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PAWS

Youth Culture Forever

PAWS - Youth Culture Forever
Chronique Album
Date de sortie : 02.06.2014
Label : Fatcat Records
3
Rédigé par Hugues Saby, le 3 juin 2014
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L'Écosse est un beau pays. Ses îles sauvages, ses montagnes tantôt verdoyantes ou pelées et ses champs de tourbe mêlée de bruyère comptent parmi les choses les plus merveilleuses qu'il m'ait été donné de voir. Ses nombreuses distilleries produisent chaque année une magnifique eau de vie, dont certaines bouteilles figurent parmi les choses les plus sublimes qu'il m'ait été donné de boire. Mais surtout, ce petit pays septentrional a donné au monde ébahi des groupes atypiques et géniaux, dont certains ont composé une musique parmi les plus belles qu'il ait été donné à mes oreilles de recevoir. Pas mal d'entre eux sont tombés aux oubliettes. Quelques uns sont célèbres dont le monde entier et ont influencé des générations de musiciens jusque de l'autre côté de l'Atlantique, qui ont à leur tour inspiré de talentueux jeunes gens. Pas besoin d'avoir fait Polytechnique pour comprendre que nos petits amis de PAWS sont de ceux-là. Les membres du trio glaswegien ont très certainement dû se passer en boucle les disques de plusieurs de leurs illustres compatriotes.

Quelle ne fut pas ma surprise en lisant les propos de Philipp Taylor, chanteur et guitariste du groupe, refusant obstinément de voir affubler ses compositions du label lo-fi. Bien sûr, PAWS n'est pas Sonic Youth. Mais la musique du groupe est peuplée d'influences plus ou moins perceptibles, et Nirvana, Pavement ou Sebadoh n'en sont pas les moindres. Déjà Cokefloat!, leur premier effort, déroulait avec aisance une esthétique DIY aux accents grunge que n'aurait pas reniée Stephan Malkmus. Pourtant, limiter la musique de PAWS à cette mouvance serait trompeur. Les influences du groupe sont telles les nuances des single malts écossais : plurielles, fines et infinies. Bien sûr on pense parfois très fort à Teenage Fanclub – tiens - (An Honest Romance, ses lignes de guitare et de basse mélodiques), à Nirvana (Great Bear, ses guitares incendiaires et son ronflement de basse), à The Jesus And Mary Chain – tiens, tiens - (Owls Talons Clenching My Heart). Mais PAWS savent s'affranchir avec intelligence de leurs mentors, et s'aventurer sur des terres plus modernes.

Le traitement quasi systématique des voix impose une vraie patte, immédiatement identifiable, comme celle de Julian Casablancas au sein des Strokes ou de Brandon Flowers dans les Killers. Certains refrains, véritables « sing alongs » ponctués de couplets aux mélodies et arrangements particulièrement délicats, évoquent la mouvance néo folk pop très en vogue ces dernières années. Alone, sorte de récitatif mélancolique déclamé sur des accords noueux et torturés littéralement arrachés de l'instrument, rappelle King Krule (ex Zoo Kid). La résonance des voix et le phrasé souvent proche de la vocalise font furieusement écho aux Vaccines (sur Give Up notamment). Taylor partage avec Justin Young, leader du quatuor londonien, cette aptitude rare à être aussi bien redoutable qu'amusant dans la manière si particulière de scander ses textes, souvent personnels et d'une rare urgence, bien loin de l'opéra bouffe.

Visiblement, les Écossais de PAWS font grand cas du son. Leur leader s'épanche volontiers sur son obsession de l'usage des dynamiques sonores dans le processus de composition. Comprenez : le bon vieux quiet/loud qui fit le succès de nombreux groupes, dont les Pixies et Mogwai – tiens, tiens, tiens -. Déluges de guitares très lourdes contrastant avec des mélodies et des arrangements d'orfèvre, les deux formations partagent bien plus que leur industrieuse ville natale. Implacablement, un refrain « autoroute » vient dynamiter l'ambiance patiemment tissée en début de morceau. Ces explosions sonores sont un peu systématiques, mais apportent une vraie touche de modernité à la musique lo-fi de leurs idoles, à l'image de groupes récents comme Best Coast ou Wavves (Let's All Let Go), sans toutefois en partager l'insouciance ni le côté ouvertement branleur. La fin d'album est plus difficile à négocier, et le groupe tire un peu la langue, comme épuisé par ses aller-retour soniques incessants. Ainsi en est YCF, pourtant morceau-titre du disque, dont la récitation plaintive à la guitare acoustique ne convainc pas. Il en va de même de War Cry, le final de l'album, dont l'absence de mélodie et le refrain gonflé aux amphets sont proches de l'auto caricature. Saluons toutefois la basse et la batterie, exemplaires sur ce dernier titre, et qui l'emmènent tranquillement sur des rivages prog-rock planants plus assumés. L'ombre de Mogwai, encore. L'Écosse, toujours. En comparaison avec le reste du disque, ce long morceau (plus de onze minutes), aussi impressionnant soit-il, tourne un peu à la démonstration de force, belle mais vaine, comme un défilé militaire.

C'est donc un pari à moitié gagné pour PAWS. Le travail sur les dynamiques et l'expérimentation sonore apportent une réelle évolution par rapport à leur premier opus. En revanche, l'énergie et l'urgence de la jeunesse que Philipp Taylor dit vouloir garder infiniment et insuffler dans ce disque n'est pas toujours perceptible. Globalement, la recette fonctionne malgré tout plutôt bien, en dépit des quelques faiblesses de Youth Culture Forever, qui montrent les limites de cet exercice de style auto-imposé. Et avec tout ça, on boit quoi ? Je vous recommande un Aberlour 12 ans. C'est Écossais, et c'est bon. C'est facile d'accès mais néanmoins sophistiqué. Ça ne vous bouleversera pas, et à la longue, c'est un peu fade. Mais au coin du feu, entre amis, ça vous fera passer une bonne soirée. Exactement comme cet album.
tracklisting
    01. Erreur Humaine
  • 02. Tongues
  • 03. Someone New
  • 04. Owls Talons Clenching My Heart
  • 05. Give Up
  • 06. Alone
  • 07. An Honest Romance
  • 08. Narcissist
  • 09. Let's All Let Go
  • 10. Great Bear
  • 11. YCF
  • 12. War Cry
titres conseillés
    Erreur Humaine - Give Up - Let's All Let Go
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