Le joli mois de mai est bien là : ça bourgeonne autant sur les arbres que dans nos agendas concerts. Le rush pré-estival bat son plein et il devient ainsi difficile de faire des choix. En ce jeudi soir, la question ne se pose cependant pas grâce au retour providentiel de Kula Shaker à Paris, à peine quelques mois après un Point Ephémère que nous avions raté pour cause de petite finale de Coupe du Monde de rugby. Notre karma ne nous en a pas tenu rigueur et la sortie en janvier dernier de
Natural Magick, nouvel album de la formation de Crispian Mills, nous a également bien aidés. Pour rappel, nous rajoutions un peu de soleil à notre hiver grâce au septième disque des anglais, pur album de psyché pop « à la » Kula Shaker, en comparaison d'avec le concept album
1st Congregational Church Of Eternal Love (And Free Hugs) paru deux ans auparavant. Amorçant un retour à un rock gorgé de veloutes d'encens, ce dernier nous a confirmé que les références et le talent de Crispian Mills ne s'érodent absolument pas avec le temps.

C'est également un retour en arrière d'un autre genre que de se rendre à l'Alhambra de Paris, théâtre-cabaret faisant rarement dans notre style de prédilection. Un réel plaisir de retrouver la rue Toudic, et une salle en configuration debout pour accueillir le groupe. Avant cela, nos oreilles vont se tendre pour la toute première fois vers une première partie de haute volée qui, spoilons tout de suite la fin du film, nous a intégralement convaincus. Nous rencontrons ce soir
Logan's Close, duo de Glasgow composé de Scott Rough et Carl Marah, deux jeunes guitaristes qui nous plongent dans leur univers pop fortement inspiré des glorieuses années 60, habilement remis au goût du jour et basé sur un chant en choeur et de magnifiques mélodies fleurant bon Carnaby Street et le Swinging London. Accompagnés sur scène de trois autres musiciens, Scott et Carl se présentent à nous pour la toute première fois en France, fiers mais un peu intimidés, et nous délivrent un set de quarante minutes basé sur leur premier album sorti fin 2023 intitulé
Heart-Shapped Jacuzzi.
Ce qui nous plaît d'office est la qualité du chant tout en harmonies, les deux voix se complétant parfaitement, et le look très vintage de nos amis à base de vestes en tweed marron, chemises oranges et rouges à pois, apporte encore plus de crédibilité à ce voyage dans le passé vers la fin des années 60s. Les influences lorgnent tant vers les Beach Boys et leur surf rock délicieusement juvénile que vers les pérégrinations un peu plus enfumées des Kinks, mais parce que nous sommes en 2024, cette merveilleuse alliance de voix et de pop colorée nous évoque à de nombreuses reprises le merveilleux style des Américains de The Lemon Twigs. Extrêmement flattés de l'accueil que leur réserve le public, Logan's Close invitent qui le souhaite à les rejoindre à la fin du concert pour faire connaissance et espèrent, autant que nous, pouvoir revenir à Paris pour prolonger ce qui pourrait bien être une nouvelle petite idylle musicale.

Nous avons donc ce soir l'immense plaisir de retrouver sur scène
Kula Shaker. Depuis son second come-back discographique en 2016, Crispian Mills perpétue sa tradition d'un rock psychédélique vintage, extrêmement bien maîtrisé, et ses riches références 70s font de lui un parfait héritier de ces années foisonnantes d'idées et autres substances non autorisées.
Natural Magick rentre totalement dans ce cadre, et bien que lors de sa découverte nous étions restés un peu sur notre faim, semblant percevoir un peu de routine dans le style pourtant affirmé de Kula Shaker, notre envie d'en découdre sur scène n'en n'était que plus forte. Le groupe, constitué de Crispian Mills à la guitare et au chant, Alonza Bevan à la basse, Jay Darlington au clavier et Paul Winterhart à la batterie, se retrouve sur la vaste scène de l'Alhambra un peu plus dilué que lorsqu'il avait pris possession de la toute petite scène du Point Ephémère. Avec comme décor un grand écran blanc qui projette par intermittence différentes vidéos kaléidoscopiques, Crispian Mills entre sur scène vêtu d'un magnifique kurta bleu et doré, allié à un jeans noir et une belle paire de Converses, offrant un mélange des genres qui le défini parfaitement.
Ce soir, honneur sera fait à
Natural Magick, dont le logo éléphantesque trône sur l'écran géant durant les premiers titres du concert. C'est en effet à la suite les meilleurs morceaux du disque tels
Gaslighting,
Waves,
Natural Magick ou l'excellent
F-Bombs qui sont présentés au public. Ce dernier est très largement composé de fans des débuts, et il est très agréable d'observer les tenues de nombre d'entre eux, entre tee-shirts à l'effigie du groupe ou autres à base de Tie Dye et nombre de foulards, bandeaux et colliers colorés. L'accueil des nouveaux morceaux est unanime, les chœurs se font déjà entendre sur les refrains et les applaudissements valident la réception du dernier opus. On rejoint grandement l'avis populaire, car ces titres se voient magnifiés en live. Crispian Mills porte à lui tout seul la puissance du set ne cessant de bondir, tendre sa guitare telle une mitraillette, son chant et son langage corporels très expressifs, ce dernier n'a pas perdu une once de son charisme depuis tout ce temps.

L'autre star de la soirée est bien évidement le chef d'œuvre qu'est
K, debut album paru en 1996, énorme succès qui a fait exploser la carrière de Kula Shaker et a rendu difficile au groupe la tâche de lui donner un digne successeur. Les tubes s'y enchainent à la suite l'un de l'autre, de
Hey Dude à
303, en passant par
Govinda,
Hush et l'indétrônable
Tattva, qui sera à cette occasion interprété de façon plus lente et intense, rendant l'expérience encore plus immersive.
Sous un lightshow aux couleurs ultra vives, avec une belle tendance au rose fuchsia et rouge criard, à grand renfort de moults bâtons d'encens brulés, la plongée dans l'univers psychédélique de Kula Shaker est intense. Plus le set défile, plus Crispian Mills est pied au plancher, irradiant de mille feux, sa tenue reflétant tous les faisceaux de lumières dirigés sur lui, l'entourant d'une aura chatoyante, n'est pas shaman du rock qui veut. Le concert se termine sur le hit chanté en hindou
Govinda, repris mot pour mot par le public, et de façon surprenante sur une reprise de
Groove Is In The Heart de Deee-Lite, tube house qui, ce soir, prend des allures de trip au-delà du réel que n'auraient pas renié les Grateful Dead.
Une heure et trente minutes de concert qui nous aura définitivement rabibochés avec le dernier album, lui découvrant de nouveaux atours nous ayant échappé lors de sa chronique en janvier dernier. Ce soir, Kula Shaker nous ont littéralement transportés dans leur monde halluciné et hallucinant, gorgé d'acid-rock détonnant et de méditation sur l'immanence et la transcendance, où nous avons grand ouvert nos shakras. Kula Shaker ne sont définitivement pas prêt de disparaître de notre cosmos musical, Crispian Mills étant naturellement voué à la réincarnation.