Smoke Fairies

En concert, sans habillage, et uniquement armées de leurs voix et de leurs guitares, les Smoke Fairies font preuve de toutes leurs influences rock-folk et blues, avec ces harmonies en demi-tons et ces deux guitares concordantes. Tout fait corps et sens. Les voix s’emboîtent et se répondent, s’enchevêtrent et trouvent leurs rythmes naturels. Des esprits s’évoquent, et un voile s’appose, tout autour, fin, froid et gracieux. Blood Speaks, est une tentative d’expression et surtout de distanciation de cet aura, pour provoquer la dissemblance entre live et studio. Après tout, cela ne peut vraiment pas être un reproche de vouloir différencier les moyens de diffusion de la musique, et ne pas se contenter d’un portage de l’un à l’autre, signifiant généralement le sacrifice soit de la brutalité, soit du raffinement. Autant que l’on puisse en juger a priori, cela ne peut qu’apporter plus de matière.

L’album est ainsi beaucoup plus riche en instrumentalisations, en profondeur harmonique, et nourri d’accompagnements et de nuances. Il y a une belle uniformité sur ce nouvel album de Katherine Blamire et Jessica Davies, qui ne laisse que peu de place aux tergiversations quant aux velléités esthétiques du duo. Blood Speaks est un album distant, sépulcral par moments, même s’il serait plus adéquat de le qualifier de solennel. On retrouve des racines blues, comme sur Feel It Coming Near et Hideaway, des nerfs rocks sur The Three Of Us, au sein de chansons endimanchés comme si elles devaient être jouées religieusement. Il existe une quête de spiritualité et d’invocation dans cette retenue et cette voix élégiaque et profonde, non sans rappeler Victoria Legrand de Beach House ou Laetitia Sadier de Stereolab – toutes proportions gardées.

On note évidemment certaines faiblesses inhérentes chez Smoke Fairies, parmi lesquelles ce lissage du son qui donne une sensation vaporeuse, tendant parfois vers le soporifique. Il n’existe pas de temps forts sur Blood Speaks, le rendant difficile à placer, d’autant plus que les comparaisons avec ses congénères d’un bout à l’autre du spectre – du folk taciturne (comme Marissa Nadler) à la pop brumeuse (comme Beach House encore une fois) – est difficile à éviter pour le duo. Alors Smoke Fairies use de quelques embardées chorales pour se démarquer (la convaincante Take Me Down When You Go), où les racines prennent enfin prise pour faire naître un hybride, rythmé et retenu, drapé et à découvert.

La beauté de Smoke Fairies ne se trouve pas dans leurs entre-deux, mais bien dans l’opposition de ses composantes, dans le contraste provoqué par leurs sombreurs et leurs splendeurs.