Peace

C'est avant tout l'excitation qui m'étreint, et qui vous étreindra, vous aussi, au moment de lancer le nouveau disque de Peace. In Love, leur précédent album sorti en 2013, était un pur bijou pop, frais comme un mojito par un soir d'été, naïf comme un amour adolescent naissant, et surtout arrogant comme la jeunesse. À cette époque, Birmingham était le centre du monde, et Peace l'un des plus sérieux prétendants pour en être les souverains. À défaut de révolutionner le genre ou d'être des génies créatifs, Harry Koisser et ses joyeux drilles ont délivré à nos oreilles pantoises un vertige rock'n roll follement jouissif, à l'image de ce titre prodigieux, évident, luminescent qu'était Lovesick. Si jamais l'envie irrépressible de hurler, danser, chanter, faire l'amour ou quoi que ce soit d'un peu joyeux ne vous a prise à l'écoute de son refrain, alors vous pouvez arrêter de lire. Maintenant.

Si vous êtes encore là, c'est que vous avez, vous aussi, le désir impérieux de vous laisser embarquer pour un nouveau tour de manège. Vous ne serez pas déçu. Les premières secondes de O You annoncent d'emblée la couleur. Ce son de boîte à musique cassée, ce motif de synthé tout droit sorti des mystères de Pékin, ces guitares flottantes, cette nonchalance, ce joyeux brouillard vaguement psychédélique, ce refrain transpirant l'évidence à chaque accord... Peace est de retour, et le talent de songwriting de ce groupe est tout bonnement stupéfiant. La difficulté, bien sûr, c'est de commencer par le meilleur morceau. En l'occurrence, Peace balancent leurs trois tubes sur les trois premières plages. Pan. La suite ne peut logiquement que décevoir en comparaison. Pourtant, le plaisir que procure Happy People tout au long de ses dix titres est bien réel. Tout n'est pas incroyable, ça non, mais dans chaque morceau l'on se pâme devant l'efficacité facile ici d'un refrain, là d'une ligne de basse, là-bas d'une fulgurance d'écriture ou d'un éclair de guitare.

Alors bien sûr, les rabat-joie/mélomanes avertis (rayez la mention inutile, attention, il y a un piège) trouveront sûrement à redire à ce disque. C'est clair, il ne changera pas votre vie. Et oui, c'est sûr, il est bourré d'influences très audibles. Les chiens ne font pas des chats : Oasis, Blur, Stone Roses, Primal Scream défilent les uns après les autres, au fil des morceaux. La réverbération lancinante et les jams acides font aussi écho au renouveau du psychédélisme en Angleterre, incarné notamment par Temples. Mais cela ne fait en rien de ce nouvel album un scandale, un plagiat ou n'importe quel autre terme désagréable qui pourrait sortir de l'esprit chagrin des pénibles puristes susmentionnés. Bien au contraire. Les quatre Brummies tirent parti de leur héritage pour broder un univers qui leur est propre. Un univers immédiatement familier, où l'on se sent incroyablement bien, où l'on a envie de se réfugier quant tout fout le camp, quant tout va mal, quand on est triste, où tout simplement quand on a envie d'écouter un très bon disque sans se prendre la tête. On ne peut pas écouter Kid A tous les jours (et heureusement), et c'est pour ça que Peace existe.

Cet album est tout de même un peu en dessous de In Love - voilà bien le problème de la jeunesse et de la spontanéité : ça ne dure pas. Comme dans une relation amoureuse, les sentiments évoluent. D'amant transi, fougueux, on passe à un stade plus apaisé –mais tout aussi intense. C'est sans doute cela qu'on appelle bonheur. Pour la suite, Harry et ses joyeux amis devront trouver autre chose. Nous épouser, nous faire un enfant... S'engager pour de bon, trouver un truc pour vraiment nous retenir. Mais pour l'instant, ils sont encore jeunes, ils viennent de sortir leur deuxième album, et ils sont heureux. Happy People. Ne soyez pas chafouins, et rejoignez la bande.