Skinny Lister

La pluie tombe à grosses gouttes sur Paris, il fait sombre et froid. La question qui nous taraude l'esprit est « que fais-je donc plantée sur un bout de trottoir alors que mon tabouret fétiche m'attend au pub pour le match de rugby Angleterre - Pays de Galles, ainsi que toute ma bande d'expatriés gallois amoureux du ballon ovale » ? Au-delà de risquer un blâme pour désertion de poste, c'est bien avec entrain que votre chroniqueuse se plante devant la Boule Noire en attendant de retrouver sur scène les joyeux Skinny Lister qui nous ont offert en octobre dernier de quoi déjà égayer nos soirées rugbystiques lors de la Coupe du Monde avec leur dernier album Shanty Punk, encore plus effervescent qu'une bière fraîchement tirée.

Cessons là les appels à la consommation de boissons maltées et poursuivons. En ce samedi soir, alors que la jeunesse dorée parisienne ventile aux quatre coins de l'Élysée Montmartre voisin les revenus de leurs cadres supérieurs de parents pour le concert des nouvelles (ou énièmes ?) star de la K-Pop XIKERS (je vous laisse consulter internet pour vous informer des tarifs) et que le Sound Of Violence Gentlemen's Club s'émeut de toute ses forces devant les félines rockeuses d'English Teacher et SPRINTS au Point Éphémère, nous nous retrouvons donc boulevard Rochechouart avec déjà présent devant la salle tout un petit groupe d'anglais en goguette venu supporter leur champions, à défaut de leurs joueurs de rugby.


Skinny Lister reviennent en force cinq après leur Maroquinerie où nous avions personnellement croisé leur chemin pour la toute première fois. On sortira donc sa boîte à « mieux vaut tard que jamais » et depuis un COVID-19 et un bébé pour Lorna et Dan, notre soif de connaissance ne faisait que se démultiplier. La Boule Noire verra une salle très honorablement pleine, laissant la place à qui le souhaite pour sauter, danser, entamer des gigues improvisées et surtout pour zigzaguer entre les divers jets de pintes à moitié pleines tant l'enthousiasme des présents ne cessera de s'exprimer tout du long de la soirée.

Vous l'aurez compris, Skinny Lister, avec leur musique imbibée d'influences folkloriques et construite autour de la culture des pubs sont des musiciens qui appellent à la camaraderie, à la solidarité et surtout au fun sans aucun complexe, menés par le trio de tête composé de Dan Heptinsall au chant et à la guitare ainsi que Lorna et Max Thomas, au chant pour l'une et à l'accordéon électrique pour l'autre. Mais surtout, comme le rappel Lorna, Skinny Lister c'est un groupe familial, où tous sont liés soit par les liens du sang (Lorna et Max sont frère et sœur) soit par les liens du mariage (Dan est l'époux de Lorna) soit par d'autres types de liens tout aussi solides. Et cet amour filial inclut les spectateurs quand dès les premières secondes du concert et l'entame Wanted, les musiciens se mettent tous à bondir et à chanter à l'unisson, entraînant malgré l'étroitesse de la scène dans leur frénésie tous les présents sans aucune exception.

Toujours moulée dans de fantastiques combinaison chatoyantes, Lorna mène réellement la danse et partage ainsi le chant avec Dan, tout en ne cessant de brasser la foule comme une bonne bière fraîche, leur fameux flagon (ndlr : cruche remplie de gnôle) circulant déjà parmi les spectateurs. Le dernier album Shanty Punk étant fortement représenté ce soir, nous avons enfin l'opportunité de découvrir en live l'efficacité des petites bombes que sont Unto The Breach, Company Of The Bar et Mantra, et même si notre petit préféré Broken, Bruised & Battled manque ce soir à l'appel, nous ne serons pas déçus de retrouver les piliers (de bar ou de rugby au choix) que sont Rattle & Roar, Cathy et le dantesque Trouble in Oxford Street, lors duquel Lorna viendra se lancer dans son activité préférée le crowd-surfing, nous frustrant énormément tant nous n'avons jamais osé tenter l'expérience en plus de vingt-cinq ans de concerts (il serait alors peut être opportun de ressortir notre boîte à « mieux vaut tard que jamais »)


Tout au long de la soirée, l'harmonie entre le groupe et les spectateurs est totale. Il faut alors imaginer la petite salle se transformer en troisième mi-temps, durant laquelle Lorna plonge assidument parmi la foule pour sauter, mener un bras de fer épique qu'elle remporte haut la main sur Arm Wrestling in Dresden jusqu'à venir se percher sur un des petits bancs tout en s'agrippant à votre fidèle chroniqueuse et ses appareils photos, qui sous l'effet des dizaines de téléphones braqués sur elle se dit que « tiens, ça fait cet effet là en fait ». Alors que sur scène Scott Milsom fait littéralement valdinguer sa contrebasse en l'air et Max son accordéon, nous retrouvons en guest le papa de Lorna et Max surnommé « Party George » qui prend alors le micro et entame un tour de chant des plus endiablés. Les chiens ne font décidément pas des chats et toute la famille Skinny Lister se retrouve alors pour les rappels, incluant Tim Vantow qui a assuré la première partie et Chris du merchandising pour clôturer de façon royale cette soirée avec les hymnes Hamburg Drunk et Six Whiskies nous replongeant dans la ferveur des grandes fêtes collégiales, sans aucun chichi et surtout dans un total esprit de générosité.

Skinny Lister demeurent une valeur ultra sûre en live que l'on soit connaisseur ou néophyte, leur univers festif lié à ce punk folk complètement désinhibé et leur joie de vivre étant le meilleur des remèdes contre tout type de mélancolie. En cette journée de victoire de la France contre l'Écosse au tournoi des Six Nations, que demander de plus ?