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James Blake

Rennes, L'Antipode - 17 février 2011

Live-report par François Freundlich

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Cette année encore, la MJC Antipode de Rennes s’associe à la Route du Rock pour une soirée en amont du week-end malouin de l’Omnibus. Si le concert de l’an dernier n’était présenté que comme une pré-soirée, l’événement est cette fois pleinement intégré au festival.

Ce sont trois artistes à fort potentiel pour les futurs mois qui vont se succéder sur la scène rennaise. Tout d’abord, Lia Ices, jeune prodige New-Yorkaise, laisse apparaître son joli minois. Derrière son clavier, elle est accompagnée de son groupe en configuration basse, guitare et batterie à qui elle lancera tout au long du concert des regards plus complices que charnels. On s’attendait à un concert plutôt folk et calme mais la guitare électrique est ici mise en avant pour donner une tessiture plus rock aux compositions de la belle.
De son frêle corps s’échappe une voix fraiche et profonde qui prend toute sa saveur sur ce live alors qu’elle est plus retenue sur album. On se laisse aller à l’enivrement de ce clavier doucement frôlé, sonnant les bases du blues électrique d’une guitare qui sonne comme dans un désert rouge et ensablé. Le minimalisme de l’album est laissé de coté pour faire place à quelques solos que Lia observe de loin d’un air habité. L’atmosphère mélancolique est troublée par un chant laissant transparaître l’espoir dans chacune des compositions. Le public est conquis et la chanteuse est ravie de cet accueil pour son premier concert en France. Avec une telle entrée en matière, La Route du Rock est plus que jamais sur de bons rails.

Une Américaine succède à une autre puisque Cameron Mesirow et son groupe Glasser, débarquent de la planète Zultor dans leurs costumes folkloriques. La configuration est différente des concerts donnés en première partie de Jónsi l’an dernier, puisqu’en plus d’ajouter une indéniable folie aux compositions, un DJ, un batteur et un bassiste l’accompagnent.
Alors qu’on la connaissait pour ses atmosphères sombres rappelant Fever Ray, Glasser semble avoir pris une direction différente en proposant un set beaucoup plus électronique. Un peu trop même puisque le DJ lance la majorité des samples tandis qu’un batteur déprimé s’échine à faire un travail de boîte à rythme sur sa batterie électronique. Ajoutons à cela une chanteuse complètement barrée dans son habit de pompons, des danses épileptiques un peu forcés pouvant laisser perplexe même le roi de la danse épileptique (qui a dit Thom Yorke ?) : on reste un peu en dehors de la prestation.
Là où la chaleur de Lia Ices nous transportait, on est plutôt laissé à quai par un son trop froid et caché derrière des machines en boucle. Seule une basse ou un passage porté par une vraie batterie apporteront un peu de chaleur, mais si l'on est surpris par si peu, c’est qu’il y a un problème quelque part. Même la voix ne parvient pas à transpercer l’igloo qui entoure la scène, exception faite d'un morceau en quasi a cappella, accompagné uniquement d’une basse. Glasser est peut-être partie un peu loin pour nous emmener avec elle et le public sur sa faim malgré une forte attente sur cette prestation.

Pour terminer, une plongée dans la hype avec l’anglais qui fait le plus parler de lui en ce moment : James Blake. Les fans branchouilles sont au rendez-vous et l’accueillent comme un messie. Espérons tout de même que le vocoder qui noie de très bonnes compositions sur son album soit utilisé avec parcimonie.
Et parcimonie est au rendez-vous, puisque sa voix naturelle est le plus souvent privilégiée. Assis devant ses claviers tout à droite de la scène, il est accompagné d’un batteur et d’un guitariste bidouilleur apportant énormément de profondeur aux chansons. Ce dernier a le mérite de surprendre lorsqu’il intervient derrière le piano-voix de James qui pourrait amplement se suffire à lui-même. Là encore, on laisse le dépouillement de l’album de côté pour creuser plus profondément dans des sonorités faisant ressortir les infra-basses et trembler les murs de l’Antipode. Le dubstep, encore assez marginal en France, pourrait bien trouver là sa star, puisque l’on sent un public attentif mais qui a envie de laisser remuer son corps sur ces tempos lents.
Tous les titres ou presque de son album sont interprétés et le résultat et donc à son image : inégal. On peut passer certains moments à s’ennuyer en écoutant des boucles de paroles qui n’en finissent pas ou crier au génie sur un Limit To Your Love qui impose une bulle intemporelle autour du lieu dans lequel il retentit. La grande force d’un concert de James Blake est le passage d’un minimalisme piano-voix des plus posés durant lequel ses deux acolytes l’observent d’un air admiratif, à un déchainement soudain de la batterie et d’une basse vrombissante en mode mur du son. Puis soudainement tout s’arrête et ne reste qu’une voix angélique et un frisson qui parcourt le corps, sursaut d’organes internes qui s’étaient habitués à vibrer. Le temps reprend son cours normal, le temps pour James de revenir seul devant son piano aérodynamique pour un rappel qui résonne dans un silence abyssal. A star is born ? Ce jeune homme n’a pas fini d’attirer toutes les curiosités de la hype.

On quitte Rennes pour la côte malouine à partir de demain, l’Omnibus du rock'n'roll n’attend plus que nous pour démarrer.