2024, année irlandaise. Deux des meilleurs albums de l'année avec SPRINTS et NewDad, des étoiles montantes du rock dans chaque pub de Dublin, peut-être un tournoi des Six Nations, une victoire à l'Eurovision, et vingt-six médailles aux Jeux Olympiques. Mais une chose après l'autre, et la chose du soir consistera à aller voir au POPUP! à Paris Soda Blonde, dublinois anciennement connus pour Little Green Cars qui, quoi que l'on en dise dans les caves snobs du journalisme parisien rémunéré, se sont faits un véritable nom depuis le split du précédent groupe.

Enfin split est toujours un grand mot quand vous gardez quatre-vingts pourcents de l'effectif précédent, et l'on voit bien dès les premières secondes que le groupe est rôdé et tourne ensemble depuis plus de quinze ans. Faye O'Rourke faisant vibrer seule sa magnifique voix pour introduire
Dream Big, éponyme de l'album sorti l'année dernière, le deuxième de l'histoire du groupe, une entrée progressive de tous les musiciens dans le rendu sonore, Adam à la guitare, Donald à la basse, Dylan à la batterie, et un effort commun pour envoyer du lourd dès la première chanson. De magnifiques harmonies de voix, les mecs en retrait, Faye devant, une charge de cordes, et le tour est joué. Reste à
Bad Machine de nous sortir son riff de bass pleine de fuzz pour amener le public à danser, et nous voilà embarqués dans une drôle de barque à l'irlandaise.
Sur
Tiny Darkness, Adam passe au piano en fermant les yeux pour accentuer l'effet beau gosse (déjà que la gestion parfaite de ses mèches de cheveux nous foutait la haine), et la barque s'agrémente d'un gréement disco pour se fondre en un majestueux voilier mêlant les Pillow Queens et ABBA, et ce n'est pas
The Dark Trapeze qui dira le contraire ! Un premier concert à Paris pour le groupe, ce qui valait bien pour Faye de s'envoyer son verre de vin cul sec pendant l'intro de
Boys, du Soda Blonde avec une Lady Gaga énergie, quelle bonne idée de s'être retrouvé là à danser quand le tout Paris pionce en écoutant Slowdive. On appréciera un POPUP! correctement garni sans être surchargé, rempli de quelques anglais et/ou irlandais, Faye nous glissant que ça va, elle accepte, mais c'est bien parce qu'elle est à moitié anglaise. Un secret franchement honteux que l'on ne dira à personne, ça reste entre nous, et tant qu'on en est à raconter sa vie, pourquoi ne pas aborder cet heureux mariage express pré COVID-19 (ne faites pas ça chez vous les enfants !) et la chanson qui en est ressortie,
Space Baby.

Un discours très mignon et un poil long, qui va sans doute se rôder au fur et à mesure de la tournée. Même constat pour l'intro de
Why Die For Danzig, entre cours d'histoire et appel à ne pas oublier que la guerre n'est pas qu'une suite d'images cradingues présentées par Laurent Delahousse, pour un public dont seul un cinquantenaire possiblement prof d'histoire-géo avait la réf'. Et pour tous les Michel Palareff de l'assemblée, sachez que Dantzig en Pologne, aujourd'hui Gdansk, était une ville-libre séparant dans l'entre-deux guerres la Poméranie allemande de la Prusse-Occidentale, elle aussi allemande. Bref, en 1939, l'Allemagne voulait Dantzig pour raccorder ses provinces, la Pologne et les futurs alliés étaient pas trop d'accord, et Marcel Déat, ex-socialiste et futur ministre de Vichy, signait un édito Pascal Prauesque concluant que « aider les polonais, pourquoi pas, mais mourir pour Dantzig, non ! ». Au final tout le monde est mort quand même, donc si on pouvait arrêter de faire la guerre et se concentrer sur le concert de Soda Blonde, parce que dans tout ça on a oublié de prendre un micro pour la guitare folk. Un oubli qui fera finalement notre bonheur, Faye et Adam descendent dans la fosse pour chanter
An Accident à nu, unplugged, et le public offre un chœur de cinquante personnes à une chanson sur les relations mère-fille qui commencent par un accident, dans un sommet de complicité intime entre auditoire et musiciens.

Une complicité et un amour réciproque à l'image d'une foule tous cris dehors lorsque le groupe annonce ne pas descendre de scène parce qu'il n'y a tout simplement pas d'endroit pour le faire, et lance le rappel sous les acclamations et les encore non-réclamés. Nous voilà donc repartis pour trois chansons de disco-pop aux embruns de trèfle et de Guinness, conclusion parfaitement à propos d'un concert oscillant entre émotivité et fièvre du samedi soir, dichotomie d'un groupe excellant sur les deux faces du sou fétiche des soirées réussies.
Une soirée réussie malgré les trombes d'eau qui s'abattent sur le pavé de la rue, et si même le temps se met à l'heure irlandaise, qu'est-ce qui pourra bien les arrêter cette année ?