PAWS

Voici le retour du trio écossais de noise pop PAWS, avec un troisième album intitulé No Grace. Deux ans après leur brillant Youth Culture Forever, nous avons le droit à un bon virage dans la direction artistique de leur déluge électrique ; c'est en effet à Marc Hoppus, bassiste et chanteur de Blink 182, qu'ils en ont confié la production. Est-ce ce dernier qui a orienté le format et la couleur des chansons, ou est-ce le groupe qui a senti que c'était lui qui pourrait le mieux sublimer leur volontés pour cet album ? Probablement un mélange des deux, en tout cas il est temps d'oublier le côté pop de PAWS qui, même sous les trombes infernales de guitares électriques, était quand même toujours présent.

L'album est d'une frénésie encore supérieure aux deux précédents, son tempo endiablé ne s'enraye jamais. Les mélodies joyeuses et les paroles détachées, au ton adolescent qui rappellera inévitablement les jeunes années de leur nouveau mentor, plantent sans délai le décor de leur nouvelle salve. Une distorsion sale, une batterie puissante, des lignes de basses métalliques qui jaillissent du mixage : voilà la recette de laquelle ils ne dévieront jamais pendant la toute petite demi-heure que dure No Grace. Philipp Taylor s'arrache les cordes vocales et a à peine le temps de reprendre sa respiration entre deux séquences de cris. Une urgence généralisée traduite dans leur citation devenue adage « quand les choses tournent mal, soit on buzze soit on rentre à la maison ». C'est pourtant bien entre l'Écosse et l'Angleterre que l'album a été enregistré, alors que leur musique n'a jamais été autant californienne et estivale.

Pas de méprise cependant, on est très loin d'une normalisation qui rendrait leur univers plus apte à être commercialisé. Il faut juste oublier les pauses qu'ils avaient offertes au sein de leurs deux précédents opus, qui étaient beaucoup plus aérés et savaient équilibrer les moments de rage et ceux de répit. Voyez plutôt No Grace, la chanson, comme un témoin représentatif de l'énergie de toutes celles qui suivent. Ce disque est un bloc totalement homogène qui ne peut pas s'écouter par parties, et sa courte durée ne fait qu'appeler une appréciation entière, d'un seul trait, comme du temps des CDs. Même lorsque la cadence baisse légèrement (N/A, Asthmatic), les gros sabots de Hoppus écrasent tout espoir de quiétude avec une saturation auditive toute aussi complète que dans les passages les plus vifs. Salt Lake, une piste instrumentale étonnante, pourrait être décrite comme du Joy Division passé à la moulinette du hardcore. Complete Contempt, comme un tube de Blink 182 qui serait entré en collision avec Sonic Youth...

On serait en fait tenté d'envisager le disque comme un essai de synthèse entre punks américain et britanniques, tant les aspects mélodiques de l'un et la charcuterie sonore de l'autre sont entremêlés. On pourrait aussi y voir une synthèse entre punk et rock alternatif, car finalement PAWS n'a pas l'air d'avoir envie de choisir...

Voilà en fin de compte une évolution discographique incongrue : avec la mode des « albums de la maturité » et des « univers plus étoffés et profonds », c'est ici la démarche absolument inverse que le trio adopte. Tous les éléments susceptibles de traduire un assagissement et une normalisation ont été passés à la trappe, offrant une décharge d'énergie pure. Pour peser les contres, on pourrait objecter qu'accoucher de vingt-six minutes de musique au bout de deux ans, c'est peu, ou alors aussi qu'on aurait apprécié une autre forme de non-conventionalité : celle qui a rendu possible les douze minutes de folie de War Cry, la clôture de leur précédent album... Mais ce serait franchement chercher la petite bête.