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Fear Of Men

Interview publiée par Pierre-Arnaud Jonard le 16 août 2016

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Après un premier album remarqué, Loom, sorti il y a deux ans, Fear Of Men nous revenaient au début de l’été avec un Fall Forever encore plus abouti que son prédécesseur, un splendide album de pop torturé. Une pop étrange et féerique qui n’a pas d'équivalent dans le paysage musical actuel. Une excellente occasion pour les rencontrer avant leur tournée européenne de la rentrée qui les verra fouler de nouveau notre sol.

Que signifie exactement Fear of Men ? Vous avez peur des hommes ?

Jessica Weiss : Non, ce n'est pas la peur des hommes. J'ai écrit des chansons sur l'obsession, la folie, la schizophrénie, sur les sentiments étranges et/ou bizarres que peut ressentir l'être humain et Fear Of Men était un bon nom de groupe pour refléter tout cela.

Sur votre nouvel album, on a l'impression que les guitares ont laissé place aux synthés mais je sais qu'il y a des guitares sur ce disque...

Daniel Falvey : Oui, il y a bien des guitares sur cet album. On les a faites sonner comme si c'étaient des synthés. Cela donne un son très différent. Il y a aussi des synthés sur l'album mais en fait très peu. C'est assez compliqué de faire sonner des guitares comme des synthés mais avec un peu d'exercice, on y arrive. C'était le son que nous voulions pour ce disque.

Nous ne voulons pas que notre musique ressemble à tel ou tel groupe.

Votre pop est très différente de toute la pop actuelle et de plus vous avez déjà réussi à créer un son qui vous est propre...

Daniel Falvey : C'est ce que nous essayons de faire. Nous ne voulons pas que notre musique ressemble à tel ou tel groupe. Nous voulons trouver notre propre son. Nous avons donné plus d'une centaine de concerts cette année. Cela nous a permis d'affiner notre son, d'exprimer un langage qui est le nôtre.
Jessica Weiss : Les critiques ont souvent tendance à te cataloguer. Nous avons fait une reprise de The Chills et d'un coup on a été étiqueté proche de la pop néo-zélandaise alors que notre musique est complètement différente de ce courant. Même si nous aimons beaucoup The Chills !

Il a fallu attendre deux ans pour donner un successeur à Loom. Ce cycle de deux ans entre les albums semble être celui de la pop actuelle...

Daniel Falvey : Oui, c'est vrai. C'est un cycle somme toute logique. Tu tournes six mois, tu composes six mois, tu enregistres et encore six mois pour l'impression, la distribution du disque.

Vous êtes signés sur un label indépendant de Brooklyn, Kanine Records. Vous venez de Brighton. Comment vous ont-ils trouvé ?

Daniel Falvey : Via Internet. Ils ont écouté nos titres sur Soundcloud, ont aimé et nous ont signé. Nous ne nous sommes même jamais vus dans la vraie vie ! C'est un tout petit label. Ils ne sont que deux mais ils ont un beau catalogue avec nombre d'artistes que nous apprécions comme Grizzly Bear par exemple.

Si vous devenez plus importants, vous aimeriez signer chez une major ?

Daniel Falvey : Je ne pense pas. Etre sur un label indépendant, c'est un gage de liberté. Une major te dit la façon dont tu dois sonner, dont tu dois enregistrer tes morceaux, te demande de sortit tel ou tel single. En étant sur Kanine Records, nous sommes libres de faire ce que nous voulons, de sortir tel ou tel titre en single au moment où nous le souhaitons. Cette liberté de création n'a pas de prix.

Mes textes parlent de l'amour, de l'isolation, des troubles mentaux de l'être humain.

Sur ce nouvel album Fall Forever, votre pop est encore plus sombre. Vous jouez une pop très loin des standards du genre. Vous ne sonnez pas comme A Forest de The Cure mais l'esprit est le même, comme l'impression d'être isolé dans une forêt...

Jessica Weiss : Je pense que cela vient en grande partie de mes textes qui parlent de l'amour, de l'isolation, des troubles mentaux de l'être humain. Des lyrics qui évoquent toutes les contradictions de l'homme.

Et pourtant sur scène, tu es très expansive, pas du tout dans un registre torturé...

Jessica Weiss : Oui, je me libère de plus en plus sur scène mais cela n'a pas toujours été ainsi. Autrefois, j'étais bien plus anxieuse avant de monter sur scène. Le temps passant, j'ai réussi à vaincre cette anxiété.

Ce nouvel album va encore plus loin que le précédent dans le registre de l'émotionnel, de l'intime...

Jessica Weiss : Merci. C'est ce que nous voulions. Pour moi, être un groupe c'est prendre des risques. Avec cet album, nous en avons pris bien davantage qu'avec le premier. Au moment d'enregistrer ton premier album, tu es plus timoré. Là, nous avons osé. Et je suis contente du résultat.

Votre premier album avait reçu des chroniques élogieuses à travers le monde. C'est important pour vous ?

Jessica Weiss : Oui et non. Bien sûr, recevoir de bonnes critiques, cela fait toujours plaisir. Et évidemment que l'on avait été très heureux de ces critiques positives de notre album. Mais il faut faire attention à ce que les critiques n'influent pas sur ta façon d'écrire, de composer. Nous prenons avec plaisir les critiques positives mais faisons en sorte qu'elles n'influent pas sur notre travail.

Vous venez de Brighton. La scène musicale est petite là-bas...

Daniel Falvey : Pas tant que cela. Il y a pas mal de groupes à Brighton. Electrelane est le plus connu mais il y en a bien d'autres. Il y a une vraie scène dans cette ville.

Votre premier single était Hanna Schygulla. Vous aimez Fassbinder ?

Jessica Weiss : Ce n'était pas notre premier single mais l'un de nos premiers morceaux que nous avions sortis sur cassette. Je suis dingue de Fassbinder, de son cinéma et vu que Hanna Schygulla est dans quasiment tous ses films, j'ai voulu lui rendre hommage de cette façon. Fassbinder est un cinéaste immense qui a su à travers son cinéma exprimer de la manière la plus intelligente qui soit l'Allemagne post deuxième guerre mondiale.

Vous semblez très perfectionnistes dans votre travail...

Jessica Weiss : Nous le sommes mais Daniel l'est encore davantage que moi. J'ai une tendance plus intuitive. Mais c'est vrai que nous sommes de gros bosseurs.
Daniel Falvey : J'essaie toujours pour un morceau de voir comment cela pourrait sonner de cette façon, de cette autre ou encore de cette autre. J'aime les perfectionnistes dans la musique, les gens comme Brian Wilson qui vont travailler comme des malades sur leurs morceaux. Lorsque tu écoutes Pet Sounds des Beach Boys, tu te dis à chaque fois, mais quel génie.