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RHODES

Paris, Café de la Danse - 16 mars 2024

Live-report par Adonis Didier

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Encore un samedi soir. Encore un concert. La routine du chroniqueur en perte de vitesse, empêtré dans des prestations bonnes mais pas top, sans autre chose à écrire que de tièdes réflexions concernant l'éclairage de scène ou le bon goût de la chemise du chanteur. La triste histoire d'un chroniqueur se rêvant reporter, écrivain, étudié dans les écoles, loué dans les salons, réduit à faire des blagues sur des musiciens quarantenaires encore plus délusionnels que lui, dans un webzine que ses amis traiteront sans aucun respect de blog, le tout pour pas une thune.


Une histoire dans laquelle il y a des soirs comme ça. Des soirs où l'on se dit que c'est pas si mal, et qu'on est content de faire ce qu'on fait, qu'importe la gloire, qu'importe le respect, qu'importe le candy raton, foutu rongeur sucré et délicieux dont on aimerait toujours qu'il ne dise que du bien de nous. Tout ça parce qu'un type se pointe sur une scène avec une guitare et rien d'autre, si ce n'est son pull, son pantalon, ses chaussures, et une lampe au-dessus de lui. Vagabond du cœur, David Rhodes est ce soir venu au Café de la Danse sans rien d'autre que lui-même, une guitare piquée à son père, et sa musique. Simple, désarmante, à même de redonner la foi d'écrire au chroniqueur désœuvré et sans mots, la musique de RHODES semble parfois tombée du paradis, extraite d'une partition amoureusement soufflée d'un nuage par l'ange Gabriel, entre deux visites à un mec paumé dans le désert.

Comme l'accord secret que David jouait pour plaire au Seigneur, Be The Bird déploie ses ailes de lumière derrière le roi du soir, les arpèges montent et descendent, s'emmêlant dans la voix de cristal de David Rhodes, tintant le verre un battement après l'autre, traçant son chemin jusqu'au ciel au travers de l'ivresse et du bruit de Bastille. Un bruit étouffé par la beauté irréelle de Toothpaste, mélopée d'Orphée ne laissant dans le monde que le rythme des notes et le cliquetis des appareils photos. Une écoute religieuse qui ne sera brisée que par les chants du public à partir de When You're Alone, des choeurs sur How I Love You, des « come on » sur Friends Like These, jusqu'à ce que David nous demande le contre-chant final de The Love I Give. « Le plus beau des chœurs » selon lui, dans un Café de la Danse ressemblant, de toute la hauteur des ombres s'étalant sur ses grands murs de pierre, à une église de passage de l'ancienne Angleterre, abri divin des pèlerins et des jeunes adolescents égarés.


Un concert fait de chansons, de vagues d'applaudissements, de silences, puis d'anecdotes, et de nouveau de chansons. D'une anecdote à l'autre, on apprend que son manager et son ingénieur du son sont restés malades en Allemagne, que son arrière-grand-père était chef cuisinier dans un palace parisien, et que Don't Cry est réellement partie d'une expérience de noyade, expérience après laquelle la femme de David lui dira d'arrêter de faire sa drama queen. Décidément, les hommes et l'exagération... Ironie de la situation, Don't Cry ramène à l'église l'image de Jeff Buckley, et une noyade en appelant une autre, c'est dans la voix de RHODES que l'on s'en va de nouveau plonger pour le premier final All I've Ever Known.
Un premier final suivi d'un second en la personne de Morning, lui-même suivi d'un troisième plus impromptu, RHODES revenant jouer You & I sous la contrainte des hurlements aigus et ininterrompus du public. Car oui, il y avait quelque chose de spécial en cette soirée avec David Rhodes au Café de la Danse. Un je-ne-sais-quoi de magie dans l'air à même de rendre le moment irréel, terriblement intime, touchant, dans ce cocon tissé de cordes de guitare dont on souhaiterait tant ne jamais sortir.

Mais le chroniqueur doit revenir à sa vie, repasser les portes qui l'ont amené à cet écrin de joie et de mélancolie, et du paradis retourner sur terre en espérant, de concert en concert, retrouver de temps à autre la porte, débouchant sur un escalier à la forme toujours inégale, à l'emplacement toujours changeant, un escalier vers le paradis.
setlist
    Close Your Eyes
    Be The Bird
    Toothpaste
    Your Soul
    How I Love You
    Friends Like These
    Happy
    Breathe
    The Love I Give
    Don't Cry
    All I've Ever Known
    ---
    Morning
    You & I
photos du concert
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