Francis Lung

Quoi de plus agréable que de sensiblement lever le pied s'agissant de l'intensité de nos concerts ? Après dix jours éprouvants entre un retour aux années fac avec les Libertines, la furie de la jeune scène britannique représentée par Lambrini Girls et Fat Dog, la majestuosité des légendes de Depeche Mode et le marathon épique d'IDLES, souhaitant ne pas finir en arrêt maladie pour cause d'exténuement, direction ce samedi soir pluvieux vers le POPUP! à Bastille pour retrouver un habitué des lieux, devenu depuis le plus nantais des mancuniens, Francis Lung.

Nous avions quitté ce dernier en 2022 sur un inattendu EP nommé Short Stories, prenant la forme d'un récit presque cinématographique nous narrant la vie et les personnages rencontrés autour du Midland Hotel de Manchester. Se dévorant tel un recueil de nouvelles, cet EP nous avait été présenté en live au Supersonic et si la barrière de la langue et le ton narratif n'avait probablement pas permis au public de bien saisir toute l'étendue romanesque de cet essai, la bienveillance des spectateurs et la gentillesse de Francis avaient donné lieu à un concert des plus agréables.


Retour donc à Paris, à quelques encablures de la rue Biscornet, cette fois-ci dans la petite cave du POPUP! où Francis s'est pour la première fois produit en solo à Paris à la suite de son départ de WU LYF. C'est donc dans un français des plus honorables que nous retrouvons l'anglais, depuis installé à Nantes, qui nous explique se sentir comme à la maison à la rue Abel. L'ambiance se veut alors familiale et c'est dans cet esprit que Francis Lung fera se joindre aux festivités Mackenzie Leighton, américaine elle-aussi nantaise d‘adoption qui nous servira en guise de première partie un très agréable récital folk pour ensuite accompagner au piano et à la basse le set de Francis.

La setlist piochera dans la discographie de Francis Lung maintenant composée de trois albums et plusieurs EPs, et ce dernier nous démontrera ses talents de multi-instrumentiste en passant de la guitare à la batterie au piano, accompagné donc de Mackenzie et d'un bassiste-guitariste afin de donner corps au maximum à son répertoire. Comme petite mise en scène, un enregistrement audio mimant une intelligence artificielle nommée Daisy viendra en français proposer les interludes entre les morceaux, donnant lieux à un petit jeu de dialogue avec Francis, le tout comme un petit pied de nez à l'artificialisation de nos mœurs et comme pour contraster avec l'authenticité du set de Francis qui, malgré ses airs de jeune homme timide, sait dégager une véritable aura.


Vêtu d'un costume en velours beige qui le fait briller de mille feux sous un lightshow électrique passant du bleu au rose au rouge, l'atmosphère mélancolique de Miracle se mêle parfaitement avec les morceaux plus tendus de Short Stories, offrant un bel équilibre durant l'heure de concert incluant deux exclusivités que sont I Don't Wanna Hear It et Lucky inspiré par la mort du chien de Francis. L'anglais n'aura de cesse de s'adresser au public pour donner un peu de contexte à ses morceaux et le concert se termine avec Francis qui dans la semi-pénombre descend de scène pour chanter parmi les spectateurs intimidés, prenant des airs de crooner d'un autre temps. Cette pop enjôleuse et malicieuse nous évoque chez le musicien un petit côté Michel Polnareff, avec ce timbre de voix qui se fait profond comme très aigue, ces envolées au piano et ces textes chimériques.

Avec cette touche vintage qu'offre son univers, Francis Lung se révèle un excellent auteur-compositeur qui a véritablement bien fait de prendre son envol de WU LYF, nous offrant une musique à l'imaginaire extrêmement fertile et très agréablement poétique.