Broken Records

Soyons honnêtes. On pouvait attendre énormément de ce premier album de Broken Records. On imaginait follement son avènement comme l’un des albums majeurs de cette année. Peut-être même le meilleur. Dès le premier EP et les premiers singles parus l’an passé, on extrapolait déjà nos attentes les plus incongrues. Le retour à un baroque fou teinté d’un classicisme charnel et charmeur. Le dépassement de l’exotisme réducteur des musiques balkaniques, mais un amalgame réel, une appropriation encore jamais entendue, une mutation d’un genre supplanté par sa substance seule.

Mauvaise nouvelle d’abord. Until The Earth Begins To Part ne sera pas le nouveau Funeral. Et pourtant, l’ouverture douce et progressive sur Nearly Home se dessinait comme la porte d’entrée à toute possibilité d’évolutions, surtout les meilleures. Une fois cet abcès perforé, la relativité de la musique s’imposera d’elle-même. Cuivrées, cordées, rythmées comme des ballades symphoniques, les chansons de Broken Records se dégustent à merveille. Tout n’est qu’une question d’équilibre. Ici, les forces en présences sont ces instrumentalisations prenantes et en constante veille des virevoltements vocaux du chanteur Jamie Sutherland.

Bonnes nouvelles. Ce debut album des Ecossais est un témoignage à la fois poignant et saisissant d’une ouverture et d’un savoir-faire anglo-saxon quant à la culture musicale européenne. A ceux justement que l’on targuait d’une étroitesse créative liée à un fort héritage historique, Broken Records s’inscrit en faux, et prône sa mini-révolution culturelle. Si bien sûr les mélodies et les vocalises suivent les traces de contemporains comme Elbow, The Twilight Sad ou encore Wild Beasts (A Promise, Slow Parade), la grande sensation se ressent à l’écoute de ces titres, poétiques, passionnés qui puisent dans cette culture globalisée.

If Eilert Loevborg Wrote A Song, It Would Sound Like This, If The News Makes You Sad, Don’t Watch It, notamment, s’inscrivent dans une démarche volontariste d’instaurer au sein de rythmes et de structures provenant de musique balkanique, des éléments pop-rock purement occidentaux. On pense ainsi à Okkervil River, Beirut ou encore DeVotchka, mais l’analogie la plus probante est bien entendu celui à effectuer avec The Waterboys. Frénétiques, vivaces et portés par les mélopées de ces violons et pianos expressifs, les Broken Records partagent avec leurs illustres aînés à la fois cette pleine mesure de leur passion communicative, mais à la fois cette volonté simplificatrice qu’engendre l’intransigeance amour de la pop.

Until The Earth Begins To Part ne sera pas l’album irrationnellement attendu ; la beauté formelle de cette musique du monde d’aujourd’hui éradiquant ce sentiment d’urgence, de rupture qu’a pourtant voulu communiquer Broken Records. Grands admirateurs du monde qui les entourent, ils en transmettent un diaporama enchanteur mais vain. Vain mais enchanteur.