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Kula Shaker

Interview publiée par Claire le 30 juin 2010

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« Bonjour, vous venez pour l'interview ? » : c'est en Français dans le texte que Sound Of Violence est accueilli par Alonzo Bevan, le bassiste de Kula Shaker. En attendant le retour du frontman Crispian Mills parti se dégourdir les jambes après une journée de promotion, la discussion est entamée autour d'un café sur la pollution Londonienne, l'Avesnois et les autoroutes françaises. C'est sur le chapitre « comment aller de Chimay à Londres » que Crispian Mills fait son entrée et que commence l'entretien sur l'album entre le pouvoir des fées et celui de Simon Cowell...

Vous avez sorti votre précédent album il y a plus de trois ans, et ce de manière assez confidentielle. Pourquoi tant de temps entre Strangefolk et Pilgrim's Progress ?

Crispian : On est plutôt paresseux... quoique ce n'est pas tant de la paresse que laisser les choses se faire d'elles-mêmes. Il faut sortir un album quand il est prêt et pas parce que l'aiguille sur l'horloge indique qu'il est l'heure de le sortir. Beaucoup de choses se sont passées dans nos vies et la sortie de Strangefolk il y a trois ans fut plutôt calme. L'album était surtout pour les fans. Il a été fait à la maison, auto-produit donc pour celui-ci, on ne s'est pas mis la pression - et on ne nous l'a pas spécialement mise - pour sortir un tube. Il faut laisser la musique suivre son cours naturel.

Vous habitez plutôt loin les uns des autres, voire dans des pays différents. Est-ce que cela a rendu l'écriture de l'album beaucoup plus complexe ? Comment avez-vous fonctionné ?

Alonso : On est retournés à nos racines, là où on a grandis, dans une petite ville qui s'appelle Hampton, sur la Tamise, pas loin de Londres. C'est là où on s'est rencontrés, là où on a passés nos jeunes années. On a voulu y revenir, et on s'est mis à composer avec nos guitares acoustiques. On avait aussi nos démos chacun de notre côté.
Crispian : On travaille souvent comme ça, on s'enregistre et on se fait passer les mp3, mais on ne peut finir les chansons qu'en se retrouvant, en buvant en coup, en fumant une clope, ce genre de choses... boire du thé, fumer la pipe (rires) ! C'était plutôt pratique de se retrouver chez sa mère, là où on se retrouvait quand on était à la fac. On est partis de nos chansons et on a construit l'album petit à petit dans un lieu qu'on avait en commun.

Vous avez enregistré l'album dans les Ardennes belges et vous avez plusieurs fois dit que ce lieu avait été une influence majeure pour l'album. Pouvez-vous nous expliquer ça ?

Alonso : On ne s'y attendait pas, mais le coin est intemporel, on pourrait se trouver à n'importe quel siècle ! Il y a les bois et les bâtiments en pierre grise. C'est totalement hors du temps et cela a donc fini par donner ce côté médiéval et enchanteur à notre album.
Crispian : Tous les grands albums de rock sont le fruit d'une époque et d'un lieu et votre environnement va avoir beaucoup plus d'influence sur vous que vous ne le pensez. Donc nous n'avons pas enregistré l'album à Berlin ou Abbey Road, ces grands lieux mythiques et classiques. On est juste allés au fond d'une forêt en Belgique.

Votre album est beaucoup plus acoustique et moins influencé par la musique indienne que les précédents. Pensez-vous que cela va surprendre vos fans ? Avez-vous pensé à leur réaction en écrivant l'album ?

Crispian : Je pense que ça leur conviendra, qu'ils comprendront. Parce que l'acoustique n'effraie pas les fées. Et il y avait tant de fées dans la forêt qu'on ne voulait pas les mettre colère! Parce que si vous les mettez en colère, elles vous font la misère !

Je ne savais pas qu'il y avait tant de fées dans les Ardennes (rires) !

Crispian : En Irlande, on les appelle les Good People pour être poli avec elles et ne pas les mettre en colère. Il faut être harmonieux et suivre leurs règles.

D'où vous est venu l'idée du titre, Pilgrim's Progress ?

Crispian : C'est un titre de travail et il est resté parce que là, encore, on est paresseux. Mais il a influencé tout notre travail. Vous partez d'un titre et il rejaillit sur tout l'album et lui donne une couleur.

J'imaginais que l'idée venait du livre du même nom...

Alonso : Tout à fait.
Crispian : On est partis de ça et on s'est dit qu'on trouverait mieux. Et en fait non, donc on l'a gardé, même s'il n'est pas vraiment de nous. Si on l'avait appelé A Cult For Dogs, notre album aurait forcément été différent.

Vous avez choisi Peter Pan RIP comme premier single. Pensez-vous que ce titre représente le mieux votre album ?

Crispian : Je ne l'aurais pas choisi moi-même parce qu'on ne peut pas être objectif. Notre manager l'a choisi parce que nous en étions totalement incapables. Toutes les chansons durent trois minutes trente, c'est la longueur parfaite pour tout single.

Vous n'avez même pas une chanson préférée sur l'album, une qui vous tient plus à cœur ?

Crispian: Cela dépend du jour ou du moment dans la journée, ou du lieu.
Alonso : Ou ce que tu as pris au petit déjeuner.
Crispian: Trois critères importants !

Qui a eu l'idée des paroles en Français dans Winter's Call ?

Alonso : C'est mon fils! Il n'arrêtait pas de me répéter ça. Je vivais des moments un peu difficiles et mon fils n'arrêtait pas de me dire « papa, tu as la poisse ! » (en français dans le texte).

Mais qui participe à cette chanson pour ces paroles justement ? Je ne crois pas que ce soit ton fils ?

Crispian : C'est Alonso, sous hélium !
Alonso : Non, en fait, c'est ma femme. Je voulais le faire mais tout le monde se rigolait et se moquait de moi... « la pouasse, la pouasse », bref, le résultat aurait été très bizarre sur l'album.

Sur Figure It Out, vous semblez vouloir vous diriger vers l'électronique...

Crispian : Ça, c'est parce qu'Alonso est moitié hippie, moitié gothique (rires) !

Gothique ? Et aujourd'hui, quel coté s'exprime ?

Alonso : Hippie !

Vous allez bientôt jouer en Somalie...

Crispian : Oui, à Mogadisho.

Pourquoi la Somalie ? C'est un lieu un peu inhabituel pour un groupe de rock !

Crispian : Parce que personne n'a l'autorisation d'y aller.

A part vous ?

En réalité, c'est un concert caritatif. Peu d'organisations humanitaires peuvent y aller et on essaie donc d'aider. C'est pour que les gens, ici, comprennent. C'est une situation dérangeante et très énervante et il faut que les gens soient au courant.

Vous allez jouer au Japon. Vous avez déjà joué au Pays-Bas, en Russie, en Italie. Pensez-vous être plus populaires, plus appréciés à l'étranger ?

Crispian: Je ne sais pas, je ne pense pas. Mais en même temps, je pense qu'il faut en parler à notre responsable des ventes et du marketing. Lui doit savoir. C'est très difficile parce qu'à chaque fois qu'on joue quelque part, les fans sont à 100% avec nous, ils sautent partout et K, notre premier album, était un feu d'artifice de toutes les couleurs. Il a attiré beaucoup de gens bizarres et les a rassemblés. On est surpris qu'ils soient toujours là. Il y avait aussi beaucoup de jeunes adolescentes à l'époque et qui maintenant viennent nous voir en nous disant : « K est le tout premier album que j'ai acheté ! ».

Personnellement, je l'avais acheté à cause d'une chronique dans un magazine et je pense que beaucoup d'autres à l'époque en France étaient dans la même situation...

Crispian : Comme quoi, cela fait donc tomber la théorie que les journaux ou les webzines n'aident pas à de meilleurs ventes. Quoiqu'il en soit, il y a une jeune génération rock qui, je l'espère, aura envie d'acheter cet album.

Comment expliquez-vous le fait que la presse britannique ait été si peu sympathique à votre égard lors de la sortie de Peasants, Pigs and Astronauts et Strangefolk ?

Crispian : Elle n'a surtout été d'aucun soutien.
Alonso : Parce que c'est une bande de cons.
Crispian: C'est une tradition chez nous, je ne sais pas si c'est pareil ici, mais en Angleterre, un groupe devient forcément un peu comme votre voisin, un type que vous croisez tout les jours. Et la familiarité entraine le mépris. Donc les anglais, les médias anglais surtout, sont les plus cruels avec ceux qui sont des leurs.

Comment expliquez-vous alors que vos fans, eux, soient restés si fidèles ?

Alonso: Parce qu'ils ne sont pas journalistes... et pas anglais !
Crispian : Surtout pas anglais (rires) !

En dehors de Kula Shaker, avez-vous d'autres projets ?

Crispian : J'essaie de pousser Alonso à faire quelque chose avec sa femme comme Serge et Jane (Gainsbourg et Birkin). Ça pourrait être marrant. De mon côté, j'ai eu un enfant, ce qui est un projet solo à part entière, et ça m'a pris beaucoup plus de temps que ce que je pensais.

Si vous aviez trois mots pour décrire Pilgrim's Progress, pour donner aux gens l'envie de l'écouter, lesquels seraient-ce ?

Crispian : Romantique.
Alonso : Oui, romantique.
Crispian : Théâtral et trappiste ! À cause des moines trappistes qui brassent leur bière et qui ont failli saboter l'album !

Vous avez très souvent avoués être fan de Jerry Garcia et, vous le savez peut-être, Ben et Jerry ont sorti une glace en hommage à ce guitariste, la Cherry Garcia. Et vous, ça vous plairait d'avoir une glace à votre nom ?

Alonso : Ce serait plutôt cool !
Crispian : Pour moi, je pense qu'elle s'appellerait la glace « Sans oeufs pour les allergiques aux lactose ».
Alonso : La glace « Pour mecs ultra chiants » en résumé.
Crispian : En fait, les glaces de chez Swedish Glace sont si bonnes qu'elles dépassent tout ce qui existe. Je devrais peut être les appeler et les supplier. Ça pourrait être cool!

Je vous ai entendus tout à l'heure jouer trois titres en acoustique. N'avez-vous jamais pensé sortir un album totalement unplugged ?

Crispian: Pilgrim's Progress est le disque le plus acoustique que l'on pouvait enregistrer. C'est notre tentative, pour voir jusqu'où on savait aller dans l'acoustique, mais c'est vrai que ça pourrait être intéressant, un album avec juste de la guitare et du chant. En fait, le prochain album devrait être plus live. J'espère qu'on ne mettra pas dix-huit mois à le faire cette fois-ci.

Tant que c'est un bon album, ça n'a pas d'importance au final...

Crispian : Exactement. J'ai rencontré David Gilmour, par accident, vers la fin des années 80s et je lui ai demandé « Est-ce que tu as beaucoup de pression pour sortir ton album ? ». Parce que, pour eux, cinq ans entre chaque album, c'est un peu la norme, et il m'a répondu « oh, les maisons disques, elles râlent et nous engueulent mais elles savent qu'on est bons ». Donc c'est comme une danse entre elles et nous.

Que pensez-vous de la musique en Grande-Bretagne ? Avez-vous des groupes avec lesquels vous aimeriez partager une affiche ?

Crispian : La chose triste, c'est que l'artiste le plus nouveau qui vient d'Angleterre est forcément associé à Simon Cowell. Ces programmes de télé réalité, ce n'est pas bon pour les groupes, ce n'est pas un environnement très nourrissant, culturellement parlant, pour les jeunes.
Alonso : C'est toujours la même chose, des titres très vocaux et des ballades sirupeuses.
Crispian : Attendez, il y a un groupe qui me plait, attendez, ça va me revenir (il se prend la tête dans les mains). C'est toujours pareil, si je ne retrouve pas la réponse, cette question va me rester dans la tête comme une incantation. Pour revenir à Simon Cowell, tous les ans, à la même époque, pour Noël, on essaie de nous refourguer le tube sorti de X Factor... mais l'année dernière, des types ont lancé cette campagne sur internet pour que Killing In The Name de Rage Against The Machine soit n°1 à Noël et c'est arrivé ! Les journaux ont dit que ça représentait le pouvoir des fans sur celui des médias mais ce n'était pas ça. Toutes les personnes qui ont œuvré pour que Rage Against The Machine soit n°1 n'étaient pas des fans du groupe mais c'était la représentation du pouvoir du peuple qui a dit haut et fort « non, je ne veux pas que vous me vendiez la même merde chaque année! Vous pensez que vous savez ce que nous voulons entendre, vous pensez que vous avez le droit de nous dire ce que nous devrions avoir ou faire. Nous ne sommes pas des robots consommateurs ». Tout ça a été super excitant. Les gens l'ont acheté pour dire à Simon Cowell d'aller se faire foutre. Je considère cela comme l'évènement musical le plus excitant de ces cinq voire dix dernières années.