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Muse

The Resistance

Muse - The Resistance
Chronique Album
Date de sortie : 14.09.2009
Label : Warner Music
45
Rédigé par David, le 15 septembre 2009
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Tout d’abord une promesse. « Queen / pompier / mièvrerie / grandiloquent / Depeche Mode / prétentieux / progressif / commercial / mauvais gout / megalo / putassier / musique de stade / guimauve / mainstream » : je jure devant Omar qu’aucun des termes de la liste précédente ne seront utilisés dans cette chronique par soucis de résistance à la critique paresseuse ambiante ainsi que de lutte acharnée contre la lassitude de dernier(e)s rescapés(e)s souhaitant véritablement en savoir plus sur ce cinquième album studio du trio anglais le plus décrié de la planète rock.

A Time And A Place
A la première écoute, il est en effet fort complexe d’aborder objectivement le cas Muse en 2009 tellement chacun possède une opinion prononcée sur le groupe ainsi que sur les influences flagrantes régissant leur univers. La sortie de The Resistance ne dérogera pas à la règle et sera même très certainement encore plus déroutante pour la planète musicale dans son ensemble car tout semble ici poussé à l’extrême et caricaturé à outrance par le meneur de troupe en chef Matt Bellamy.
Le principe de laisser de coté les idées (et écrits) maintes fois rabâchées ainsi que les premières réactions épidermiques venant en tête à la découverte de ces neuf nouvelles chansons s’avère primordial pour se laisser guider vers la lumière et comprendre qu’avec cet album dense et insensé, les membres de Muse ont enfin trouvé la cohérence libertaire qu’ils cherchaient à atteindre depuis leurs débuts et réinventent insolemment une alternative musicale (d)étonnante à leur époque.

Romantic Warrior
Car si l’on y réfléchit bien, depuis la claque Showbiz, on connait finalement les bases vitales du groupe et leur volonté singulière de refuser d’appartenir à un courant musical ou de se laisser enfermer dans un moule artistique prédéfini. Quelques secondes de la rythmique spartiate du premier single Uprising alliées aux paroles simplistes de son refrain ne font que confirmer ce que l’on savait déjà : le mélange naïf d’amour et de haine, de romantisme exacerbé et de combat identitaire artistique musclé reste et restera le véritable moteur de Muse, son atout le plus brillant et le plus incontrôlable alors qu’il y a maintenant une petite dizaine d’années, on prenait ça pour un défaut de jeunesse. A l’image de ce single entêtant, le résultat est direct, communicatif et obsédant d’efficacité.
La découverte de la tubesque Resistance enfonce le clou : en épurant certains effets de production néfastes rencontrés dans les disques précédents et en concentrant leurs efforts sur la pertinence de la rythmique (qui n’a clairement jamais été aussi parfaite) et la simplicité communicative des paroles et même de la voix, Muse prouve avec ce début d’album que tout avait un sens depuis le début, et que toutes celles et ceux qui ont, malgré les tempêtes et les déceptions passées, toujours cru en ce groupe avaient raison.

The Cinema Show
Maintenant que, sur le fond, ce constat de base est (r)établi, on est alors en droit de se demander si tout l’album s’appuiera sur cette simplicité émotionnelle retrouvée. Ce serait à nouveau faire l’erreur de classer l’affaire Muse beaucoup trop rapidement tellement les excès musicaux en tout genre sont devenus, au niveau de la forme, la véritable marque de fabrique du groupe.
L’aspect cinématographique déjà fortement, et parfois maladroitement, aperçu dans les albums précédents est ici enfin pleinement digéré et assumé : United States Of Eurasia et ses montagnes russes sonores poursuit impeccablement l’aventure orientale commencée avec Butterfly & Hurricanes puis City Of Delusion (et se termine dans l’apaisement total avec ce Collateral Damage emprunté à Chopin) tandis que l’illuminée Guiding Light, en équilibre constant entre aberration (ce solo de guitare quoi!) et génie (ce solo de guitare quoi!), parvient même à convaincre, à l’usure, là où Invincible ou Sing For Absolution avaient malheureusement échouées.
Les déluges sonores futuristes incroyablement puissants de l’enchainement Unnatural Selection / MK Ultra parviennent même à égaler voire surpasser en intensité les déflagrations historiques d’Origin Of Symetry grâce à un son dantesque, à la fois plus précis dans les détails (les chœurs cristallins de MK Ultra) et plus dévastateur dans ses effets, à l'image du final d’Unnatural Selection digne d’un album de Megadeth!
Pour le coup, on attend les lives avec impatience…

If Everyone Was Listening
Impossible de ne pas parler plus longuement des deux immenses réussites de ce disque. Deux morceaux totalement libérés, décomplexés et absolument imparables par leur feeling débordant de passion et leur appel enfantin à la rêverie.
S’éloignant insolemment de l’univers rock qui les héberge habituellement, l’adhésion totale à l’hypnotique Undisclosed Desires méritera une ouverture d’esprit sans faille vers la seule et unique conclusion possible comme quoi une chanson parfaite se passe de règles ou d’une quelconque appartenance... elle reste une chanson parfaite pour la seule et unique raison qu’elle fédère au-delà d’un style, qu’elle s’impose par des détails fulgurants (cette basse!) et qu’elle ne lâchera plus le cerveau de celles et ceux qui auront fait l’effort de lui laisser une réelle chance.
Le clou est définitivement enfoncé avec I Belong To You qui s’impose avec brio comme l’une des plus belles chansons jamais écrite par le groupe et qui résume parfaitement l’univers décalé et constamment innovant dans lequel évolue Muse quand ils tutoient les sommets. Libre comme l’air, rythmiquement imparable, musicalement renversant, frôlant volontairement le ridicule sur le passage chanté en français (si, si!) de Mon Cœur S’Ouvre A Toi pour mieux retomber sur des pattes de velours délicieusement romantiques, ce petit joyau, moderne et démodé à la fois, est un bijou tellement brillant qu’on redoute déjà d’avoir à justifier l’adoration d’une chanson aussi émotionnellement parfaite.
L’écoute répétée de ces deux réussites majeures donne l’incroyable impression que Muse en a encore sous le capot, qu’en murissant son objectif de départ, en continuant de faire tomber des barrières et d’épurer son propos, le groupe pourra finalement aller encore plus loin dans la recherche de la chanson d’amour intemporellement parfaite.

The Gates Of Delirium
Et donc, cette symphonie finale, elle donne quoi ? The Resistance devient-il un chef d’œuvre absolu ou bascule-t’il dans le grand n’importe quoi dénué de sens?
Très clairement, ni l’un, ni l’autre. Les arrangements sont étonnamment feutrés et l’ambiance reste à la rêverie idéaliste malgré les décharges discontinues disséminées au sein de cet opéra symphonique en trois actes. Et alors qu’on attendait un final démoniaque en forme d’Everest absolu et insurmontable du genre, ce malin de Bellamy se base donc une nouvelle fois sur des parties de piano classique connues pour délivrer un final d’album plus envoutant que percutant, plus calme que démonstratif, et ainsi plus humain que définitif.
La boucle est donc bouclée de la plus belle des façons pour The Resistance dont le propos s’avère d’une cohérence sans faille et d’une simplicité sidérante : l’individu contre la masse, l’humain contre la machine, les défauts de la créativité contre la perfection de la rigueur, les valeurs naïves de l’amour passion contre les certitudes fondées de l’appréciation raisonnée, en bref le « nous » ressenti contre le « eux » pensé.

Happy Family
Ainsi, toutes celles et ceux qui pensent que la course au toujours plus est le seul et unique but de l’indéfendable Bellamy en auront pour leur frais, même s’ils mettront peut-être du temps pour digérer et s’en apercevoir : Muse va incontestablement franchir un nouveau palier au niveau du succès public ainsi que de l’incompréhension et du dégout critique puisqu’ils iront très certainement de pair, pour la simple et bonne raison qu’ils sont enfin parvenus à synthétiser avec cohérence leurs ambitions musicales débridées avec l’humanité et la simplicité qui représentent depuis toujours les fondements du groupe et de leur propos.
The Resistance pourrait bien être tout simplement le meilleur album du groupe mais ne sera jamais considéré comme un chef d’œuvre pour la simple et bonne raison que, malgré des apparences plus que trompeuses, il n’aspire absolument pas à le devenir. L’important est donc ailleurs. Brouiller les repères, se débarrasser des certitudes, accepter l’imprudence et la déraison à une époque où la tendance est à l’ordre et à l’uniformité. Bref, continuer la résistance, écouter avec son cœur, lire entre les lignes et intégrer fièrement une famille musicale passionnante, très souvent décriée voire humiliée mais à jamais pertinente : celle de la désobéissance.

A l’heure à laquelle cette (interminable) chronique s'achève enfin, j’ai finalement tenu ma promesse. Il ne vous reste plus désormais qu’à oublier également l’ensemble de cette critique sans importance pour vous forger au fil des écoutes le seul et unique avis qui sera digne d’intérêt…
Le votre.
tracklisting
    01. Uprising
  • 02. Resistance
  • 03. Undisclosed Desires
  • 04. United States Of Eurasia (+ Collateral Damage)
  • 05. Guiding Light
  • 06. Unnatural Selection
  • 07. MK Ultra
  • 08. I Belong To You (+ Mon CÅ“ur S’Ouvre A Toi)
  • 09. Exogenesis : Symphony part.1 (Overture)
  • 10. Exogenesis : Symphony part.2 (Cross-Pollination)
  • 11. Exogenesis : Symphony part.3 (Redemption)
titres conseillés
    I Belong To You, Undisclosed Desires, Unnatural Selection, Resistance
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