Lone Wolf
Philip Selway

La tournée européenne de Philip Selway prend fin, et le chant du cygne est entonné ce soir, à la Boule Noire de Paris. L’occasion de découvrir en live Familial, le premier effort solo du batteur de Radiohead.

 

 

Il est 20h, et les abords de la scène sont d’ores et déjà pris d’assaut par le public. En guise d’apéritif, nous aurons le droit à un petit bout d’Angleterre, à Lone Wolf plus précisément. Paul Marshall, l’homme derrière l’énigmatique patronyme, entre soudain dans l’arène en nous saluant. L’exercice paraît risqué, tant la petite scène est jonchée d’instruments et de câbles en tout genre, mais le bonhomme y parvient néanmoins. Il prend alors place sur un des tabourets, accorde sa guitare, et entame son set avec Buried Beneath The Tiles. Ce seul morceau lui suffit à imposer au public sa voix grave et des mélodies folks aussi gracieuses que captivantes. Une première victoire qui ne l’empêche cependant pas d’ajouter un charme supplémentaire à ses compositions, ceci en invitant Laura Groves à le rejoindre dès le deuxième morceau. Pour sur, on tient là une combinaison à la Damien Rice/Lisa Hannigan qui a sacrément de la gueule. Alors qu’il est l’heure pour Paul Marshall de jouer This Is War, la sonorisation commence à faire des siennes : l’anglais est alors contraint, non sans humour, de mettre de côté sa guitare acoustique. « Bye-bye acoustic! », lâche t-il soudain, aussitôt suivi par un « hello electric ! » bien senti, en provenance directe du public parisien. La salle rigole de bon cœur, et le show reprend.
Quelques minutes plus tard, il nous affirme que lui et ses compères repartent pour l’Angleterre dès le lendemain matin. L’assistance feint la déception, entonnant les « hooooo ! » de rigueur, et crée ainsi une énième et savoureuse situation comique : visiblement ravi de la bonne forme de son public, Paul Marshall nous rassure en évoquant la dernière nuit qu’il lui reste à passer en France, dans un charmant Etap' Hôtel où, selon ses informations, une femme a récemment du chasser un rat de son sac à main. Cette anecdote racontée et la foule apaisée, Lone Wolf peut reprendre le cours de son set. Toujours accompagné de la brune Laura, il nous propose ainsi les titres We Could Use Your Blood et 15 Letters, à la suite desquels l’assistance applaudira de plus belle. Paul Marshall est ému, fier, un peu gêné aussi, et c’est avec un grand sourire qu’il nous demande de mettre fin à cette ovation. Laura et lui s’observent alors, complices. C’est sur ce regard d’ailleurs que l’artiste nous annonce la fin imminente de sa prestation. Les premiers accords de Keep Your Eyes On The Road résonnent alors, plongeant la salle dans une entrainante ambiance country. Aucun doute, le public n’a décidément d’yeux que pour ce qui se passe sur scène.
A quelques encablures de la fin, alors que Paul Marshall entame la dernière ligne droite de son show, le son se coupe à nouveau, net. Éclats de rire de rigueur. Pas résigné pour un sou, malgré cette nouvelle déconvenue, Paul Marshall en rigole lui aussi, et termine sa chanson a-capella, pour le plus grand plaisir d’un public qui restera acquis à sa cause jusqu’à la dernière note. L'anglais quitte enfin la scène, précédé par sa comparse, et salue la foule une dernière fois.

 

 

Arrêtez-moi si je me trompe, mais je crois qu’on appelle ça un coup de cœur. Les derniers réglages sont maintenant effectués. Philip « Bald Member » Selway fait son entrée sur scène, suivi de près par les musiciens qui, comme chaque soir, vont l’aider à donner vie aux morceaux de Familial, comme à d’autres d’ailleurs. Malgré la faible luminosité, on parvient à distinguer Caroline Weeks, Kath Mann, Alex Thomas, mais également Adem Ilhan, musicien anglais d’origine turque plus connu sous le nom d’Adem. Tout le monde est en place, et les premières notes résonnent enfin. Avec du recul, on se dit que cette ballade live au gré de Familial, c’est un peu comme prendre la route avec une personne qui nous est chère, le coucher de soleil comme unique ligne d’horizon. Le genre de road trip qui se déroule sans accrocs véritables, un peu comme dans un rêve, et où les seules et uniques contrariétés venants perturber la sérénité du voyage se trouvent être les quelques nids de poule disséminés ici et là sur le chemin (The Ties That Bind Us).
De temps à autre, rattrapé par une lourde fatigue, on cède le volant à celui ou celle qui nous accompagne (lors de la reprise de Slide, écrite par Lisa Germano, Selway s’efface au profit d’Adem). A d’autres moments encore, on casse la monotonie du trajet à coups de généreuses notes d’humour (« rassurez-vous, je ne pleure pas, c’est juste mon mascara qui coule ! », Philip Selway), ou par l’intermédiaire de quelques chansons reprises en chœur, la tête naviguant de gauche à droite et les mains claquant sur le tableau de bord (Days And Nights, titre plus relevé que la normale).
Mais comme dans tout voyage, il est une inexorable fin. Ce soir, la route s’achève sur les notes de What Goes Around, titre à l’occasion duquel les membres du groupe, exception faite d’Adem, se réunissent autour des fûts d’Alex Thomas pour mettre un point d’orgue à cette ballade d’un soir. Nous sortons de la voiture, approchons de la plage et l’eau salée touche enfin l’extrémité de nos doigts de pieds. Sur la douce mélodie d'All In All, unique rappel. Clap de fin.

Les lumières rallumées, on se dirige vers la sortie, reposés, sereins, comme purgés de tout ce qui nous rongeait de l’intérieur; l’espace d’un instant, la musique a pris soin de nous. On ne la remerciera jamais assez.