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Wire

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 21 juillet 2017

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Wire est un groupe majeur de l'histoire de la musique. Ils ont à eux seuls inventés le post-punk et ce dès 1977. Colin Newman et Graham Lewis pourraient être prétentieux mais se révèlent au contraire être des gens charmants, drôles, intelligents, cultivés et avec lesquels, il est extrêmement agréable de converser. Rencontre.

Wire est considéré comme le groupe qui a inventé le post-punk mais vous êtes arrivés avant même le post-punk...

Le terme n'existait pas lorsqu'on a fondé le groupe. C'est devenu une étiquette. A notre époque, il y en avait beaucoup qui disparaissaient dès la semaine suivante comme power pop par exemple. Le terme post-punk n'est arrivé que dans les années 90. Nous, nous étions un groupe 77. Lorsque 77 est arrivé, c'est comme si d'un coup cinq générations étaient passées depuis les années 60/70. On aimait le blues mais on ne voulait pas jouer du blues. Nous n'avons jamais été fans de rock en fait. Nous avons réalisé que nous devions être électriques mais que nous devions déconstruire le rock qui au fond est assez ennuyeux. Jouer la même note encore et encore n'est pas très intéressant. Lorsque nous avons donné notre premier concert en 77, la moitié de Pink Flag était écrite. Le punk est chaotique et assez simpliste. Nous étions à l'opposé de cela, nous voulions faire des trucs avec une construction. Nous aimions jouer avec le silence ce qui est très loin du rock. C'était une époque intéressante pour la musique et nous avons eu la chance d'arriver à ce moment là avec des gens comme les Slits ou The Monochrome Set. La plupart des groupes de punk anglais jouaient du garage US et cela ne nous intéressait pas. Cela avait presque un côté déprimant.

Et vous vous sentiez loin de la scène punk anglaise de l'époque ?

Les Sex Pistols étaient fun à voir en concert. Ils étaient comme une blague. Au début, ils étaient presque comme un cover-band, jouaient des morceaux des Monkees, des Small Faces. Nous avons vu les Damned aussi à cette époque. C'étaient des groupes drôles à voir sur scène mais ce n'était pas la musique que nous voulions jouer.

Tout s'est accéléré entre 76 et 77 ?

1976 et 1977 sont des périodes totalement différentes. Nous avons vu les premiers concerts des Damned et des Clash. Lorsque nous avons commencé en 77, la musique avait déjà changé. Les Clash étaient devenus les Rolling Stones, les Pistols le cliché du groupe drogue et rokn'n'roll. Nous étions plus dans des trucs américains, les Ramones, même si le premier album ayant tout dit et aurait été suffisant, Horses de Patti Smith, Jonathan Richmann...

N'ayant rien, nous étions encore plus créatifs.

Pink Flag » a été considéré comme le premier album post-punk de l'histoire...

Cela nous fait toujours plaisir d'entendre cela car les médias anglais disent souvent que le post-punk a été inventé par Gang Of Four ou The Fall, ce qui n'est pas vrai car ils sont arrivés après nous. Lorsque nous avons enregistré ce disque, nous commencions à apprendre à jouer. Nous étions sur un gros label mais nous ne voyions aucun argent arriver à part l'avance qui avait été faite pour l'enregistrement du disque. N'ayant rien, nous étions encore plus créatifs.

Est-ce une fierté que le groupe a eu un tel impact sur le monde de la musique ? REM vous a repris, Blur a toujours dit avoir été grandement influencé par Wire, Elastica a même fait un plagiat de l'un de vos morceaux...

Tu peux avoir plusieurs réactions face à cela. Tu es d'une part évidemment content. D'autre part, tu ne l'es pas forcément, selon les artistes qui se disent influencés par toi. Évidemment c'est flatteur que ton nom soit utilisé comme un adjectif. Mike Watt des Minutemen nous a dit qu'après nous avoir écoutés il s'était dit qu'il pouvait sonner comme il le voulait. Ça c'est quelque chose qui nous fait plaisir. Lorsque nous sommes allés tourner aux États-Unis la première fois en 78, les groupes américains étaient tous composés d'excellents musiciens qui devaient tourner des années avant de produire quelque chose. Si nous avons pu contribuer à plus de liberté et de spontanéité pour les groupes qui sont venus ensuite, c'est très bien.

Vous n'avez jamais été de gros vendeurs. Est-ce un regret ?

Nous n'avons jamais eu d'album dans les charts mais nos disques se vendent. Nous avons des niveaux de vente très correct. Des artistes comme le Velvet Underground, Brian Eno ou Neu n'ont jamais été dans les charts. Et Pink Flag continue au fil des années à bien se vendre.

Le groupe a connu deux séparations. Pourquoi ces comebacks ensuite ?

Ce ne sont pas des comebacks. Les entertainers font des comebacks et nous n'en sommes pas. Lorsque nous nous reformons c'est parce que nous sentons que nous pouvons encore proposer des choses intéressantes artistiquement. La question d'un artiste est de savoir si les concerts que tu donnes sont encore meilleurs que ceux que tu as fait dans le passé. Nos sets sont toujours différents. Cela n'aurait pas de sens de redonner les même concerts qu'il y a vingt ou trente ans. Le fait que l'on ait pas eu de hit est une bonne chose car le public ne vient pas nous voir pour entendre tel ou tel morceau qui lui rappellera sa jeunesse. On doit se confronter à aujourd'hui, pas au passé. Quand tu vois un artiste comme Bob Dylan duquel le public attend toujours les mêmes morceaux, cela l'a déprimé. Il ne joue plus ses vieux titres ou les propose dans des versions totalement différentes. C'est ce que nous faisons.

Vous produisez toujours autant. Trois albums ces trois dernières années...

Il n'y a pas de plan. Nous avons le matériel pour faire des disques donc nous en faisons. L'énergie est là, il n'y a pas de raison de ne pas continuer à créer.

Quelle est votre setlist sur cette tournée ?

Nous jouons beaucoup de nouveaux morceaux. Pour le reste, nous réfléchissons à ce qui va rendre le mieux en concert. Nous ne pouvons pas tourner tous les ans, ce qui est dommage. Il n'y a pas eu de tournée pour Nocturnal Koreans, par exemple.

Nous ne pensons pas à l'avance à ce que nous allons faire.

L'album précédent, Nocturnal Koreans, était assez expérimental. Le nouveau, Silver/Lead, est plus pop...

Nous ne pensons pas à l'avance à ce que nous allons faire. Cela arrive presque par hasard. Un album de Wire est toujours une nouvelle expérience.

Vous avez sorti un nombre impressionnant de disques live, surtout avec les « Bootleg Series »...

On a fait cela pour les fans. Ils veulent ce matériel. On a sorti ces disques pour que le son des live soit le meilleur possible. Nous avons des fans qui veulent absolument tout de Wire.

Vous allez sortir un nouvel album dès l'an prochain ?

Qui sait ? Nous ne savons pas encore. Nous n'enregistrerons peut-être pas l'an prochain. Il ne faut pas saturer le marché. Nous avons notre propre label et pouvons donc faire ce que nous voulons au moment où nous le voulons.

Comment composez-vous et où enregistrez-vous ?

Nous commençons toujours par composer à la guitare acoustique comme nous le faisons depuis les années 70. Le processus se fait naturellement. Chacun dans le groupe sait ce qu'il doit faire. Tous les derniers albums ont été enregistrés dans le Pays de Galles, dans le même studio. Il n'y a rien à faire dans ce coin donc tu ne peux que te concentrer sur la musique. A Londres, il y a trop de distractions.