logo SOV

Tindersticks

Interview publiée par Fab le 27 avril 2008

Bookmark and Share
Cinq années d'absence n'auront finalement pas entamé la motivation des Tindersticks de Stuart A. Staples, de retour malgré le départ de trois membres avec un nouvel album, The Hungry Saw. Le leader de la formation et son compère David Boulter reviennent avec nous sur l'un des comebacks les plus attendus de 2008...

Le nom des Tindersticks n'avait plus été évoqué depuis près de cinq années, est-ce que vous pouvez me dire quelles ont été vos occupations durant tout ce temps ?

Stuart : On a tous été très occupés par d'autres projets ou disques, mais pas sous le nom de Tindersticks. Nos projets respectifs nous ont permis de faire le point sur notre carrière et nos besoins pour être vraiment certains de ce qu'on voulait en tant que musiciens et personnes. Il fallait décider comment continuer à créer de la musique ensemble, avec qui, où et de quelle manière... On a perdu beaucoup de temps mais c'était une étape nécessaire.

Quand avez-vous su qu'il était temps de travailler à nouveau ensemble ?

Stuart : Ce besoin n'a jamais disparu durant toutes ces années, il nous a simplement fallu attendre le bon moment pour nous réunir et enregistrer ce nouvel album. On n'a jamais annoncé que le groupe se séparait et qu'il n'y aurait plus jamais d'album des Tindersticks mais certaines personnes ont interprété notre absence comme une volonté de cesser toute activité. Je pense qu'on a peut-être perdu la notion du temps à casue de nos nombreuses activités annexes, chacun travaillait sur différentes choses et il n'était pas possible de tous nous réunir pour retourner en studio. Je le répète, mais notre envie de collaborer n'a jamais faiblie. Le concert qu'on a donné à Londres au mois de septembre 2006 nous a servi de point de départ. Tout le groupe a enfin pu être réuni autour d'une table pour discuter de l'avenir et mettre les choses à plat. Ces retrouvailles nous ont ensuite permis d'aller de l'avant.

N'avez-vous jamais eu de périodes de doute durant lesquelles l'existence du groupe aurait été remise en question ?

David : Il n'a jamais été question de séparation entre nous mais j'ai très mal vécu cette pause durant une longue période. J'avais l'impression de mettre entre parenthèse une relation construite durant des années. Heureusement la rupture n'a jamais été totale grâce à d'autres occupations comme la compilation Songs For The Young At Heart par exemple. Les retrouvailles pour le concert de Londres restent un bon souvenir pour moi car elles ont permis à tout le monde faire le point et de savoir où aller ensuite. Certains d'entre nous ont décidé de partir après une quinzaine d'année passées à faire grandir les Tindersticks, c'était un choix réfléchi et très certainement la meilleure solution pour tout le monde. Certains avaient besoin de continuer leur route à part, d'autre de reprendre les choses là où ils les avaient laissées.

Peu de groupes parviennent à durer aussi longtemps que vous, avez-vous toujours senti que les Tindersticks parviendraient à survivre aux époques de cette manière ?

Stuart : J'ai toujours espéré que le groupe continuerait à exister aussi longtemps qu'on le voudrait, mais je n'aurais pas imaginé enregistrer ce qui est pour moi notre meilleur album après plus de quinze années passées ensemble ! Je ne peux que me réjouir de voir où le groupe en est maintenant et la voix qu'il continue de suivre. On a sorti un premier album puis un second... et ainsi de suite sans jamais calculer ni chercher à toucher un public en particulier. Notre évolution a été naturelle. Notre liberté artistique nous permet encore aujourd'hui de ressentir de l'excitation au sein du groupe et c'est aussi pour cela que l'on continuera aussi longtemps que l'envie sera là. Pour l'amour de la musique.

Le départ de trois des membres du groupe n'est pas négligeable, de quelle manière avez-vous appréhendé ce changement ?

Stuart : La rupture a commencé à apparaître durant l'année 2003 lorsque Waiting For The Moon est sorti et que des tournées ont suivi. L'entente n'était plus aussi bonne qu'auparavant et les aspirations n'étaient différentes d'une personne à l'autre. Il était complètement impossible de continuer à travailler ensemble à cette époque et on a donc décidé de faire une pause d'une durée indéterminée. C'était vraiment la meilleure chose à faire pour toutes les personnes impliquées mais aussi pour le groupe. Après quatre années d'attente il était plus facile d'y voir clair et de savoir ce que chacun envisageait de faire par la suite... Il était clair pour David, Neil et moi qu'il fallait faire renaître les Tindersticks mais le reste du groupe avait d'autres ambitions personnelles et artistiques, comme travailler sur de nouveaux projets ou passer du temps en famille. Nos retrouvailles ont d'abord pris la forme d'un simple week-end en studio et le résultat a été immédiatement concluant avec beaucoup de nouvelles idées et d'inspiration. On a continué à travailler de cette manière avec de courtes réunions ponctuelles jusqu'au moment où il a été décidé de vraiment s'investir dans l'écriture et l'enregistrement de ce nouvel album.

As-tu le sentiment que l'histoire des Tindersticks avait besoin d'un chapitre supplémentaire ?

Stuart : Je ne pourrais pas mieux le dire. La vie du groupe a toujours été un élément très important pour nous. Il représente tout ce en quoi je crois artistiquement et je crois que The Hungry Saw est certainement plus représentatif des Tindersticks que les deux albums précédents. C'est un disque à notre image, depuis notre formation jusqu'à notre existence actuelle, même si les six personnes présentes lors de la création du groupe ne travailleront plus jamais ensemble sous ce nom.

Avez-vous pensé à recruter de nouveaux musiciens en remplacement des personnes parties ?

Stuart : C'est une question de point de vue. Ce nouvel album a été enregistré par un groupe de personnes qui pour moi ont fait partie de Tindersticks d'une manière ou d'une autre, même sans que cela ait été officiel ou à temps complet. Je me moque que ces nouveaux musiciens fassent partie du groupe à part entière ou non, seule leur contribution musicale doit être prise en compte. Leurs idées et personnalités se sont mêlées aux nôtres pour donner naissance à The Hungry Saw. Plus que les personnalités je préfère retenir l'aspect global de la formation, un ensemble de musiciens rassemblés pour enregistrer de la musique sans considération de statut ou de reconnaissance.
David : Le groupe a pris un nouveau départ avec Stuart, Neil et moi et de nouvelles personnes sont venues se greffer au projet naturellement. Certaines étaient des amis de longue date et d'autres de simples rencontres ponctuelles, mais tout le monde a cherché à aller dans une direction unique pour ce disque. Personne n'a décidé qui devait nous rejoindre en studio ou non, les choix ont été très naturels du début à la fin. Ces recrues ont apporté un souffle nouveau au groupe de par leurs idées et leurs personnalités.

Dickon Hinchliffe était malgré tout responsable des orchestrations sur la plupart de vos chansons, comment avez-vous surmonté son départ ?

Stuart : Toutes les orchestrations reposaient effectivement sur lui mais, même s'il était important, son absence n'empêche pas le groupe de continuer l'aventure. Les chansons qu'on écrivait il y a quelques années étaient influencées par sa présence et le but recherché tenait bien compte de cela. Pour cet album la question de savoir s'il fallait ou non utiliser des instruments à corde ne s'est pas posée car Dickon n'était plus là pour suggérer des idées allant dans ce sens. Toutes nos nouvelles chansons ont été écrites très naturellement sans que personne ne pose ce genre de contrainte, on a simplement composé avec nos moyens actuels. Heureusement cela ne nous a pas empêchés d'avoir recours à des arrangements quand il le fallait, comme sur The Other Side Of The World par exemple. Tout est une question de mélodie et de textures...
David : Lucy Wilkins, une violoniste qui nous accompagne depuis 1995, a ainsi pris une nouvelle dimension dans le groupe. Elle nous a permis d'atteindre une nouvelle dimension musicale pour pouvoir achever ce disque et mettre en forme nos idées.
Stuart : Les Tindersticks d'aujourd'hui n'ont pas cherché à parodier les Tindersticks d'antan, ils ont enregistré un album en fonction de leurs envies et de leurs capacités actuelles.

Est-ce que vous pouvez m'en dire un peu plus sur le titre de votre nouvel album, The Hungry Saw ?

Stuart : L'expression symbolise le fait de ressentir une pression ou une force de manière constante. C'est une chose très oppressante liée au processus de création ou de destruction. La chanson du même nom traite d'une relation au sein de laquelle de très belles choses se déroulent jusqu'au jour où tout s'écroule subitement à cause de cette présence qui ne faiblit jamais.

Selon vous, de quelle manière The Hungry Saw est-il différent de vos précédents disques ?

David : Je pense que The Hungry Saw dégage des émotions similaires à celles de Waiting For The Moon, avec une certaine douleur intérieure. A cette époque les membres du groupe souffraient d'un manque d'espace pour exprimer leurs personnalités et je crois que la musique était impactée par ce phénomène... certaines chansons n'ont jamais vraiment été achevées dans mon esprit. Durant l'enregistrement de The Hungry Saw les choses étaient très différentes, le groupe avait trouvé une nouvelle voie à suivre et chacun savait où il allait... contrairement aux deux albums précédents où la musique souffrait tout autant que les personnes.
Stuart : Cette situation était inévitable après avoir passé une dizaine d'années à travailler et partir tous ensemble. Le groupe avait pris le pas sur les individus et il n'existait plus de place pour satisfaire les besoins de chacun. Je crois au potentiel de ce nouvel album car l'atmosphère en studio était vraiment très saine et propice à la créativité. Il dégage de la vie, de l'espoir, de l'énergie et du désir. Je n'avais plus ressenti les mêmes choses depuis trop longtemps...

Vos chansons ont souvent été décrites comme sombres et mélancoliques, est-ce que cela s'applique également à ce nouvel album ?

Stuart : J'ai toujours pensé que cette idée était fausse et c'est encore le cas aujourd'hui ! Notre musique a toujours été porteuse de nombreuses émotions, parfois contradictoires, et le public a immédiatement pensé que nos chansons étaient sombres à cause de cela. Ma manière d'écrire des chansons ne peut être dissociée du ressenti des émotions... c'est sans doute une affirmation trop abstraite pour être comprise de la bonne manière mais je le vis ainsi. Je suis fier des émotions que je parviens à transmettre avec les chansons mais je ne me revendique pas comme un compositeur mélancolique ou sombre.

Vous avez enregistré cet album en France dans un studio du Limousin... c'est une région un peu surprenante pour un groupe comme le votre ! Pourquoi ce choix ?

Stuart : Il nous fallait un lieu avec de l'espace, car après avoir vécu à Londres pendant quinze ans, j'avais d'autres aspirations pour ma vie en tant que personne ou artiste. Je voulais un changement vraiment extrême. Je suis installé là-bas depuis quelques temps et le lieu correspondait à ce dont le groupe avait besoin pour enregistrer ce nouvel album : de l'espace, du calme, la nature... Nos familles pouvaient profiter du lieu pour se reposer, ma femme pour peindre, les enfants pour s'amuser dans la cours. Quitter Londres était un choix irrévocable, je ne pouvais plus faire marche arrière et il me fallait donc trouver un nouveau port d'attache pour prendre un nouveau départ. On aurait sans doute pu choisir de partir vivre dans la campagne anglaise mais je pense que l'expérience aurait été ennuyante et peu inspirante.

Pensez-vous que cet environnement a influencé l'esprit général du disque ?

Stuart : Je pense que l'album a été marqué par l'espace dont on disposait. Il y avait un grand ciel bleu et la campagne crée une atmosphère complètement différente de celle de la ville. Le groupe avait clairement plus de possibilités pour s'exprimer dans cet environnement.

Après cette expérience, comment envisagez-vous la suite de votre carrière désormais ? Est-ce que votre public devra encore attendre cinq ou six années avant de vous voir sortir un nouveau disque ?

Stuart : Si on devait retourner immédiatement en studio pour enregistrer un nouvel album je crois que ce ne serait pas un problème ! Il nous reste encore quelques étapes à franchir avant de penser à cela et j'ai bon espoir que tout se déroule de manière positive. Notre état d'esprit actuel est très encourageant selon moi, le groupe est sur une bonne dynamique sans pression particulière et j'aimerais pouvoir continuer ainsi... prendre les choses comme elles viennent, continuer à prendre du plaisir et à écrire de la musique tous ensemble.