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Feeder

Paris, Café de la Danse - 24 septembre 2024

Live-report par Laetitia Mavrel

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Les rencontres françaises avec Feeder se font par intermittence. Le groupe de Grant Nicholas et Taka Hirose semble lui-même en souffrir, les longues pauses entre les différentes tournées n'étant semble-t-il vraiment pas de son fait. Notre dernier rendez-vous s'était tenu au Nouveau Casino en novembre 2019, lors d'un hiver où nous ne nous doutions pas que de se mélanger à la foule en se postillonnant allégrement dessus aurait de graves conséquences seulement quelques mois après. Ainsi, le COVID-19 nous a privé des fiers gallois et ce pour de justes raisons. Mais les caprices sont plutôt du fait des maisons de disques frileuses et autres calamités administratives liées au Brexit. C'est donc le sourire jusqu'aux oreilles que Feeder entament en ce mardi soir pluvieux leur mini tournée européenne, la première depuis six ans, pour enfin nous présenter Torpedo et Black/Red, dernier essai doublé s'il en est, sorti en avril dernier et qui fut à notre grand étonnement un exercice plus que réussi.

Feeder, nous les connaissons depuis notre adolescence, c'est le trio à l'époque constitué de Grant, Taka et Jon Lee, qui en rajouta une couche dans la déjà longue liste des talentueux rockeux indé britanniques dès 1997 (nous excluons Feeder de la catégorie Britpop mais nous n'avons pas assez de lignes dans ce papier pour vous expliquer pourquoi) et leur brillantissime premier album Polythene, qui figure à n'en pas douter dans votre top 3 des albums de Feeder depuis tout ce temps. A l'heure du bachot et des premières paires de Docs Martens, Feeder ont à ce moment précis véritablement saisi l'air du temps avec leur rock alternatif, lui-même empreint des grands noms américains qui ont dominé les années 90.
Depuis lors, suite au décès de Jon Lee, l'ex-trio demeura duo avec l'aide de musiciens additionnels parfois de renom tel Mark Richardson de Skunk Anansie et ses puissants biceps de batteur (rendez-vous dans les galeries photos passées sur votre site préféré pour comprendre la précision). Un groupe prolifique, qui ne se laissa jamais abattre, une liste de douze albums studio et quelques compilations, des périodes de haut et de bas du point de vue de l'inspiration mais surtout cette apogée au début des années 2000, période selon nous la plus créative et jouissive musicalement parlant.


En 2024, à quoi ressemble alors le public parisien de Feeder ? Premièrement, il parle anglais et se déplace en meute, à la vue de la petite masse de fans britanniques postée sagement sous la pluie, suivant fidèlement ses idoles depuis la tournée au Royaume-Uni en mars dernier. Puis s'agissant du Français, il a pris quelques rides et perdu pas mal de masse capillaire. Ce sont bien les fans de la première heure qui se présentent ce soir, souvent en couple, plus rarement avec leur progéniture, les moins de 25 ans se faisant denrée rare dans la salle. Pas totalement complet, le Café de la danse tarde un peu à se remplir et c'est seulement à 21h pétantes que les spectateurs se massent enfin devant la scène pour accueillir très chaleureusement Grant et Taka accompagnés de Geoff Holroyde à la batterie et Tommy Gleeson à la guitare.
Le menu ce soir se concentrera sur deux périodes distinctes : 2019-2024 avec Talullah, Torpedo et principalement Black/Red, puis 1998-2005, soit l'apogée précitée, de Polythene à Pushing The Senses, en passant évidement par Echo Park, probablement le disque le plus populaire dans leur discographie. Une impasse qui ne nous gênera pas car la setlist étant moins garnie que de coutume avec Feeder, et certains morceaux inscrits sur le papier se voyant suivis d'un point d'interrogation, cela laisse supposer que ce concert parisien est un test grandeur nature.

S'agissant de la température, elle montera graduellement, laissant les spectateurs prendre connaissance des nouveaux morceaux avec une sélection piochée au sein de Black/Red tels que ELF, The Knock et la très bonne surprise de ce disque, Playing With Fire ,qui évoque la même fureur que lors des débuts. Torpedo, autre album qui nous avait également surpris, offre seulement ce soir le titre éponyme et plus de place est ainsi faite à Tallulah, moins convaincant, qui délivre son lot de titres pop rock grand public comme Kyoto et Fear Of Flying.
Le reste appartient à la grande histoire de Feeder : une sélection de morceaux parfaitement calibrés qui se suivent, plongeant l'auditoire dans une véritable nostalgie, preuve en est cette armada de fringants quadras qui, après quelques pintes de bières ou verres de vin, se lâche totalement provoquant les mouvements de foule tant attendu dès l'arrivée de High et ce jusqu'au final explosif de Seven Days In The Sun et Just A Day.


Quant aux intéressés, c'est dès le départ qu'ils font preuve d'une grande générosité, Grant Nicholas en tête de liste qui n'a de cesse de discuter entre les titres, avec de multiples remerciements sincères, en s'excusant de cette longue absence depuis le Nouveau Casino. Feeder n'ont jamais rencontré une énorme popularité en France, mais comme de nombreux rescapés de la scène indie britannique de la fin des années 90, eux même à l'orée de cette transition entre pionniers de la Britpop et nouvelle vague portée par Arctic Monkeys, The Vaccines ou Franz Ferdinand pour ne citer qu'eux, un noyau de fans irréductibles demeure et répond inlassablement présent à chaque concert, quelle que soit la qualité de l'album défendu.
C'est donc un Grant Nicholas tout en anecdotes sur sa condition physique de nouveau « vieux » qui rayonne, s'amusant avec nous d'un mal de dos qui l'oblige de temps en temps à se poser sur l'estrade où se nichent les très nombreux amplis, ces derniers au passage beaucoup trop forts nous empêchant d'entendre son chant, pourtant toujours au top. Taka Hirose, quant à lui, continue de sauter et d'aller chercher les vivas du public, son iroquoise toujours dressée sur la tête, et c'est ici aussi ses sourires radieux qui nous convainquent que le rendez-vous de ce début de semaine étant bien ici, au Café de la danse.

Avec une bonne heure et demie de set, Feeder nous ont offert un concert à la hauteur de leur réputation, capables malgré leur discographie un peu irrégulière de maintenir des liens extrêmement solides avec leur public, et de transformer sur scène n'importe quel titre en petite bombe atomique. Un groupe qui se joue merveilleusement du temps, pour notre plus grand bonheur.
setlist
    ELF
    Kyoto
    Feeling A Moment
    Fear Of Flying
    Just The Way I'm Feeling
    Pushing The Senses
    Hey You
    Playing With Fire
    Come Back Around
    Insomnia
    Torpedo
    Submarine
    High
    Buck Rogers
    ---
    The Knock
    Seven Days In The Sun
    Just A Day
photos du concert
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