en vrac et contre l'avis des médecins, on y retourne pour s'envoyer du punk hardcore, du trash punk, et clou du spectacle plus qu'attendu, les Lambrini Girls. Enfin, quand on parle de s'envoyer les Lambrini Girls, vous comprendrez bien qu'on parle de musique, parce que dans cette affaire on risquerait surtout de finir à l'hôpital.


Les Lambrini Girls, donc, sensation rrrrriot punk venue de Brighton s'étant déjà fait un petit nom de grandes malades de la scène dans une bonne partie de l'Europe, et auteures d'un très sympathique EP sorti en début d'année. Un sympathique qui sous-entend évidemment tapageur, violent, féministe, punk, punk, et encore un peu punk, le tout recouvert par une crotte enflammée. Poésie, quand tu nous tiens... Un groupe engagé, bourrin, et complètement inconscient sur scène, rien de mieux pour une bonne soirée à thème, à laquelle beaucoup reprocheront tout de même un manque de diversité dans les premières parties.
Ramener une des têtes de pont du riot queer féministe anglais pour programmer deux groupes de jeunes mecs blancs avant, qui plus est pour un groupe avec des chansons comme Boys In The Band et Lads Lads Lads juste derrière, c'est un choix éditorial que l'on ne qualifiera pas de judicieux. Mettons cela sur le dos de la logistique, et des disponibilités peut-être aussi, alors laissons la police faire son travail. Enfin non, ne ramenez pas la police là-dedans, ça risquerait de mal finir pour tout le monde, et en parlant de mal finir pour tout le monde, ce sont les amplis qui commenceront le concert dans un état complicado.


Il faut dire qu'il est déjà 23h quand les Lambrini Girls montent finalement sur scène, le matos a bien vécu, mais un ampli finira contre toute attente par fonctionner, top départ pour de la Big Dick Energy ! Un joli titre qui veut tout dire, ça gratte fort les cordes, tellement fort que certaines finiront par péter, ça tape fort la batterie, ça crie fort dans le micro, avec à côté de ça une Lilly Macieira se démenant à la basse pour entretenir un semblant de structure dans ce bordel. Car oui, si on parle souvent de bordel en concert, les Lambrini Girls en sont sûrement l'un des exemples les plus authentiques et extrêmes, tout passe à l'arrache, le matos se fait tellement maltraiter qu'il déconne un titre sur deux, et ne tenant déjà plus sur la scène, Phoebe Lunny descendra chanson une pour pousser au crime dans la foule. Passage accroupi, pogo avec la chanteuse-guitariste qui finit projetée dans ses pédales, du crépitement sur du crépitement et des cris, pour que Mr Lovebomb voit finalement Phoebe monter sur la foule et s'accrocher aux tuyaux d'aération avant de se jeter complètement inconsciente dans la fosse. Help Me I'm Gay lance le running pit, parce que courir en cercle dans une cave de dix mètres carrés est forcément une bonne idée, à « holli ! holli ! holli ! » on répond « oy ! oy ! oy ! ». Phoebe descend discuter avec les personnes gays du premier rang et hurle des mots de soutien par-dessus les acclamations, les chansons s'enchaînent aussi frénétiquement que mes phrases, Terf Wars nous fait brailler « shut your fucking mouth ! » en pensant à J.K. Rowling, avant que Lads Lads Lads ne déclenche un wall of death suintant de transpiration dans un air à 112% d'humidité.


Ça crie, ça saute, ça se bat, on tente tant bien que mal de ne pas finir avec les genoux dans la scène, la chanteuse enlève son short pour finir en culotte, remonte sur le public, se crashe dans le pogo généralisé, pour finalement arriver jusqu'à Boys In The Band. « S'il y a un problème et que vous ne faites rien, vous faites partie du problème ». Les mots sont clairs, on veut plus de femmes sur scène, plus de femmes backstage, et par pitié, moins d'abus et d'histoires sordides. Remplacer les dicks par de la musique punk pourrait-on voir écrit sur les murs, mais il n'y a qu'un subtil « Max est un gros p*** », et déjà Phoebe est de retour les pieds sur les spectateurs pour le final Craig David. Pas tellement une chanson, plus une occasion de retourner encore un peu plus une salle enfouie dans le sol : à ce niveau-là c'est de l'archéologie, à Craig on hurle David, à Lambrini on hurle Girls, et à tout ça on dit merci Paris, et merci les Lambrini Girls.

Ce qu'on a vécu ce soir était autant une expérience sociale sur la nature humaine et sa résistance aux conditions extrêmes qu'un concert de musique, lors d'un show incontrôlable et incontrôlé qui nous fait dire que la clé pour rendre le monde plus fun est sans aucun doute d'avoir plus de femmes et plus de punk sur scène.

Crédit photographies : www.instagram.com/unsoundcolors
setlist
    Big Dick Energy
    Mr Lovebomb
    Help Me I'm Gay
    Terf Wars
    Lads Lads Lads
    White Van
    Boys In The Band
    Craig David
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