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Villagers
Wild Beasts

Paris, Maroquinerie - 15 avril 2010

Live-report par Olivier Kalousdian

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Les « Villageois » ne sont pas nombreux ce soir à la Maroquinerie, un habitant au mieux pour les représenter. Connor J. O’Brien, jeune Irlandais au teint blafard, porte cette charge et sa guitare sèche comme un hobbit porte son costume et sa candeur, avec beaucoup de dignité. S’il en partage la taille et l’allure, la comparaison n’a rien de péjoratif, bien au contraire : tout chez lui semble venir d’une contrée mystique et féerique. La coupe de cheveux taillée au couteau à lame d’ivoire, la guitare miniature, la voix, Elfienne !

Par un hasard allégorique, mon trajet jusqu’à la Maroquinerie fut tourmenté par un ciel noir, un vent tourbillonnant et une pluie battante pour traverser Paris d’est en ouest, en passant par la terre du milieu. Même si je ne chevauchais pas un étalon, cheveux au vent, en deux roues, on ressent quand même particulièrement ces choses-là ! Pendant ce temps-là, un volcan Islandais était en éruption et un lourd nuage de cendres obscurcissait le ciel d’Europe du nord. Les avions étaient cloués au sol et une ambiance bien particulière hantait la foule particulièrement nombreuse de la Maroquinerie. Une ambiance qui n’aurait pas déplu à J.R Tolkien...
C’est donc un show acoustique, voix guitare, que nous a offert Connor J O’Brien jeudi soir. Jouissant d’un organe d’une qualité inversement proportionnelle à sa taille, il est sûr de lui et il a raison. Se permettant de jouer avec le son, il affectionne les effets que lui permet sa voix. La salle, pas très grande il est vrai, résonne tour à tour d’un refrain presque crié, maîtrisé, à gorge déployée, se tenant à cinquante centimètres du micro rendu accessoire, d’une voix pure et non amplifiée puis, enchaînant la bouche collée à la perche, nous sert un couplet électrique feutré, au service d’un texte mélancolique et recherché. L’écriture et la mélodie sont les atouts de cet auteur gratifié d’une voix susceptible de faire chavirer la salle. Quand Connor joue, il chante magnifiquement et quand il chante, il donne tout ce qu’il possède ; Thom York ne pourrait pas renier cet engagement de ton son corps, de toute son âme qui lui donne à jouer sa musique Irlandaise à la Maroquinerie comme d’autres jouent Beckett à la comédie Française, avec leurs tripes.
Pas facile de faire face seul devant un public si proche, pourtant les titres s’enchaînent sans longueur ni langueur et même les non-initiés sont transportés par son timbre et son jeu de comédien chanteur tiré d’un Phantom Of The Paradise, version De Palma. Ses compositions, l’orchestration en moins, partagent d’ailleurs nombre de comparaisons avec les compositions du génial Winslow Leach dans le film. Un amour impossible, un feu sous-jacent et ardant malgré leur physique discret et le calme apparent, des sons dont l’interprétation rend son visage grimaçant, jusqu’à la douleur… Ce garçon a été poignardé très jeune par le talent musical et cela lui a donné la névrose nécessaire à ses prestations verbale et scénique ; il lui faut maintenant déjouer les pièges de son succès et continuer à creuser sa terre enchantée pour en dégager d’autres compositions magnétiques histoire d’aimanter encore un peu plus de louanges à son récent parcours.

Les années 80 furent bercées par des groupes baroques dont la noirceur dépendait bizarrement du talent et inversement. À cette époque, pas si lointaine, on n’était pas gothique mais new-wave ou cold-wave, et si le futur ne semblait plus impossible, il était quand même bien lourd et obscurci ! C’est ensuite que vinrent des groupes plus légers qui avaient compris que si les sonorités pouvaient rester électroniques et froides, elles pouvaient aussi faire danser et surtout faire vendre ! La new-wave pop était née. Il existe quelques perles nées de ce post mouvement qui, pour la première fois, remplissait des stades entiers, mais cela nous amenait inéluctablement au Top 50 de Marc Toesca ! Duran-Duran, Talk Talk, Waterboys…de solides groupes au parfait marketing pour l’époque et dont les bases étaient saines mais pour qui le succès passait forcément par une forte reconnaissance de leurs ventes. Wild Beasts aurait pu faire partie de ces groupes.
Pavés de bonnes intentions et de rythmiques plutôt novatrices, pour notre époque en tout cas, nul n’aurait été choqué, paradoxalement, qu’ils assurent la première partie de Villagers, et non l’inverse. Hayden et Tom, les deux guitaristes / bassistes / chanteurs, assurent pourtant une jolie partition vocale, l’un d’une voix de baryton, l’autre d’une voix sur aigue qui aurait aimé s’envoler comme celle de Lisa Gerard qui aimait nous ensorceler avec Dead Can Dance ; et si parfois Hayden y parvient, d’un timbre de castra pouvant faire croire que Klaus Nomi est encore parmi nous, la plupart du temps tout cela s’embrouille et gâche les intention originelles de la mélodie et surtout du batteur, très doué et sûrement fan assidu des Talking Heads. La froideur post punk est assumée et assurée par une électronique d’époque servant un son cold-wave, particulièrement revendiqué. Des titres comme Brave Bulging Buoyant Clairevoyant ou The Devil’s Crayon qui accrochent assez facilement et contiennent même un peu de génie en version studio, deviennent une soupe de voix indigeste sur scène.

Je mets un bémol à ma déception car, en live, une telle performance de voix superposées, notamment, n’est pas aisée. Des beat coupés à la hache à contre temps aux attaques inattendues de la basse, en passant par les envolées lyriques de Hayden, il faut un très bon son et un mixage sans reproche pour dire tout ce que Wild Beasts a l’intention d’exprimer à son public et l’ingénieur du son doit là peser de tout son poids pour que tout cela ne finisse pas en pelote de laine emberlificotée.
Une groupie de 18 ans à peine, gothique soft de son état et collier de perles noires en apparat, remue en métronome devant de la scène au son d’une batterie intelligemment sonorisée de fûts étroits, résonnants des sons exotiques et aigus. Je comprends son attachement à cette musique forcément nouvelle et reflétant le mieux le doute ambiant, les crises actuelles, les sentiments ressentis par cette génération dans cette époque triste et glacée. Les titres s’enchaînent, au sens littéral, les uns aux autres et d’un morceau à l’autre, on ne respire pas, même s’il arrive de créditer quelques intéressantes trouvailles mélodiques ou sonores…mais à chaque fois, on ne peut s’empêcher de reconnaître là la ligne de basse des Cure ou là, la rythmique si particulière des Bow wow wow, la deuxième marque de fabrique du regretté (pas pour tout le monde, il faut le reconnaître !) Malcom Mc Laren.
Trop vieux pour me faire prendre à ce piège ou trop grincheux pour leur reconnaître le droit de piller avec talent le grenier des années 80, je commence à m’ennuyer ferme quand, une partie du public à gauche, commence à imiter des cris d’animaux entre les morceaux. Chat, vache, grenouille, tout y passe ! Apparemment, cela ne choque pas les membres du groupe qui s’en amusent même. Il est vrai que, dans leurs clips vidéos, une nature païenne est largement mise en scène dans des forets magiques où les femmes sont maculées d’une virginité affichée par nombre de symboles. La terre, l’eau, le feu, les tenues de druides et même des yeux outrageusement maquillés…tout porte à croire à un hommage à la nature et aux Virgin Prunes, mais la comparaison s’arrête là !

D’expérience, je sais que ce sont souvent les groupes dont on a douté qui deviennent les stars du lendemain. C’est tout le mal que je leur souhaite.
setlist
    VILLAGERS
    Non disponible

    WILD BEASTS
    The Fun Powder Plot
    This Is Out Lot
    All The King's Men
    Brave Bulging Buoyant Clairvoyants
    Please Sir
    Two Dancers
    Two Dancers II
    We Still Got The Taste Dancing On Our Tongues
    The Devil'S Crayon
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    Hooting And Howling
    The Empty Nest
photos du concert
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