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Broken Records

Paris, Flèche d'Or - 12 février 2011

Live-report par Olivier Kalousdian

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La trêve hivernale des concerts touche à sa fin. Moins longue que la trêve des footballeurs, qui n’ont absolument rien à faire ici, mais plus longue que la trêve des confiseurs, elle évite les mois les plus froids pendant lesquels les rockeurs en profitent pour s’enfumer chez eux avant de retourner se refaire une santé dans les salles de concert de plus en plus aseptisées de notre capitale...

La file d’attente devant la Flèche d'Or ne trompe pas ; c’est un samedi plutôt doux pour un mois de février et le public est de retour, en masse. Pas vraiment rock ni vraiment roll, le public de ce soir est complaisamment folk. C’est un nouveau credo et le nouveau créneau de l’industrie du disque.
Après avoir été gentiment autorisé à doubler la queue qui s’impatiente sous une pluie fine par le service d’ordre – je me contente de peu – je file illico au bar histoire de voir si les serveuses sont toujours en poste et si la bière n’a pas augmenté ! C’est la crise...

 

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Mais au fait, c’est qui Broken Records ? Formé fin 2006 à Edimbourg, le groupe sort sur 4AD son premier album en juin 2009. Le second, Let Me Come Home, sorti en octobre 2010 sur 4AD a été accueilli une fois de plus avec beaucoup d’enthousiasme. Qualifiée d’Indie folk, la formation de Jamie Sutherland monte sur scène accompagnée d’une ribambelle d’instruments généralement acoustiques, effectivement folk, mais sur-vitaminés électriquement. Violon, accordéon, trompette... Ces gars-là sentent bon la campagne des highlands et le pure malt Ecossais. Les mélodies folk de Broken Records touchent par leur harmonie chaleureuse.
Par ailleurs, Jamie Sutherland, avec sa bonhomie anglo-saxonne surmontée d’une chevelure épaisse aux reflets d’orge, semble tout droit sorti d’une affiche vantant les mérites gustatifs d’un whisky de tradition, encore jeune mais déjà très présent en bouche. Dès les premières mesures, telle un lampée de pure malt à cinquante degrés percutant tout le premier rang, Jamie et sa voix magistrale, railleuse dans les aiguës, entonne un You Know You're Not Dead qui donne le ton et sent bon les formations à textes. Des vocalises aux sonorités caverneuses qui ne sont pas sans rappeler un certain Bono à ses débuts.

 

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La prestance est d’une maturité rare pour un groupe si jeune qui ne rechigne pas à dialoguer, en anglais, avec son public multiculturel. La musique, qui flirte parfois avec un Bruce Springteen des années 80s, est propre, bien née et bien jouée. Icin ce soir, point d’effusions scéniques ou de débordements du public ; Broken Records navigue plus du côté de la complainte folk rock made in fin 70s, celle qui faisait encore un peu de résistance mais qui hésitait à se montrer de peur de se faire dépouiller par quelques punks mal lunés, que du côté du rock revanchard.
Il y a, au demeurant, quelques ressemblances physiques, scéniques et musicales entre les Broken Records et un John Cougar Mellecamp – un nom sorti tout droit des méandres du passé – qui donnent, la basse funky en moins, le diapason des compositions de cette jeune formation. Même les vêtements de Jamie ont l’air de rendre hommage à Fleetwood Mac !
Mais à l’instar de leur ancêtre dont on ne sait pas vraiment qui de lui ou de Bruce Springteen a plagié l’autre, passés les deux premiers titres, seules les nappes de violon et la fougue du chanteur accrochent encore une certaine partie du public. Le restant commençant à s’ennuyer ferme et à s’éparpiller entre la cour fumeur et le coin-salon au-dessus de la voie de chemin de fer abandonnée. Il y a là des jeunes étudiantes portant des peaux de bêtes retournées sur des chemises imprimées que n’aurait pas reniées Joan Baez, de moins jeunes garçons à la barbe presque longue et fleurie, portant les pataugas retournées sur des pantalons courts et quelques rockers qui se demandent bien ce qu’ils sont venus faire là ce soir !

Ce n’est pas un jugement de valeur sur Broken Records qui, du haut de leur jeune carrière, assurent leur show et déroulent leurs titres avec une certaine maturité, mais une question de goût, d’influences et aussi et surtout de choix ! Reste une prestation énergique conseillée aux amoureux de musique douce absorbante dont le son romantique risque de faire parler de lui dans les années à venir.