L'annonce de la tournée de Skunk Anansie et leur passage à Paris deux mois avant la sortie d'un nouvel album tant attendu fut une surprise. Qu'allaient donc nous proposer Skin et sa bande pour ce retour en France ? Une setlist Best Of, comme cela a été le cas ces dernières années ? Une série d'exclusivité de nouveaux titres à venir ? Au final, peu nous importe tant les prestations live de Skunk Anansie valent toujours le détour. La raison en est simple : depuis maintenant trente années d'existence, Skin, Ace, Cass et Mark ont toujours offert des concerts d'une intensité à nulle autre pareille, peu importe le répertoire délivré.
Retour à Paris à l'Olympia, qui les avait accueillis pour la dernière fois en 2011. Une bonne nouvelle pour les fans, la salle du boulevard des Capucines étant à ce jour l'une des meilleures pour des concerts de ce type : balcon, mezzanine et fosse tous idéalement placés pour profiter du spectacle et de l'acoustique des shows. Et le petit plaisir de découvrir le nom de nos artistes préférés en lettres de néons rouge sur la devanture, immortalisé par des milliers de photos inondant instantanément les réseaux sociaux, que du bonheur !
The Painful Truth ne nous étant dévoilé que le 25 mai prochain, c'est donc une tournée de mise en chauffe à laquelle se plient Skunk Anansie. Cette date parisienne clôture le pan européen avant que le groupe ne reparte sur ses terres au Royaume-Uni, où l'attend une liste de shows bien garnie. Ce soir, les fans ne feront à nouveau pas défaut au groupe, l'Olympia affichant complet, le public français étant particulièrement fidèle depuis les tous début en 1995. Une masse d'admirateurs qui a clairement pris de l'âge avec ses héros, beaucoup venant d'ailleurs avec leurs adolescents, afin de leur donner une petite leçon de rock. Skunk Anansie, un classique du genre ? Doublement oui, preuve en est le tombereau de hits qui n'a jamais quitté nos écouteurs et la frénésie des publics à chacune de leurs prestations.
Pour débuter la soirée, nous accueillons
So Good, jeune anglaise se revendiquant du mouvement « Bratpop », et qui a dévoilé en 2023 son premier EP
Dogs. On retrouve chez elle la gouaille et le tempérament fiévreux typique des gamines de Londres. So Good évolue dans un domaine qui secoue les codes de la pop féminine dans tous les sens. Avec un look de Britney Spear sous amphétamine, accompagnée de deux danseuses en résilles et mini shorts et de deux musiciens cagoulés de rose fuchsia (on remercie KNEECAP d'avoir remis au goût du jour le tricot), le style se veut mi rock mi hip-hop, teinté de nappes d'electro dance. Le répertoire est ouvertement provocateur, on y parle d'être hot sur Instagram, de « big dicks » et de fucking à peu près tout ce qui bouge, et le jeu de scène que l'on imagine sarcastique est y plus que subjectif. Toute cela est musicalement entraînant, mais la surdose de gros clichés « brat / salle gosse » fait manquer cruellement au public la notion d'ironie que pense apporter la musicienne. A vouloir trop user des codes sur scène, la parodie est tellement bien interprétée qu'elle en devient un peu lourde. N'est pas Lambrini Girls ou CMAT qui veut, pas mal de spectateurs fuiront la salle pour aller saigner leur livret A au bar, le temps que So Good termine vaillamment son set. La jeune artiste y aura mis toute son énergie et veillera à remercier chaleureusement le parrainage de Skunk Anansie, lui mettant lors de cette tournée le pied à l'étrier.
Petite pause technique et retour dans la salle où le public de la fosse épouse littéralement les murs. Le set débute avec l'apparition d'un logo en forme d'énorme araignée, comme un « Spider signal » qui viendrait alerter sur les dangers de gros rock à venir. Avec un décor scénique fait de gros pics noirs, ces derniers entourant l'énorme set de batterie, c'est dans la semi-pénombre qu'apparaît Skin. Vêtue de noir, avec une veste faite de cuir et plumes, chemises ample et pantalon de cuir, le sexy tout comme l'élégance continuent de définir cette incroyable artiste qui se joue véritablement du temps qui passe. Yeux fardés de noir telle une Cléopâtre des temps moderne, son sourire carnassier lui dévorant le visage, c'est bien Skin qui porte sur ses épaules toute la mythologie
Skunk Anansie. Ce soir, on retrouve toujours à gauche Ace et sa casquette visée sur le crâne, à droite Cass qui a fait fi de ses dreads et toujours drapé dans ses longs imperméables noirs et Mark Richardson, perché derrière ses futs, bras démesurément musclés et tatoués, tout aussi discret que surpuissant.
Un concert qui débute sans aucun préliminaire, le trio d'ouverture nous catapultant directement dans l'arène :
This Means War,
Charlie Big Potatoe et
Because Of You enflamment immédiatement la fosse, le tout sous un déluge de faisceaux lumineux roses, bleus et rouges, avec une Skin qui se rue de gauche à droite comme pour n'oublier personne. La setlist est plutôt équilibrée avec au moins deux titres tirés de chacun des albums, avec comme point culminant
Post Organic Chill, le chef d'œuvre jamais égalé de leur discographie à ce jour.
Skin aime à entamer la discussion avec le public, et entre deux titres y va de son petit mot sur l'accueil hyper généreux de Paris depuis tout ce temps, sur le fait que cela fait bien neuf ans depuis le dernier album et que oui, comme tout le monde, elle était coincée à la maison durant le COVID-19, mais surtout continuant de dénoncer les ravages de la montée des extrémismes et la stigmatisation des populations trans et queer. Un petit coup de pied aux soi-disant esprits chrétiens qui font tout sauf propager des messages d'amour et de paix, partout dans le monde actuellement.
Des paroles entendues de toutes et tous ce soir, rajoutant au sentiment d'unité qui plane, ce qui fait du bien de temps en temps. Nous découvrons ce soir trois extraits de
The Painful Truth avec
Cheers,
Animal et
An Artist Is An Artist (où Skin nous défend de devenir des followers de followers). Entre deux, la musicienne viendra s'immerger dans la fosse, se faire slamer jusqu'à la scène et finira le set sur un rappel dantesque au son d'un début de reprise de
Whole Lotta Love de Led Zeppelin, également repris en chœur par les Parisiens, pour le plus grand plaisir du groupe. Suivront les explosifs
Little Baby Swastikka et
Yes It's Fucking Political. Nous sommes gratifiés en guise de clôture d'un retour sur terre apaisant avec une sublime interprétation à la guitare acoustique de
You'll Follow Me Down, avec le chant de Skin à son zénith.
Ce nouveau concert de Skunk Anansie aura encore été une réussite, tant le groupe n'a jamais déçu sur scène, quel qu'ait été l'album défendu. Les titres inédits annoncent un nouvel album à la hauteur de nos espérances, et la forme olympienne de Skin, Cass, Ace et Mark nous confirme que le groupe va continuer à nous accompagner encore longtemps.