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Porridge Radio
Bill Ryder-Jones

Paris, La Gaîté Lyrique - 25 octobre 2024

Live-report par Adonis Didier

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Le saviez-vous ? ARTE est une chaîne franco-allemande de service public diffusant depuis le 30 mai 1992 et basée à Strasbourg, dont la plateforme ARTE Concert se trouve être la principale pourvoyeuse de concerts gratuits pour parisiens mélomanes. Un bon plan qui commence à être tellement connu qu'il n'aura fallu qu'une seconde, et on dit bien UNE seconde, à la réservation des invitations pour faire complet sur cette nouvelle affiche de son festival, une affiche dédiée au folk et au rock grandiloquent, lyrique, à fleur de peau, entamée ce soir par Bill Ryder-Jones, sublimée par Porridge Radio, et conclue par la très grande St. Vincent.

Crédit photo : © Cha Gonzalez


Une soirée au cœur de trois jours de festival diffusés en direct sur ARTE Concert, prenant place comme tous les ans à la Gaîté Lyrique, et première bonne surprise du soir, Bill Ryder-Jones ne jouera pas dans la grande salle mais dans le foyer historique de la Gaîté Lyrique, seule salle conservée en l'état de ce qu'était le théâtre au dix-neuvième siècle. Des fresques, des moulures, et un public enserrant une musique délicate, jouée au centre du foyer en duo par Bill Ryder-Jones à la guitare acoustique et Evelyn Halls au violoncelle. Une amie sortie pour une soirée de son projet solo Pet Snake, le temps de cinq chansons magnifiées par un cadre flamboyant et un Bill Ryder-Jones plongé dans sa propre mélodie. Les yeux clos, les mains déliant maints arpèges flirtant contre l'archet du violoncelle, l'ancien guitariste de The Coral nous ferait presque oublier la foule, la fatigue, et la chaleur tropicale qui s'installe progressivement dans la pièce. De la buée sur les baies vitrées et sur les yeux quand se déroulent ces versions dépouillées de This Can't Go On et surtout la superbe I Hold Something In My Hand, les deux seuls titres du dernier album Iechyd Da qui seront joués ce soir. Un concert intime et enjôleur d'une petite vingtaine de minutes, et déjà les Seabirds nous laissent nous diriger vers la salle principale pour retrouver, dans le même genre de configuration centrale, Dana Margolin et Porridge Radio.

Crédit photo : © Cha Gonzalez


Ceci après une montée de tension pour retrouver quelqu'un, ce quelqu'un au bar au rez-de-chaussée sans avoir retiré son bracelet, sachant que le festival délivre plus d'invitations que ne le permet la jauge de la Gaîté Lyrique... Morale : pensez à prendre votre bracelet en arrivant, parce qu'avoir un billet sur son téléphone ne garantit pas de rentrer dans la salle. C'est ainsi qu'on va tranquillement se détendre devant le spectaculaire, somptueux, splendide, et éblouissant concert donné deux étages plus haut par Porridge Radio. Comme indiqué précédemment, la scène sera rectangulaire et centrale, comme l'an dernier pour The Kills, un élément plus télévisuel que pratique pour les spectateurs et les artistes, Dana Margolin n'étant pas spécialement à l'aise sur le fait que la moitié du public passera une heure à voir ses fesses. Ce qui n'affectera pas l'intensité d'un concert intégralement dédié à la sortie du troisième album de son grouope, Clouds In The Sky They Will Always Be There For Me, débuté comme il se doit dans l'ordre par Anybody et A Hole In The Ground.
Des premiers cris, le sol qui s'allume tout de bleu, et un public qui, même s'il n'était pas forcément venu pour ça, hurle déjà sa joie, et découvre en partie le phénomène qu'est Porridge Radio en live. « Merci beaucoup ! C'est trop bien de revenir à Paris ». Un retour à Paris après ce concert/spectacle magique du 6 avril dernier au Centre Pompidou (probablement disponible quelque part l'an prochain, mais rien d'officiel), et la joie de revoir Dana Margolin nous jeter, cracher ou hurler ses sentiments au visage pendant God Of Everything Else, elle qui sourit et qui vit comme si chaque concert était à la fois le premier et le dernier de tous. In A Dream I'm A Painting se jouera intégralement dans la fumée, avant que You Will Come Home ne vole en éclats contre les voix de Dana et de la claviériste Georgie Stott. Tu rentreras à la maison, et il devient clair après Lavender, Raspberries que la maison de Porridge Radio n'est nulle part ailleurs qu'à Paris, dans un festival de carrés stroboscopiques sur les murs et de hurlements du public.
Un concert de cris et de paroles rejetées au visage de leur propriétaire auquel on aura pris une belle part, accompagné d'un quadrillage de néons sur le sol et les murs s'imbriquant dans le passage des fumées, découpant l'espace brumeux en un patchwork cubiste d'instantanés de la vie, de moments de concert attendus et inattendus, comme cette inédite que personne n'avait vue venir, Machine Starts To Sing. Une chanson mystique et dépressive, entièrement teintée de bleu, qui verra Dana descendre dans la fosse pour son solo final, afin de s'offrir un petit moment de partage avec le public derrière elle, qui aura lui le bonheur de découvrir le visage de l'artiste après avoir vu quarante minutes son dos. Et déjà il est temps de se quitter et de pleurer de joie tous ensemble avec Sick Of The Blues, heureux d'avoir pu assister de nouveau à un concert de Porridge Radio qui, bien que court, fut une nouvelle fois magique, intense. De quoi motiver chaque spectateur présent ce soir à prendre sa place pour le Trabendo le 5 décembre prochain !

Crédit photo : © Cha Gonzalez


Ah, et St. Vincent ? C'était bien, hein ! Vraiment bien, franchement ! Ah vous voulez vraiment que j'en fasse plus ? Eh bien chose promise, chose due, on retourne à 22h30 dans la grande salle pour découvrir la configuration encore plus particulière prévue pour Annie Clark, a.k.a St. Vincent, et son groupe. La showwoman, à la fois chanteuse et guitariste, fera front au côté de la scène, laissant son groupe se dispatcher derrière elle sur toute la longueur du rectangle, avec dans l'ordre : Jason Falkner à la guitare, Rachel Eckroth aux claviers, Charlotte Kemp Muhl à la basse, et Mark Guiliana à la batterie. Un concept qui fera que la majorité du public verra le groupe de côté pendant toute la durée du concert, mais au moins la scénographie est jolie, tout le monde est stylé en noir, et Annie Clark est une fantastique meneuse de revue dévouée à son public.
Reckless signe ainsi le départ d'une heure et demi d'un véritable concert de St. Vincent, taillant une belle part au dernier album All Born Screaming, mais n'oubliant presque aucun disque d'une déjà très longue discographie. Deux minutes trente d'Annie Clark implorant comme une diva, suivies d'une déferlante d'électro-rock tendance industrielle mettant tout le monde en bonne condition pour accueillir la lascive, sexy, pop, rock, et électro Los Ageless, alors qu'Annie court déjà partout en talons, mini-short, et collant effilés pour le plus grand bonheur des personnes derrière. Cauchemar de Liam Gallagher, une roadie en bas résille et body noir apporte sa guitare à St. Vincent, en même temps qu'une serviette et une boisson bue à la paille. Un traitement hollywoodien, car Annie Clark est bien la diva qu'elle pense être, et ce n'est pas la funky Big Time Nothing ou la grandiloquente Violent Times qui feront dire le contraire.
Du moonwalk en talons, ça relève le popotin et ça roule du cul, un agrippage en règle du caméraman, le jeu de la femme fatale devant les caméras est sans faille. Sweetest Fruit fait du rock-électro instinctif et bestial, Flea démolit le plafond pour faire tomber ses nappes de tôle industrielle sur le festival, suivie de près par Broken Man et ses airs de Nine Inch Nails de la pop, rendant une copie presque parfaite du dernier album de l'artiste, beaucoup plus rock et punchy que les précédents. Et quand on pense que c'est fini il y en a encore, la douce Candy Darling voit Annie terminer micro en l'air sur les genoux pendant que Jason et Charlotte se font un câlin dans l'arrière-plan, avant que la chanson la plus attendue de la soirée ne soit introduite de la plus belle des manières : « J'imagine que beaucoup d'entre vous considèrent Paris comme leur maison, ce coin de rue où on s'est rencontrés pour la première fois, cette pâtisserie où on m'a brisé le cœur, ce bar où j'ai fini trop déchirée... cet endroit pour moi, s'il devait n'y en avoir qu'un, ce serait New York ». On a vu des gens crier, on a vu des gens pleurer, et au final on est pas passé loin non plus alors qu'Annie Clark marche, soulevée par le public, dans un refrain final fait de sanglots et d'étoiles dans les yeux. Car pour être honnête, on était un peu dubitatif de ce qu'il fallait attendre de la fin de la soirée, mais on s'est trompé tant St. Vincent fut à la fois une surprise et une tornade de rock, de fun, de complicité sexy et ambigüe, combinant professionnalisme et naturel en une attitude passant de la diva à la girl next door en une fraction de seconde, pour le plus grand plaisir de ses très nombreux et queer fans réunis ce soir.

Même si notre cœur est pour toujours à Porridge Radio, quelle belle soirée on aura passée en compagnie de Bill Ryder-Jones et St. Vincent, du genre qu'on n'oublie pas et dont on reparlera aux petits jeunes dans trente ans avec ces simples mots : j'y étais.
setlist
    BILL RYDER-JONES
    Don't Be Scared I Love You
    Recover
    This Can't Go On
    I Hold Something In My Hand
    Seabirds

    PORRIDGE RADIO
    Anybody
    A Hole In The Ground
    God Of Everything Else
    In A Dream I'm A Painting
    You Will Come Home
    Lavender, Raspberries
    Wednesday
    I Got Lost
    Machine Starts To Sing
    Sick Of The Blues
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