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Radiohead

In Rainbows

Radiohead - In Rainbows
Chronique Album
Date de sortie : 31.12.2007
Label : XL Recordings
45
Rédigé par David, le 30 décembre 2007
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Une année lors de laquelle sort un nouvel album de Radiohead ne peut qu’être événementielle tellement le combo d’Oxford a imprimé de sa patte le monde de la musique depuis maintenant bientôt 20 ans. Mais lorsque l’album en question arrive par surprise sous la forme d’un téléchargement gratuit pour les auditeurs qui le désirent, l’événement vire (à tord) à une pseudo-révolution censée détruire l’ancien modèle de distribution et lancer une nouvelle ère entièrement digitale et numérique.

Million Dollar Question
Deux mois plus tard, ce septième album studio sort finalement dans le circuit standard et le moins que l’on puisse dire, dans un énorme soupir de soulagement, c’est que c’est tant mieux. Tant mieux car une fois les excès de fin d’année en tout genre digérés, on va enfin pouvoir discuter non pas de la qualité de compression de ces maudits fichiers MP3, ni de la classe ultime de l’édition limitée hors de prix, mais bel et bien du contenu précieux et magistral de ce In Rainbows si intriguant. Tant mieux car la complexité et la richesse infinie de cet album sidérant ne s’apprécient absolument pas en quelques dizaines d’écoutes vaguement appliquées et ce même pour les fans les plus transis du combo britannique. Tant mieux car contrairement à cette vague fatiguante nous annonçant sans cesse la fin des albums en tant que tels, les cinq de Radiohead décident de nous pondre un disque uniforme et austère, sans single évident mais avec une cohérence rare et une absence de compromis revigorante. Tant mieux donc.

How Can You Be Sure ?
L’entrée en matière d’In Rainbows est si impressionnante et rassurante qu’on s’attend à tout sauf à un album difficile d’accès. Pau probable en effet de ne pas être envoûté par ce puissant beat synthétique tissant un pont habile et soyeux avec le récent effort solo de Thom Yorke (The Eraser). Impossible ensuite de ne pas succomber à l’arrivée de la guitare et de la basse dans un enchevêtrement d’arpèges aussi précis qu’inventif. 4 minutes seulement et l’avertissement semble inutile: Radiohead étouffe une nouvelle fois la concurrence de sa classe et va nous pondre à nouveau un opus magique et définitif. Pas faux… mais pas complètement évident non plus.

No Surprises
Rien de pire que l’indifférence ou la routine pour un artiste digne de ce nom. Même quand on s’appelle Radiohead et que l’on a écrit l’un des albums les plus abouti des années 1990. Et même quand on a l’impression définitive d’avoir réglé une bonne fois pour toute la question incongrue de la prise de risque artistique par un virage à 180 degrés seulement 3 ans après la parution du chef d’œuvre en question. Car l’absence de surprise est très difficile à digérer pour l’auditeur lorsqu’on est habitué au contraire…et la phrase piège qui hantait l’esprit de beaucoup juste après le téléchargement de la bête et la découverte de la si belle Nude ou de l’entraînante Jigsaw Falling Into Place apparaissait évidente mais aussi terriblement insultante : "C’est bien .. mais Radiohead fait du Radiohead". Diantre.

Everything In Its Right Place
Comment continuer quand on a l’impression d’avoir tout vécu? Comment ne pas se renier quand on a déjà tout eu? Comment ne pas exploser quand le monde entier attend l’impossible? La réponse paraît simple et évidente. En respectant les bases qui nous ont conduit si haut, en laissant vivre les inspirations les plus délicates et en retrouvant une nouvelle fois ce fil conducteur si fin et si fragile qui nous relie tant bien que mal. Même si cette solution était finalement la seule pour le groupe pour survivre au patchwork disparate mais si efficace qu’était Hail To The Thief, elle entraîne une fausse sensation d’immobilisme et de "sur-place" lors des premières écoutes d’In Rainbows. Car oui tout est exactement à sa place dans ce grand disque glacial et exutoire… mais on met un certain temps à s’apercevoir que c’est sa plus exceptionnelle qualité.

I Might Be Wrong
Ainsi, en évitant majestueusement le piège du donneur de leçon qui a tout entendu et en acceptant par la même occasion de se (re)mettre une nouvelle fois en danger, Radiohead nous délivre finalement l’un des albums les plus opaques de leur carrière tant l’absence de coups d’éclats n’a d’équivalent que la clarté de leur ligne de conduite : "On avance toujours à l’aveuglette. On sait ce que l’on vaut mais on ne sait jamais on l’on va. Et une fois qu’on a suffisamment œuvré pour que la chanson vive d’elle-même on lui laisse prendre son envol…selon le bon-vouloir de l’auditeur". L’humilité si impressionnante de ce grand groupe permet ainsi à In Rainbows de creuser insidieusement son chemin et de toucher finalement notre cœur et notre âme alors qu’une trentaine d’écoutes auparavant, lorsque l’on s’ennuyait ferme en trimant sur la fin d'House Of Cards, on ne donnait pas forcément cher de sa peau. Mais à l’image des arpèges sinueux de Weird Fishes / Arpeggi et de Reckoner, à la force de la machette Bodysnatchers et armés de l’incroyable grâce flottant en apesanteur pendant la montée envoûtante d’ All I Need, Radiohead continue finalement de défricher avec brio nos territoires sentimentaux inexplorés… et ce n’est pas la moins bonne nouvelle de l’année 2007.

Where I End and You Begin
Alors quand la maladive Videotape semble conclure ce nouveau chapitre par sa mélodie incroyablement mélancolique, on se dit finalement que tout recommence à nouveau pour Radiohead…telle une renaissance. A chaque fois, la fin d’In Rainbows nous oblige quasiment à recommencer le périple du départ mais, comme dans un film de David Lynch, avec une nouvelle version émotionnellement différente d’une même réalité. Et au fur et à mesure des écoutes de cet album, nos chansons préférées échangent leurs places mais le but ultime reste le même : on est touché à chaque fois.. mais différemment.. et de plus en plus. La machine In Rainbows est alors en route et à l’heure qu’il est, impossible de savoir où elle s’arrêtera. Trop tôt. Beaucoup trop tôt pour conclure puisque l’on commence à peine à digérer son véritable contenu.


Bonus track : MK
Pour toutes celles et ceux qui n’ont pas encore vu la lumière, si la patience reste de rigueur, les moyens sont divers et variés (comme l’écoute à fort volume au casque grandement préconisée!) mais la découverte du demi-frère lumineux d’In Rainbows (honteusement prénommé "CD2" et cantonné au rang de faire-valoir de luxe dans le coffret) peut s’avérer assez cruciale tant ses chansons incroyables (la décharnée Down Is The New Up, l’hypnotique Up On The Ladder ou l’enivrante Go Slowly) peuvent apporter le zeste de chaleur manquant et la clef d’entrée au paradis tant convoité. En tout cas, ça a marché pour moi. Car Radiohead ne veut pas être notre meilleur ami, solide et toujours à nos cotés mais bel et bien un amant vigoureux, amoureux, imprévisible et imaginatif. Ce n’est pas toujours le plus facile à vivre et à comprendre mais l'ivresse de la passion est à ce prix.
Au fait, et si In Rainbows était déjà pour moi le meilleur double-album de 2008, il faudrait vraiment m’opérer docteur? Ouais je comprends.. Fitter Happier etc…
tracklisting
    01. 15 Steps
  • 02. Bodysnatchers
  • 03. Nude
  • 04. Weird Fishes / Arpeggi
  • 05. All I Need
  • 06. Faust Arp
  • 07. Reckoner
  • 08. House Of Cards
  • 09. Jigsaw Falling Into Place
  • 10. Videotape
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