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Wire

Paris, Maroquinerie - 24 mai 2010

Live-report par Olivier Kalousdian

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Dans la famille « new gothique » héritière du son cold wave des années 80 et, plus éloignée, du post-punk noisy de la fin des années 70 (Birthday Party), APSE s’impose petit à petit dans la lignée actuelle des Boards Of Canada, la dimension « new hippie » en moins.

Les APSE sont américains mais signés sur un label Anglais. Fans du cinéma de Murnau, ils auraient pu composer les Bande Originale de Nosferatu ou du Chien des Baskerville. Le décor est posé depuis leur formation en 1999 et un certain succès dans le rock industriel, surtout en Espagne. Étranges, mystiques, pour ne pas dire effrayantes, leurs compositions et leurs vidéos clips sont de véritables créations vidéastes où le son noisy s’exprime au travers d’images de châteaux hantés et d’une nature inquiétante.
Versés sur des nappes synthétiques ou acoustiques comme les apprécie Brian Eno, APSE est un de ses groupes expérimentaux qui mélangent et poussent les capacités des instruments dans leurs derniers retranchements. Ils ne poussent pas l’expérience jusqu’à utiliser des perceuses ou des marteaux piqueurs sur scène, mais on peut parier que si cela était possible, au risque de déclencher de malencontreuses comparaisons avec Einsturzeinde Neubauten, ils en seraient tout à fait capables. APSE représente l’avant-gardisme musical anglo-saxon tentant de rattraper le retard pris par rapport à la scène Berlinoise.

Bien sûr, la Maroquinerie ne programme pas ce groupe en première partie de Wire par hasard. On y retrouve une certaine confusion de sons très bas et une intensité sonore brouillée qu’avaient les premiers albums de Wire. Mais la comparaison s’arrête là, pour l’instant...

Attention, groupe culte : Wire !

Lors de la première vague punk-rock londonienne, les Wire se sont imposés comme des acteurs majeurs du courant post-punk. Partis d'un son plutôt brut avec leur album Pink Flag en 1977, leur grande utilisation des synthétiseurs sur leurs albums suivants les amène vers un son plus complexe et plus structuré, précurseurs de ce que seront les premiers pas de l’électro rock.
A une époque d’avant les Jeux Olympiques de Moscou où le Roxy Club de Covent garden programme des groupes comme Stiff Little Fingers, ils y jouent des set d’une musique punk nerveuse que l’on pourrait alors comparer à celle des Dead Kennedys pour les titres les plus agressifs et des compositions rock plus mélodiques à l’instar de Magazine ; et ce sont tout sauf de minces comparaisons ! Il est surprenant et jouissif de voir que, trente ans plus tard, ils ont gardé ce son brut de décoffrage où la batterie tape méthodiquement des beats simples et efficaces et où le leader, Colin Newman (sosie sous acide du réalisateur Xavier de Beauvois !), cinquante ans affichés et dépassés, applique un traitement sans égal à sa guitare verte et blanche, griffant les cordes d’allers-retours en S rapides et convulsifs, les lunette embrumés et le corps baissé vers l’avant, comme un skater en recherche de vitesse ! Quant au légendaire mauvais esprit du bassiste Graham Lewis, il s’exprime pleinement en répondant crûment et en anglais à un jeune new punk torse nu venu leur donner des ordres sur les titres à interpréter...
Erreur grave, jeune homme. Il se fera remettre en place rapidement par Graham, le bassiste baraqué au crâne rasé. Ce sont peut-être des papys du post-punk, incapables de régler leurs instruments sans la pleine lumière sur scène, mais ils ont encore de beaux restes. Depuis l’époque héroïque et héroïne de leur album The Ideal Copy, le batteur et le deuxième guitariste ont été remplacés (Bruce Gilbert qui a entrepris une carrière solo et Robert Gotobed, batteur devenu superflu à l’époque de l’électronique, ont quitté le groupe dans les années 90) mais le son reste aussi sauvage, portant moins de synthétiseurs et plus de rythmiques, rajoutant à des titres comme Drill une puissance gutturale mettant le feu à la salle.

Une salle acquise à la « nouvelle » cause punk à en juger par le mélange des ages en présence. Je croise des papas bobos aux cheveux grisonnant qui, s’ils ont arpenté les salles punk parisiennes des années 80, ne se risquent pas une minute à rentrer dans l’arène du pogo général intenté par les plus jeunes alors que le ton monte sur scène et que les titres les plus rapides sont envoyés en moins de temps que les Ramones jouaient les leurs, c’est pour dire ! Quelques garçons torse nu cherchent à en découdre et bousculent les plus âgés agglutinés devant la scène. Ayant passé l’age de se rentrer dedans à coup d’épaule, ils s’écartent ou répondent timidement à cette révision de leurs classiques.
Intello punk à la fin des années 70, expérimentateurs des années 80 dans la famille électro rock des Anne Clark ou des Front 242 (surtout pour un titre majeur comme Drill), Wire peut passer de la ballade rock avec un titre comme Mannequin, leur premier succès en 1977 et un de leurs meilleurs morceaux, à des titres exécutés sur un rythme difficilement soutenable après quarante ans ! Leur 12XU sonne d’ailleurs comme le Hi, Ho, Let's Go ! des frères Ramones et ne dure pas plus d’une minute cinquante... assez pour renvoyer dans les cordes ceux qui s’étaient approchés trop près du devant de la scène, maintenant champ de bataille où ne manquent que les crêtes de couleurs et les crachats de Johnny Roten pour nous transporter définitivement à une époque où la mode était l’anti-mode et où l’attitude la plus recherchée était celle rejetant l’agent et le succès. Une époque donc révolue mais qui, ce soir, pourrait bien refaire quelques adeptes...
Ils ont cette attitude qu’on n’avait pas vu depuis l'ère post-punk. C’est aussi efficace que les Ramones et aussi brouillon que les Sex Pistols, mais cela donne aussi beaucoup d’air à notre époque si formatée !