Il fait beau. Il fait chaud. Je suis sur une plage avec des palmiers, pas de goélands à l'horizon, l'eau est à vingt-cinq degrés, les serveurs mettent des petits parasols dans les cocktails, et TOUT VA BIEN. Non, je plaisante, on est mi-février, ça caille, on incrémente les années sans beaucoup plus savoir où on va, le monde pourrait exploser d'un jour à l'autre et parfois on se demande s'il vaudrait mieux pas, mais tout cela n'est plus notre problème. Pour une soirée, rien n'est plus notre problème, et c'est parce que Circa Waves sont à Paris. Comme Mickey Mouse et Mario Bros, Circa Waves sont toujours aussi forts et reviennent à Paris avec toujours plus de soleil dans les valises et dans le cœur. En même temps, quand tu viens de Liverpool, il vaut mieux l'avoir dans le cœur le soleil...

Des valises bien chargées dans lesquelles tiennent aussi
Corella, la version gymbro au nom de bourgade espagnole de la musique de Circa Waves, et quatre mecs venus de Manchester pour pousser les amplis du Trabendo à fond de cale. Chaque chanson est minutieusement calibrée pour faire taper dans les mains et reprendre les refrains en chœur, chaque coup de grosse caisse provoque un courant d'air dans la salle, les longues montées ponctuées d'un feu d'artifices d'accords ultra caloriques sont légion, et tout cela marche divinement bien sur un public de vingt à trente-cinq ans probablement fan des Arctic Monkeys et de Vampire Weekend. Mention spéciale à
Head Underwater et
Bloom, avant une
Lady Messiah dédicacée aux femmes spéciales de nos vies pendant laquelle Joel Smith fera chanter l'une contre l'autre les deux moitiés de la foule. Et comme on a fait que name-dropper des noms de ville depuis le début de cette chronique, c'est
Barcelona Girl qui conclue cette petite demi-heure de fun sans prise de tête avec Corella, à grands coups de woh-oh-oh-oh et de notes tressées en guimauve pour un maximum de dopamine.

Comme dans les rêves les plus fous des suiveurs les plus acharnés du rock de sa majesté, c'est un quartet de Liverpool qui succède sur scène à un quartet de Manchester, mais ni scarabées ni jus de fruit ce soir au Trabendo, seulement des vagues et le bruit de la mer, voici enfin venu le retour comme chaque année de notre plan q et bonne humeur de l'hiver :
Circa Waves rallument les amplis et les désirs de vacances alors que
Do You Wanna Talk démarre compteur au rupteur sur la route de la côte. Déjà le public tape dans les mains et reprend les refrains,
Like You Did Before introduit pour la première fois de la soirée le nouvel album
Death & Love, Pt.1, avant que
Hell On Earth ne ramène la foule à l'état primaire de ses quinze ans adolescents. Un effet secondaire assez courant d'un concert de Circa Waves, celui de sentir ses cheveux blancs s'oublier dans des souvenirs de départ en vacances et de premiers amours,
Let's Leave Together dit-il et on s'y laisserait bien tenter, les pieds dans l'eau et dans le doux farniente d'un nouvel album au nom bien différent de ce qu'il contient.
Death & Love, mort et amour, et si c'est l'amour qui a tué Marcia, celui-ci n'aura rendu Kieran Shudall que plus fort. Sortant d'une opération du cœur ayant servi de principal moteur à l'écriture du dernier album, le chanteur-guitariste apparait aussi frais et rayonnant qu'au premier jour, balançant classique pop sur classique pop avec une petite aide de ses amis de toujours, Joe Falconer à la guitare et au t-shirt moulant, Sam Rourke à la basse, et Colin Jones à la batterie. Un concert qui se fera toujours plus sucré et ensoleillé jusqu'au cocktail de trop,
Lemonade s'endort doucement sur son transat et se réveille au milieu de la nuit, les ombres du monde dansent dans l'ambiance rouge et pesante de
Sorry I'm Yours, les plus métalleux d'entre nous headbanguent sévèrement, et le groupe donne enfin dans le méchant en rappelant à eux leur meilleur album en date :
Different Creatures. Un deuxième album en forme d'anomalie irrationnelle qui avait vite été rangé au placard,
Goodbye martèle les crânes et pousse le public au crime de lèse-majesté, un pogo à un concert de Circa Waves !

Pas trop longtemps non plus, les nouveautés
Le Bateau et
We Made It nous rappellent au plus vite que toute violence est ici proscrite, alors que la soirée piscine et mölkky commence dans seulement une heure, tout cela avant l'enchaînement le plus surnaturel de l'univers.
Jacqueline est dédiée à la grosse barbe du monsieur qui promet s'appeler Jacqueline dans la foule, une chanson de vacances qui en fait des caisses et que Chris Martin est très triste de ne jamais avoir écrite, envoyée sans transition avant la « brutale »
Fire That Burns, dernier passage de notre album chouchou remettant un gros coup de pied et d'allumette dans la fourmilière. La foule s'ouvre, et voici donc le deuxième et dernier pogo du soir, merci à vous ! Un album sous-représenté (si vous voulez mon avis) laissant la place aux trois préférés du public pour finir : l'avant-dernier
Never Going Under avec
Carry You Home, celui d'avant
Sad Happy avec la bombinette
Be Your Drug, et enfin le tout premier album, pour la chanson qui nous a tous motivé à braver le froid et la pluie jusqu'au parc de la Vilette :
T-Shirt Weather. La chanson de vacances ultime, celle qui ferait voir la mer et la plage et les mouettes et les parasols à un enfant jamais sorti de la Creuse, quelques secondes d'introduction avant l'ouverture de la fête foraine et trois dernières minutes de concert absolument magiques pour qui a oublié ce que ça signifie d'être heureux.
Parce que Circa Waves sont et seront toujours les champions du monde poids lourd de la pop-rock feel good, parce que rares sont ceux qui auront su, au cours d'une carrière qui tape déjà les six albums, saisir de manière aussi touchante et sincère l'essence même de la joie et du bonheur qu'il y a à vivre chaque jour qui passe sans se soucier duquel sera le dernier. A l'image de ce
Death & Love, Pt.1, Circa Waves ont choisi de tirer de la mortalité humaine une raison supplémentaire de vivre leur fun et de le partager au plus grand nombre, au cours de concerts qui sont autant de bouffées d'oxygène bienvenues dans un monde anxiogène rajoutant à chaque jour une petite raison de se foutre en l'air.
Corella et Circa Waves, une double dose d'anti-dépresseurs dans un mois de février aux allures de mois de février, et de quoi se dire qu'il reste du beau sur cette planète et qu'on se prend probablement trop la tête, alors merci à eux pour la séance, et surtout merci pour nous docteur !