joe unknown

Coucou les imberbes, c'est Adonis Didier, le chroniqueur préféré des moins de vingt-deux ans et des fans de Nova Twins ! Vous ne connaissez pas joe unknown ? C'est normal, il est, comme son nom l'indique, totalement inconnu. Je vous vois au premier rang, lever le doigt en trépignant comme cette petite fayotte de Camille Brisemoncoeur qui m'avait mis un méchant râteau à la boum de Kevin Hivapalapecho, ce connard de hipster arrogant de cinquième rouge qui se vantait à l'époque de préférer Crystal Castles à Coldplay et qui j'imagine doit aujourd'hui écouter ces arnaques de Jockstrap. Comme Camille vous n'avez qu'une question à la bouche. Monsieur, Monsieur, Monsieur, comment vous connaissez joe unknown s'il est inconnu ? Et bien cela ne nous regarde pas (les boomers, elle est pour vous celle-là !). De quoi parlait-on déjà ? J'écris tard et je sens que peu à peu je m'égare. Encore une chronique qui part en vrille, mais vous n'imaginez pas les turpitudes [ou au choix n'importe quel mot utilisé à mauvais escient] du jeune reporter musical gonzo qu'on flanque d'office dans les caves humides les plus miteuses de Paris. Recentrons-nous car c'est l'heure de l'interro surprise. Prenez vos cahiers et notez le sujet. Qu'est-ce qui distingue un chanteur connu d'un chanteur inconnu ? Tout simplement le nombre de personnes qui le connaissent ! Ahah, pas mal celle-là, elle est de moi d'ailleurs !

Vous l'avez vu venir, encore un prank digne de Greg Guillotin ! C'était tonton Francky du bled depuis le début. Mais assez parlé de notre jeune mascotte, aussi appelée le petit Lord Fauntleroy du Supersonic ou le Benjamin Millepied des mosh pit et répondons plutôt à la question de Camille. Joe unknown est un jeune rappeur écossais ayant sorti cet été une première mixtape aux orchestrations post-punk intitulée For Better, For Worse sur laquelle l'influence de Sleaford Mods et de The Streets est flagrante et qui s'inscrit dans la lignée d’Ugly, le denier album de slowthai. Les assureurs considérant à juste titre que les présumés violeurs ne sont pas en droit d'être couverts pour leur tournée européenne, tous les concerts de slowthai prévus cet automne ont été annulés. Cela n'empêche pas les banquiers, pourtant juste un étage au-dessus, de ne voir aucun problème à ce que ceux-ci exercent les fonctions de ministre de l'Intérieur. On leur conseille d'échanger à l'occasion sur le sujet, eux qui partagent la même cantine étoilée au menu à cent euros vin non compris (ndlr : la rédaction présente ses excuses à nos banquiers et assureurs, sachant bien que le homard, vous n'aimez pas ça et que le champagne vous fait mal à la tête, au point de parfois être obligé de le couper à la MDMA). Le poste de chef de file de la vague crank-hop se trouvant désormais vaquant, joe unknown vient tout naturellement nous présenter son CV au POPUP!. Un deuxième entretien a déjà été fixé, même salle, même heure, le 18 janvier 2024 pour une résidence de deux dates sobrement intitulée Paris Takeover. Alors Paris brûle-t-il ? C'est-ce qu'on va voir tout de suite. Soyez attentifs car il y aura interro en fin de chronique.


Il est déjà vingt heures et des pale ale, pas le temps de niaiser, on file fissa dans la cave du POPUP!. C'est à Tony Garagist que revient l'honneur de faire chauffer le moteur. Le DJ français que certains ont pu voir au Motel, le bar indie de Ledru-Rollin, ou à l'exquis Pointu Festival de Six-Fours-les-Plages, délivre un set sur mesure, enchainant les pépites punk et rap les plus rageuses du Royaume-Uni. Citons pêle-mêle Dry Cleaning, IDLES, Sleaford Mods, Nia Archives ou slowthai. Pourtant encore peu nombreux, le public, qu'on soupçonne d'avoir pris l'apéro avec Joël Guerriau, est chaud comme une baraque à frites un soir de match à Bollaert.

Malgré des places à onze euros (prenez-ça Green Day !) et une jauge de cent-vingt personnes, la salle est très loin d'afficher complet à l'heure d'arrivée sur scène de Joe et de son DJ. Si on adore le POPUP! avec ses différents espaces permettant de passer plusieurs soirées en une seule, on a souvent râlé devant cette scène trop basse rendant le groupe invisible pour toute personne de moins d'un mètre quatre-vingt située au-delà du troisième rang. Ce soir joe unknown va transformer tous ces inconvénients en de fulgurants avantages. Jugeant la foule quelque peu timide sur le premier morceau, le MC à la coupe de cheveux de surfeur californien invite le public à se rapprocher du premier rang lui susurrant à l'oreille « Ne t'inquiète pas, ça va bien se passer et si tu ne viens pas à Joe, Joe viendra à toi » (nldr : traduction non contractuelle). L'écossais saute alors la petite marche séparant la scène de la fosse pour interpréter Hell Of Mine au milieu du public. Les présentations sont désormais faites, Joe – Paris, Paris -Joe, enchantés. On est vendredi soir, vous voulez vous amuser, c'est notre dernier concert de l'année et vous avez l'air bien foncedés, ça vous dirait de jouer à « ça ressemblerait à quoi un concert d'IDLES dans ton salon » ? Car c'était ça le premier concert de joe unknown à Paris, un putain de mini-concert d'IDLES dans ton salon. Tellement le genre de date à ne pas rater, qu'une deuxième séance a déjà été programmée. Si tu n'es pas là à la prochaine, c'est vraiment que tu le fais exprès.


Pendant une heure, il n'y aura plus vraiment de frontière entre la salle et la scène, le public et le groupe. Joe invitera même son dj à descendre dans le mosh pit, demandant à la foule de se fendre en deux pour lui « casser les jambes ». Ça pogote, les gens prennent le DJ dans les bras comme si c'était leur pote d'enfance. L'osmose est totale, le plaisir maximal, il ne manquerait plus qu'un peu d'émotion pour que ce show n'atteigne la note maximale. Celle-ci arrivera avec le saignant Gang, le public reprenant en cœur les paroles « Oi, you, fuck you, I don't wanna be in your gang, 'Cause I got my own gang and my gang fucking bangs ». Joe arrêtera alors la musique, demandant au DJ de relancer la chanson au début, visiblement aussi étonné qu'ému que pour la toute première fois un public connaisse les paroles de ses morceaux. L'ambiance montera encore d'un cran avec son « tube » Ride, à tel point qu'on n'en oubliera même de faire une pause pour se ravitailler au bar ou remettre de piles dans notre pacemaker.

On reprendra notre souffle avec Hennessy Brown, le seul titre downtempo du set. On a alors l'impression que le concert a commencé depuis quinze minutes mais en jetant un coup d'œil à la setlist, on réalise qu'il ne reste plus qu'un morceau, ou plutôt un double morceau puisque Silent sera joué deux fois, une première dans sa version originale puis une seconde dans sa version remixée par Annix avec ses beats drum'n'bass. On se dit qu'on vient de voir un de ces concerts où il fallait être, ceux où on assiste à la naissance d'un artiste qu'on va suivre longtemps. On est également un peu frustré car on aurait bien pris du rab, mais le catalogue du rappeur demeure restreint et la setlist ne prévoit aucun rappel. Pourtant, période de noël oblige, les écossais vont nous offrir un joli cadeau. Appelant tout le monde à monter sur scène, Joe se lance dans une reprise jubilatoire de Chop Suey! le mega-hit de System Of A Down. Une marée humaine semble déferler sur le POPUP! et si nous partîmes à moins de cent, par un prompt renfort, nous nous vîmes à trois mille en arrivant au port.

Cette reprise viendra clore une soirée mémorable qu'on pourrait résumer en deux mots, l'amour et la violence. Comme promis, voici venu le moment de l'interro. Camille et Kevin viennent de terminer leurs courses de noël, il ne leur reste chacun plus que onze euros sur leur compte en banque. Par déduction, pouvez-vous dire où ils passeront leur soirée du jeudi 18 janvier 2024 ? On vous donne un indice, ce sera au même endroit que nous et le petit Lord Fauntleroy.