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SPRINTS

All That Is Over

SPRINTS - All That Is Over
Chronique Album
Date de sortie : 26.09.2025
Label : City Slang
5
Rédigé par Adonis Didier, le 26 septembre 2025
Dublin brûle, Paris brûle, l'Amérique brûle, l'Europe brûle, et tout entier le monde brûle. Les punks sont dans la rue, les fachos aussi, les coups de feu traversent l'écran, les bombes tombent sur les toits et dans les téléphones de tout le monde, et l'apocalypse est carrément moins fun que ce que Mad Max et Fallout nous avaient vendus. Pas d'avalanches de monster trucks qui crachent du feu, pas de ghoules radioactives à découper au fusil à pompe, pas de Charlize Theron ou de Pedro Pascal pour raviver nos daddy issues, la fin du monde sera lente et inéluctable, disponible en 8K sur tous les canaux 5G pour une bouchée de pain, et personne ne pourra rien faire d'autre que regarder.

Alors pendant que le bateau coule, saluons une dernière fois l'horizon et posons gaiement notre cul sur la caisse de feu d'artifices célébrant le fait que tout est enfin terminé. All That Is Over, c'est la fin et elle est à la hauteur de tout le merdier qui l'a précédé : le deuxième album des quatre irlandais de SPRINTS est un bouquet final de punk rock dédié à un monde en pleine implosion, un chant du cygne dans lequel le cygne a été remplacé par un dragon à quatre têtes crachant du feu par la gueule et les yeux en guise de bonjour. Saint-Michel le CRS facho face à la bête de lave, de métal et de punk nommée SPRINTS, une bataille au-dessus d'un gouffre dont la seule issue est l'annihilation des deux camps et de la Terre sur laquelle ils reposent.
Abandon sonne la lugubre arrivée des combattants dans l'arène, Jack Callan frappe, les yeux vides, la caisse claire du jugement dernier, la poussière tourbillonne, le vent arrache les pierres du colisée et glace le sang To The Bone, jusqu'aux os et jusqu'à la moelle pendant quatre minutes de retenue, quatre minutes à trépigner, serrer les dents, refluer la flamme qui brûle la trachée, la boule de feu qui marquera le coup d'envoi d'un affrontement et d'un album absolument légendaire. Dans les tribunes un coup de feu, To The Bone connecte les substances chimiques et explose, la cavalcade est lancée et ne s'arrêtera que quand tout le monde sera mort. Descartes nous fait du SPRINTS « à l'ancienne », Karla Chubb prend les choses en main et hurle que le monde brûle juste devant nos yeux, la guitare de Zac Stephenson découpe le blindage des forces de l'ordre sur Need, déflagration riot-punk bruitiste précédant la monumentale Beg.

All That Is Over répète Karla, défiant le soleil, défiant le ciel, défiant le paradis et l'enfer d'arrêter cette charge de chevaux moteurs comprimés dans une vieille Chevrolet hérissée de fourches et de piques. Car tout cela n'est plus que Rage, une rage désertique et rock n'roll empruntée à Black Rebel Motorcycle Club et surboostée par le bricoleur de l'apocalypse, le mécanicien sonore de la fin des temps : Daniel Fox. Le bassiste et producteur de Gilla Band, au boulot dans le fond du garage, le monster truck SPRINTS peut reprendre la route sans crainte d'écraser tout le monde sur son passage, parce que Something's Gonna Happen. Quelque chose va se passer, et ce quelque chose c'est Pieces : un démontage en règle de matériel policier, une manifestation qui tourne mal, soutenue par un refrain grandiose et homérique, et d'un coup de matraque on retombe à terre, dans la mêlée, dans le bruit et la fureur.

Le sang et la sueur et les larmes de Winston Churchill qui s'épongent sur Better, l'œil du cyclone de cet album héroïque, on lève la tête et on se souvient que le ciel a un jour été bleu, que la vie est parfois belle et parfois moche mais qu'elle vaut d'être vécue. Vivre, le mot d'ordre de Coming Alive, Karla qui se bat pour vivre, survivre, revivre, un mot après l'autre, un pas après l'autre, un cri après l'autre, la plus grande chanson de l'année 2025 hurle jusqu'à s'asphyxier et offrir son oxygène à un monde que l'on croyait mort. Mais sa poitrine se relève, une fois, deux fois, toute seule, trois fois, le Desire de vivre revient, le son du flamenco aussi, une phrase que l'on n'aurait jamais cru écrire un jour et pourtant. Six minutes de conclusion hispanisante à un album qui nous promettait la fin du monde et qui, parce que la fin de quelque chose est toujours le début d'autre chose, l'a fait revivre d'un souffle nouveau chargé aux vapeurs de Guinness.

All That Is Over, mais « tout ça » ne veut pas dire tout, et SPRINTS disent au revoir au vice qui nous gangrène pour ne garder que le meilleur. Le meilleur de l'humanité et le meilleur du noise rock sur un deuxième album qui réussit l'exploit d'être aussi bon si ce n'est meilleur que son prédécesseur, tout en élargissant les horizons du groupe du plus calme au plus violent. Un combat à six cents contre un que le dragon dublinois à quatre têtes a finalement remporté haut la main, un combat plus politique que jamais contre des adversaires qui n'en finiront pas d'affluer, contre un océan de haine et de violence à la marée toujours plus haute. Alors sortez les briquets, et goutte par goutte asséchons avec SPRINTS l'océan jusqu'à ce qu'il ne reste des mauvais qu'une poignée de sel. A ce moment-là seulement on aura gagné. A ce moment-là seulement tout sera terminé.
tracklisting
    01. Abandon
  • 02. To The Bone
  • 03. Descartes
  • 04. Need
  • 05. Beg
  • 06. Rage
  • 07. Something's Gonna Happen
  • 08. Pieces
  • 09. Better
  • 10. Coming Alive
  • 11. Desire
titres conseillés
    Coming Alive, Beg, Better
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