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Crippled Black Phoenix

A Love of Shared Disasters

Crippled Black Phoenix - A Love of Shared Disasters
Chronique Album
Date de sortie : 02.04.2007
Label : Invada Records
25
Rédigé par jOe, le 25 avril 2007
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S'il y a une "mouvance rock" qui se rapproche de plus en plus du cinéma actuel c'est bien le post rock. Le meilleur exemple à ce jour étant la participation parfaite de Godspeed You! Black Emperor à la BO de 28 Jours Plus Tard (zombie-flick post apocalyptique de Danny Boyle).
Surgissant des mêmes profondeurs insondables de la mélancolie humaine, Crippled Black Phoenix apporte sa pierre à l'édifice toujours plus imposant du rock atmosphérique. Cette association octogonale de musiciens initiés (dont au moins un grand : Dominic Aithchison, officiant au sein de Mogwaï), nous invite à partager sa vision plutôt avare en luminosité d'un monde au bord du gouffre. Et même s'il ne tient certainement pas la comparaison avec ses homologues les plus géniaux, le premier album du collectif Anglo-Irlandais propose un voyage musical d'une poésie sombre et contemplative tout à fait recommandable.

On pénètre dans l'écoute de ce disque comme jeté au milieu du pont d'un Drakkar pris dans la tempête et dont l'équipage entonnerait sa dernière complainte avant de sombrer dans l'abysse. Une fois cette introduction funèbre traversée, CBP entraîne l'auditeur dans l'exploration effrayante d'un univers glacial, désert. On note cependant une volonté de rendre l'écoute plus accessible. Les pièces les plus audacieuses (finalement peu nombreuses) sont assorties de compositions de facture plus académique où la mélodie vocale dite "pop" occupe une place importante. C'est d'ailleurs sur ce terrain là que CBP se démarque de ses confrères, dans cet éloignement du tout instrumental au profit d'une narration divisée entre musique progressive et paroles évocatrices. A ce titre, saluons la prestation de Andy Semmens qui illumine les paysages musicaux dessinés par le groupe de ses lignes de chant fluides et éthérées évoquant une version digeste, moins ampoulée, des élucubrations crispantes d'Archive. Sa voix, associée aux choeurs généreux de Mark Ophidian et Joe Volk propose une alternative salvatrice aux passages instrumentaux parasités de tics regrettables. Malheureusement inhérents au genre, ces lieux désormais communs du post rock commencent sérieusement à sentir la naphtaline. Sur un ensemble de morceaux au format plus court que la moyenne du genre, CBP s'enfonce dans des citations embarrassées de ses aînées. Ici un solo qui tente maladroitement de rendre hommage à Pink Floyd suivit par une progression d'accords calquée sur le modèle canadien de Godspeed You! Black Emperor. Là on a droit au passage obligé du "spoken word obscur par un homme à la voix grave". L'ombre d'Ennio Morricone plane au dessus des arrangements de cordes. On nage parfois en pleine auto-citation de la part du membre de Mogwaï. J'en passe car la liste est longue. En résumé, l'héritage est lourd, envahissant et nous empêche de juger autrement que comme un premier essai à demi réussi cet album pourtant ambitieux. Ambitieux car l'envie de renouveau est bien présente : le développement de cette fresque musicale à tendance folklore ethnique est assez inédit pour retenir l'attention. Mais on reste pour le moment au stade de l'écoute polie et attentive des efforts d'une formation dont on attend plus de prise de risques. Certains apprécieront néanmoins le confort dans lequel une telle démarche artistique pourra les installer. Si, en effet, rien ne vient révolutionner le genre, A Love Of Shared Disasters n'en demeure pas moins un album dont l'écoute réserve son lot de moments forts (même s'il s'embarque parfois dans un pompiérisme douteux ) et d'émotions exacerbées. La production, soignée, réussit à homogénéiser des compositions chargées et à mettre en valeur chaque partition, aussi discrète soit-elle. Elle réussit surtout l'exploit d'éviter à CBP de proposer un simple produit post rock formaté à outrance et vide de toute pertinence. Quelques partis pris audacieux sauvent le disque en lui conférant une personnalité intéressante, si ce n'est unique.

Si CBP est un groupe à suivre et que son premier album fait une bonne introduction à la grammaire post rock à l'attention des néophytes il ne saurait pour autant satisfaire l'attente des connaisseurs. Ces insatiables amateurs de trips cinématographiques inquiétants et de plongées auditives hors formats en seront pour leur frais. Ils pourront toutefois apprécier l'immédiate efficacité des morceaux de ce groupe qui ferait mieux de digérer ses classiques avant de les reéxploiter.
tracklisting
    01. The Lament Of The Nithered Mercenary
  • 02. Really, How'd It Get This Way ?
  • 03. The Whistler
  • 04. Suppose I Told The Truth
  • 05. When You're Gone
  • 06. Long Cold Summer
  • 07. Goodnight, Europe
  • 08. You Take The Devil Out Of Me
  • 09. The Northern Cobbler
  • 10. My Enemies I Fear Not, But Protect Me From My Friends
  • 11. I'm Almost Home
  • 12. Sharks & Storms / Blizzard Of Horned Cats
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    When You're Gone, Sharks & Storms / Blizzard Of Horned Cats
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