logo SOV

Francis Lung

Interview publiée par Laetitia Mavrel le 8 juillet 2021

Bookmark and Share
Francis Lung revient pour nous ensoleiller ce timide début d'été au son de Miracle, second album solo aux textes et musiques libérateurs. Toujours an travers de nos écrans, Tom/Francis évoque son évolution depuis A Dream Is U paru en 2018, sa relation au confinement et comment il est parvenu à exprimer son ressenti de la meilleure façon qu'il soit : en musique.

Cela fait trois semaines que Miracle est sorti, quels sont les retours sur ton nouvel album. Es-tu satisfait ?

J'ai été surpris des retours sur le disque, je ne m'attendais pas à ce que les gens m'envoient des messages avec leur ressenti. J'ai l'impression que mon disque leur parle réellement, les réactions sont toutes très positives et amicales. Je suis content car ce que j'ai essayé de faire c'est d'être direct, de délivrer des chansons que le public peut assimiler à sa propre expérience.

Tu es resté très proche de ton public durant toute la crise, notamment avec des streamings et en réalisant un EP en mode « confiné » (ndlr : Songs From A Living Room en septembre dernier). Cette proximité avec tes fans, est-ce quelque chose de naturel en temps normal ? Il faut avouer que tu sembles, vu de l'extérieur, être quelqu'un de plutôt timide et réservé...

Je ne suis pas si timide ! Mes amis pensent que je suis tout le contraire, mais c'est vrai que ça ne transparait pas forcément dans ma musique. Par contre je trouve que cela est plus vrai dans cet album, certaines paroles sont plutôt rigolotes comme dans Lonesome No More, c'est assez drôle ce qui s'y raconte. J'aime me sentir connecté aux autres, je ne savais pas trop bien le faire avant les confinements, mais parce que tout le monde en avait besoin, j'ai plus communiqué avec les fans et j'en ai profité pour être plus dans l'action, notamment avec des événements caritatifs. En fait, j'essaye de faire transparaître toutes les facettes de ma personnalité dans mes paroles, j'écris de la façon la plus honnête. Et parfois, l'honnêteté transparait le mieux au travers de la tristesse. C'est un peu comme une thérapie.

Parlons de ce personnage qu'est Francis Lung. Beaucoup te connaissaient déjà avec WU LYF et en tant que Tom McClung, ton vrai patronyme. Quelle est l'histoire derrière ce pseudonyme et pourquoi avoir débuté ta carrière solo avec ?

En fait c'est simple, je n'aime pas beaucoup mon vrai nom. Je trouvais que ça ne serait pas terrible sur une pochette d'album. Je le trouve un peu ennuyeux... Francis est mon second prénom, c'est toujours moi mais c'est aussi une opportunité de faire ce que je veux et plein de nouvelles choses.

C'était donc l'occasion de te prendre de la distance avec ta période WU LYF ?

Pas vraiment, j'avais déjà créé une page Tumblr sous ce pseudo à l'époque pour publier des chansons et démos. J'ai créé un personnage, je voulais qu'il soit écossais (ndlr : Francis imite l'accent écossais... de façon peu convaincante), petit à petit c'est devenu moi.

Quand as-tu débuté l'écriture de Miracle et dans quel état d'esprit ?

Dès 2018, ça m'a pris un certain temps pour finaliser l'album ! Pour resituer le contexte je traversais une période difficile, je jonglais avec différents jobs, mon humeur était plutôt maussade, je ne savais pas trop ce que je voulais faire, je buvais trop... Je me disais que ce serait un miracle si je terminais ce disque. C'était plutôt déprimant de me dire que ce qui pouvait me sauver n'existait pas encore. Plutôt que de déprimer encore plus, j'ai transposé ça dans des chansons et le titre Miracle en est le parfait exemple. Je n'avais jamais écrit dans un tel état d'esprit, cela donne une voix particulière à cet album, une couleur que A Dream Is U n'a pas. Mais toutes les chansons ne sont pas à propos de moi, c'est universel comme sentiment.

Musicalement, cet album est très équilibré. On passe de mélodies douces et tristes à des sons plus dynamiques et enjoués. C'était donc le but recherché ?

Quand je le fais, je ne me rends pas compte tout de suite du résultat. Il me faut un peu de temps pour prendre du recul, mais ta description me convient ! A la différence de A Dream Is U, Miracle est en effet équilibré. Mon premier disque est sûrement un peu trop... doux et sucré. Il y a beaucoup de naïveté mais aussi une part sombre, c'est un bon disque mais peut être plus léger. Dans Miracle, j'exprime beaucoup mes émotions au travers de la guitare, comme ma voix est plutôt discrète je fais passer beaucoup plus de choses. Je sonne un peu en 3D !

Ton travail semble fortement influencé par la musique d'Elliott Smith. Tu as participé dernièrement à un concert streaming à sa mémoire, c'était très émouvant. Fait-il partie de tes références majeures ?

Oui, tout à fait, je n'ai pas pu le voir de son vivant car il est décédé en 2003 et je n'avais que treize ans, et aussi parce que j'adore les Beatles, et tous les groupes influencés par les Beatles. Elliott lui-même a été guidé par les Beatles, je suis très sensible à sa musique. C'est un sacré compliment, merci !

C'était un homme tourmenté mais il apparaissait toujours sur scène extrêmement souriant et enjoué, il gardait sa mélancolie et son anxiété pour lui...

C'est très vrai et c'est un peu ce que j'ai fait également. J'ai nié mon anxiété sur le premier album, mais pour celui-ci je me devais d'être plus honnête. C'est dur de composer des chansons joyeuses quand on ne l'est pas du tout. Dans Say So, c'est très dynamique et enjoué mais les textes sont à propos du suicide. J'adore jouer avec cette dualité : on entend deux voix dans sa tête, une qui te fais te demander si tu manqueras à quelqu'un si tu te suicides, et l'autre qui t'interdit de le faire justement parce qu'il y a des gens qui t'aiment. C'est une chanson sur le suicide mais elle n'est pas déprimante !

Les concerts sont de retour petit à petit selon les pays. Qu'en est-il du Royaume-Uni ? Tu as des projets ?

Chez nous la levée des restrictions doit se faire le 19 juillet et j'ai quelques dates à Londres et Manchester juste après. Mais j'ai toujours peur que ça représente un danger pour les spectateurs, on a l'impression que la moitié du public sera précautionneuse avec les masques et l'autre n'en aura rien à faire, et qu'on risque un nouveau confinement d'ici la fin de l'année.

Tu te sentirais d'annuler des concerts si tu penses que le risque est encore trop grand ?

Oui tout à fait, ça n'est que des concerts, la santé est primordiale.

En tant que musicien de la scène indé, penses-tu que cela risque d'être encore plus difficile de faire sa promotion et de se produire après cette crise et avec les nouvelles mesures liées au Brexit ?

Oui, ça va être difficile de se produire, surtout que l'offre en musiciens est saturée du fait des reports et des promotions non effectuées. Les petits groupes ne sont pas prioritaires dans les programmations, et cela risque d'éloigner le public. Mais c'est OK, je n'ai jamais eu aussi bonne presse qu'avec cet album, peut-être à cause de la pandémie en tant que nouveauté apparaissant durant cette période. Je suis si reconnaissant envers les gens qui apprécient et qui s'approprient ma musique.