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Tindersticks

Paris, Bataclan - 3 mai 2010

Live-report par Olivier Kalousdian

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Dans l’univers souvent belliqueux du rock & roll, évoluent de rares chanteurs apaisants doués d’une voix pacifiste désignée à s’exprimer sur scène devant un parterre féminin prêt à subir les pires assauts mélancoliques. Stuart Ashton Staples est de ces chanteurs-là.

La quarantaine bien tassée, le cheveux blanchissant sur les tempes et le physique d’un sauteur de haies, il forme les Tindersticks en 1993 après avoir été guitariste dans un premier groupe nommé Asphalt Ribbons. Touche à tout de talent, il compose seul les musiques des films de Claire Denis, L’intrus et White Materials et, avec les Tindersticks, les musiques de trois autres de ses films. Celui qui a également trois albums solo à son actif, joue ce soir au Bataclan avec les Tindersticks, formation de six musiciens sur scène (alors que le groupe est officiellement réduit à trois membres depuis 2008) mélangeant habilement violoncelle et guitare Fender, piano électronique et xylophone, mélodies pop et envolées soul…
Ils jouent un rock héroïque sage et bien construit qui pourrait s’apparenter à l’univers d’un Nick Cave, l’énergie du désespoir et la grâce divine en moins... mais ceci n’engage que moi !
Néanmoins, les Tindersticks jouent à guichet fermés ce soir. Jusqu’au bar, situé au fin fond de la salle du Bataclan mais judicieusement placé à la même hauteur que la scène, par-dessus la foule, se mêle un public compact très hétéroclite. Tous ages et toutes classes confondues, les amateurs de la formation de Stuart ne viennent pas là pour regarder d’un œil et discuter autour d’un verre mais bien pour écouter et entendre, consciencieusement, pieusement…
Écouter, il le faut sans conteste tant la voix est basse, délicate et suave. À la limite des capacités de l’ingénieur du son à qui Stuart demande régulièrement d’augmenter le volume de son micro.Mais, parce qu’il dégage cette aura empruntée pour un soir à un Leonard Cohen (tout est relatif !), l’audience a le regard et l’ouïe fixés sur la scène et les hauts parleurs et profite, au maximum de ses capacités sensorielles.

Folk, pop, country, les Tindersticks le sont également. Le son abattu du violoncelle accompagne des guitares le plus souvent acoustiques et langoureuses et nous projette dans un univers d’Ouest américain où l’on voit le héros marcher et s’éloigner vers un horizon lointain sous un générique de fin digne de la Dernière séance. La fresque que constitue la scène éclairée de lumières rouges et violettes nous transpose sur pellicule 35mm et la formation de ce soir semble tout droit sortie du casting d’un film de Wim Wenders ou de Sean Penn ayant pour sujet la nature désertique, vierge et sauvage.
Il y a là assez de profondeur et de talent pour comprendre pourquoi les Tindersticks se sont tant adonnés à la composition de musiques de films, pourquoi Claire Denis a tellement d’admiration pour ce groupe cinémascope et comment elle en est venue à leur confier la quasi-totalité de ses musiques de films ; ce qui est pratiquement unique dans l’histoire des collaborations des groupes de Rock au cinéma !
Interprétant méthodiquement tous les titres attendus, de Falling Down A Mountain à la tendance très jazzy, à Black Smoke, bien plus rock & roll, nous attendons fébrilement la romance de la ballade au piano de Can We Start Again qui leur a valu la reconnaissance du grand public et un vrai succès radio en 2005 et 2006. Malins, ils attendront le rappel pour jouer en toute fin de set le titre en question ; Stuart officiant alors sur deux registres différents, sa partie et celle des voix féminines habituellement présentes sur la version studio. Juste avant, le public, retranché dans une sagesse spectaculaire avait pu se délecter du très beau et très sensuel Dying Slowly.
Stuart ose également reprendre la partie vocale féminine sur le titre éponyme Peanuts, nous ramenant par la même occasion à une enfance pleine de dessins animés et de Snoopy ou, à l’extrême opposé, à une chanson un peu puérile et répétitive du Velvet Underground comme I'm Sticking With You.

Il est rare de voir un public taper du pied non pas pour un rappel mais en plein concert juste pour manifester son contentement et son admiration à chaque titre. Mais, malgré la hargne et le bruit que font les pieds de 2000 personnes présentes ce soir-là pour un deuxième rappel en toute fin de concert, la scène et ses acteurs disparaissent dans un fondu au blanc révélant les lumières criardes de la salle et libérant par là même autant d’âmes pacifiées, prisonnières volontaires pendant plus d’une représentation bien maîtrisée.
setlist
    Falling Down A Mountain
    Keep You Beautiful
    Sometimes It Hurts
    Marbles
    Bath Time
    Marseilles Sunshine
    Hubbard Hills
    Peanuts
    She Rode Me
    The Other Side Of The World
    Tyed
    Black Smoke
    Factory Girls
    A Night In
    Harmony Around My Table
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    Dying Slowly
    Can We Start Again
photos du concert
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