Chronique Album
Date de sortie : 16.09.2013
Label : Sony Music
Rédigé par
Emmanuel Stranadica, le 28 septembre 2013
Que reste-t-il de nos amours ? C'est un peu la question que l’on se posait avant l’écoute de ce nouvel album des Manic Street Preachers. Le groupe est en effet en sérieux déclin depuis plusieurs albums, Lifeblood sorti en 2004 constituant leur dernier opus digne d’intérêt. Bien sûr, il est inutile de se mettre à rêver, un second This Is My Truth, Tell Me Yours ne risque pas d’arriver, et encore moins d’envisager pour les fans encore plus nostalgiques un quelconque retour vers un nouveau Generation Terrorists.
Alors, à quoi peut ressembler de nos jours un nouvel album des Manics ? Tout d’abord, il faut être conscient que le groupe de Cardiff a débranché les guitares. Si Rewind The film n’est cependant pas du tout un disque électronique, il ne ressemble absolument pas non plus à ce qui constituait la marque de fabrique du trio gallois, en l’occurrence des riffs de guitare, un esprit rock'n'roll et des rugissements de la voix aigüe de James Dean Bradfield. Tout cela figurera d’ailleurs très prochainement au Panthéon de ce groupe qui faisait rêver la jeunesse britannique il y a quelques années encore avec son côté rebelle et en marge de la société. Certes, les années ont passé et le groupe s’est embourgeoisé. Probablement pas en termes de ventes d’albums, mais bien dans le fait de s’assagir jusque dans l’attitude devenue bien trop propre pour rester crédible.
D’ailleurs les Manic Street Preachers ont pris l’habitude d’inviter des guests sur leurs derniers albums, histoire de donner un tant soit peu d’intérêt à la relative pauvreté de leurs compositions. Si Ian McCulloch ou John Cale contribuaient à leur précédent opus, Postcards From A Young Man, ce sont Lucy Rose, Cate Le Bon et surtout Richard Hawley qui s’y sont collés cette fois. D’ailleurs ce dernier permet au groupe d’éviter un réel naufrage avec une composition acceptable : Rewind The film, qui donne d’ailleurs son nom à l’album.
Mais comment est-il possible qu’ils en soient arrivés là ? Le groupe ne s’est probablement jamais remis de la disparition de son quatrième membre initial, le suicidaire Richey James. La folie et le côté sulfureux du groupe se sont progressivement dissipés jusqu’à entièrement disparaitre sur cet album qu’on ne classera même pas dans le rayon rock des disquaires. Le pire de tout est l’auto-caricature que le groupe fait de lui dans la vidéo de Show Me The Wonder où il se produit (déjà) dans un pub d’une ville de campagne, endroit où James Dean Bradfield, Nicky Wire et Sean Moore risquent bien de terminer dans un futur pas si éloigné qu’il n’y parait s’ils ne relèvent pas la barre très rapidement. D’ailleurs, ils ne sont plus venus jouer à Paris depuis bon nombre d’années et se font rares en Europe, un signe qui ne trompe pas.
En tout état de cause, il serait judicieux de souffler au groupe de changer de stratégie pour attirer le chaland. Il est bien beau de sortir de somptueuses éditions Deluxe de disques avec un format livre rempli de photos, de dessins voire de peintures. Ce qui intéresse avant tout le fan de musique, ce n’est pas la forme mais bien le fond, en l’occurrence les chansons. Bref un joli packaging ne fait pas un album, surtout lorsque c’est la troisième fois qu’on nous fait le même coup.
C’est pourtant bien ce même groupe qui, il y a vingt ans de cela, sortait en single La Tristesse Durera. Jamais un titre de chanson n’avait été aussi prémonitoire.