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The Murder Capital
mary in the junkyard
Soft Play

Dublin, Iveagh Gardens - 19 juillet 2025

Live-report par Jérémi Desplas

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« Jusqu'où ira le momentum du rock irlandais ? » est probablement une question des plus pertinentes à se poser pour les fans de musique à l'heure des méga-concerts de Fontaines D.C. (45 000 personnes pour le dernier à Londres), et qui ne se limite d'ailleurs plus au rock avec les popularités grandissantes de KNEECAP ou Lankum. Si l'on ne peut pas (encore ?) répondre à cette question, en ce 19 juillet 2025, c'était retour à domicile pour cette scène avec le plus grand concert de The Murder Capital en leur nom propre aux Iveagh Gardens de Dublin. Les choix d'un concert à ciel ouvert et de programmer trois groupes donnent à l'événement un air de mini-festival. Un lieu qui fait penser à la zone devant la scène Cascade de Rock en Seine, où The Murder Capital avaient donné un concert mémorable en 2023, que le groupe lui-même continue de citer comme son meilleur à ce jour. De là à dire que tout est aligné pour que cette soirée sorte de l'ordinaire, il n'y a qu'un pas que l'on peut franchir sans trop hésiter.

C'est à mary in the junkyard, jeune trio de Londres à la popularité naissante mais n'ayant pas encore sorti d'album, que revient la tâche ingrate d'ouvrir le concert à 19h15 alors même que seuls les trois ou quatre premiers rangs sont vraiment remplis, le reste des spectateurs n'étant soit pas arrivés, soit en train d'acheter des frites, une bière ou un t-shirt. Commençant en configuration guitare/basse/batterie qui fera un détour par une formation basse/violon/batterie, le groupe s'en tire néanmoins très bien. Commençant avec du post-punk assez classique, le concert gagne en consistance lorsque le groupe prouvera sa capacité à manier des sonorités sortant davantage des sentiers battus (au violon notamment) et avec des morceaux bien construits, alternant répit et moments plus rentre-dedans. On pense à Just Mustard qui auraient mis en sourdine leurs côtés noisy et paranormal. Le groupe s'éclipse au terme d'une demi-heure sous les applaudissements d'un public qui parlera assez unanimement d'une bonne surprise. Affaire à suivre.

On salue au passage l'excellent travail mené par le DJ chargé d'animer les interludes : les morceaux joués entre les concerts étant tous adaptés pour faire monter la tension ou élargir les perspectives en s'éloignant du post-punk sans que cela ne dépareille avec les prestations à suivre. Outre KNEECAP (inévitables en Irlande en ce moment), on aura entendu d'étranges mixes de Gurriers ou Joy Division, mais aussi DIIV et LCD Soundsystem.

Lorsque pendant l'entracte, on constate l'installation d'un fond affichant subtilement en police gothique « Soft Cunts » et d'une guitare en toute objectivité affreuse, on comprend que le concert de Soft Play ne fera pas dans la dentelle. Pas étonnant de la part du duo punk, qui a d'ailleurs ramené une certaine proportion du public au même titre que la tête d'affiche : leur réputation de bulldozers aux lames acérées les précède et ne sera pas mise en défaut. Ouvertement très militant, le duo débarque très motivé, l'un en maillot aux couleurs de la Palestine, l'autre avec la cagoule popularisée par KNEECAP et le maillot sponsorisé par Fontaines D.C. du club local Bohemian FC. Porté par KNEECAP (décidément omniprésents, même quand ils ne jouent pas) à Glastonbury ou par Greta Thunberg, ce maillot est extrêmement présent dans les mobilisations et les concerts, a fortiori à Dublin, on pourra donc en voir beaucoup dans le public également. Tous laisseront la place aux torses tatoués des musiciens au bout de deux morceaux, le guitariste s'avérant tatoué de la tête aux pieds. Le concert est un grand rouleau-compresseur, le batteur jouant debout tandis que le guitariste distille ses riffs un peu partout (dans le public, devant la scène, plus rarement sur la scène) avec une distorsion assez malsaine poussée à fond (probablement une MXR Fullbore Metal ou un autre monstre similaire).
Les morceaux s'enchaînent en accéléré avec, en vrac, une guitare lancée violemment au roadie, des moshpits à gogo dont un exclusivement féminin pendant Girl Fight (jouée une deuxième fois parce que la consigne n'a pas été bien respectée la première) et des harangues généralisées pendant l'explicite Fuck The Hi-Hat. Si c'est à l'évidence explosif et fort amusant, et que l'engagement viscéral du groupe est salutaire, notre côté mélomane s'avère assez frustré par le côté très limité des compositions (n'est pas Gurriers qui veut). Bref, il n'aura manqué que la musique, même si le reste était appréciable. Les agents de sécurité locaux (d'ailleurs très communicatifs, ce n'est pas fréquent) feront un très bon travail, privilégiant la mise à l'abri des blessés ou des piégés plutôt que de prétendre pouvoir tempérer un public enflammé. S'il y avait besoin, on a une nouvelle fois la confirmation que pour ce genre de concert, les abris sont tout devant ou tout derrière.

On arrive enfin au concert de The Murder Capital. Une pluie heureusement très fine commence à tomber, sans aucun effet sur le public de fans déchaînés, qui peut-être plus qu'ailleurs connaît parfaitement toutes les paroles et les criera sur presque toutes les chansons. Comme lors du dernier passage du groupe à Paris, le concert démarre à pleine vitesse avec un enchaînement imparable : The Fall, More Is Less et Death Of A Giant. Les musiciens sont surmotivés, le chanteur James McGovern appelle dès le début au pogo avec son côté rock star crâneur mais tellement attachant. Si le son est légèrement brouillon, les hostilités sont lancées de la meilleure des manières.
L'enthousiasme du public ne retombe absolument pas pendant les extraits de l'immense deuxième album Gigi's Recovery, dont on souhaite à chaque fois que plus de chansons soient tirées en live (à titre personnel, je suis toujours très étonné que le single Only Good Things se fasse aussi rare). L'amour infini des fans pour le groupe s'exprime chaleureusement sur A Distant Life, Heart In The Hole et That Feeling, tandis que For Everything offre une parenthèse de bastonnade toujours bienvenue. L'occasion de constater que la liste de morceaux impeccables accumulée par The Murder Capital en seulement trois albums est quand même à tomber par terre, et pourtant les quatre morceaux évoqués ci-dessus constituent le « temps mort » du concert. C'est dire.

Les chansons suivantes constituent un très grand moment avec les deux parties de Slowdance qui donnent le tournis et le magnifique Swallow, qui monte en intensité tout en s'étirant ce qui est le propre des groupes vraiment talentueux. The Murder Capital ne perdent jamais de vue leur engagement inébranlable pour la Palestine (tout comme le public !) : les drapeaux sur scène qui avaient provoqué l'annulation de leurs concerts à Berlin et Cologne sont toujours là, et le groupe demandera également d'observer une minute de silence pour les victimes (« We'll be chanting all night, we ask a minute of silence for the people of Palestine who should be living their lives and, for no fuckin' good reson, they aren't »). Etant à domicile, le groupe appellera également le public à continuer de s'approprier le drapeau irlandais pour ne pas le laisser à l'extrême-droite. Love Of Country est un sommet déchirant qui prend à chaque fois une épaisseur supplémentaire en live, au point que les agents de sécurité devront tendre des mouchoirs pour sécher des pleurs au premier rang. La fin du concert repart à plein régime avec une apothéose sans répit Feeling Fades / Moonshot / Can't Pretend To Know et l'immense et incontournable Don't Cling To Life. Un enchaînement qui va provoquer des pogos et crowdsurfings ininterrompus, montrant que The Murder Capital est une machine de guerre et définitivement un grand groupe. Ils ne se feront pas prier pour un rappel : Ethel est en toute objectivité un chef-d'œuvre, et Words Lost Meaning une ultime déclaration d'amour du groupe aux fans qui le leur rendent bien.

Un concert qui a tenu toutes ses promesses : tout comme leur dernier album est parvenu à une superbe synthèse des deux premiers, The Murder Capital est devenu un groupe dont les concerts allient énergie et fureur avec un romantisme absolument sublime et un engagement intègre et incorruptible. Les musiciens sont tous monstrueux (la section rythmique n'est pas en reste on le rappellera autant qu'il le faudra), et James McGovern a tout d'un grand chanteur, capable de passer en quelques minutes du leader charismatique au poète vibrant dont chaque trait porte des trésors de lyrisme. They never need us to say I love you, the words lost meaning.
setlist
    Mary In The Junkyard
    Non disponible

    Soft Play
    All Things
    Mirror Muscles (Baby Dave cover)
    Isaac Is Typing...
    Bin Juice Disaster
    Act Violently
    Fuck the Hi-Hat
    Sockets
    Punk's Dead
    Girl Fight
    Everything And Nothing
    Beauty Quest
    The Hunter

    The Murder Capital
    The Fall
    More Is Less
    Death Of A Giant
    The Stars Will Leave Their Stage
    A Thousand Lives
    A Distant Life
    For Everything
    Heart In The Hole
    That Feeling
    Slowdance I
    Slowdance II
    Swallow
    Love Of Country
    Green & Blue
    Feeling Fades
    Moonshot
    Can't Pretend To Know
    Don't Cling To Life
    ---
    Ethel
    Words Lost Meaning
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