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Gallows

Desolation Sounds

Gallows - Desolation Sounds
Chronique Album
Date de sortie : 13.04.2015
Label : Venn Records
25
Rédigé par Hugues Saby, le 6 avril 2015
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Il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis. Ça a toujours été mon avis. Lorsque j'ai écouté Desolation Sounds pour la première fois, je me suis dit que ce que j'entendais –un hardcore lourd, puissant, avec un certain sens de l'efficacité mais aussi de la mélodie-, je l'avais déjà entendu mille fois. Avec ce que cela suppose de poncifs vus et revus : une voix rauque poussée dans ses retranchements, des murs de guitare disto, une batterie percutante et technique envoyant des rafales de double pédale, des refrains tonitruants, tantôt maladroits, tantôt terriblement prenants, des titres de morceaux à l'imaginaire fleuri –la mort, la pourriture, les chaînes, le cuir, la désolation-. Rien de neuf sous le soleil donc, en tout cas rien qu'un bon disque de Deftones ou de Napalm Death ne puisse faire oublier.
Parce que contrairement à ces groupes et à tant d'autres qui gravitent dans la galaxie métal/hardcore/grindcore (complétez selon votre genre préféré), Gallows ne s'illustrent pas particulièrement ici par une folle originalité. Et, franchement, pour tous ceux qui, comme moi, n'ont jamais ressenti un réel besoin d'aller se jeter dans un Braveheart au Hellfest de Clisson, qu'est-ce qui ressemble plus à un groupe de métal qu'un autre groupe de métal ? Alors voilà, je me suis dit que ce nouvel album de Gallows n'avait pas grand chose à nous apprendre. Et puis j'ai changé d'avis.

Parce qu'au fil des écoutes, eh bien on se laisse prendre, tout simplement. Certaines lignes de guitare se font plus recherchées, presque mélodieuses, matinées parfois d'un effet chorus bienvenu, ou d'une alternance quiet/loud, qui génèrent une tension, un intérêt. La voix, quand elle sait se réguler dans le domaine de l'écoutable, devient mystique, et génère une atmosphère singulière, inquiétante. La batterie se fait plus intelligente, et soutient l'ensemble pour nous porter au cœur du maelstrom. Plus le groupe est proche des rivages pop – j'emploie ce mot avec moult précautions, car Desolation Sounds n'est en rien un disque pop- plus sa musique est qualitative. La nuance, la musicalité viennent souligner une démarche artistique qui ne se limite pas à la simple volonté de se défouler en braillant dans un microphone, ce qui est –je suis désolé, mais c'est vrai- l'apanage d'un grand nombre de groupes du genre. N'en déplaise à Stuart Hall, le medium n'est pas toujours le message.
Il faut parfois avoir quelque chose à dire, ne serait-ce que musicalement parlant. Et en l'occurrence, il y a des titres où il se passe réellement, sincèrement quelque chose sur cet album. C'est le cas notamment sur Bonfire Season, le meilleur du disque, avec son riff de guitare tellurique, ou sur Desolation Sounds et son refrain droit sorti des enfers qui évoque Motörhead, ou bien encore sur Death Valley Blue et son alternance très maligne entre répétition à l'excès d'une ligne de texte et refrain hypnotique aux guitares déchirées. Alors voilà, je me suis dit que malgré mes réserves, il s'agissait d'un bon disque, après tout. Et puis j'ai changé d'avis.

Parce qu'à la longue, les oreilles fatiguent, et on se lasse. Eh oui, dans un genre aussi marqué, il faut avoir un réel talent pour ne pas sombrer dans le conformisme bruitiste. Et si Gallows parviennent parfois à s'en extraire avec une certaine habileté, ils retombent très vite dans les travers inhérents à leur style. Et n'hésitent pas à se ruer dans des clichés désagréables, comme sur Leviathan Rot, ridiculement inécoutable, ou pire, sur Chains, dont le featuring d'une voix féminine fantomatique et les refrains lyriques à base de « oooh oooh » rappelle un douloureux souvenir qu'on croyait à tort définitivement enfoui : Evanescence. De même, Cease To Exist, qui commençait pourtant bien avec sa voix anxiolytique et ses guitares à bout de souffle, symbolise l'absurdité du groupe quand il se vautre dans une esthétique romantique supposée : la répétition d'un texte crescendo jusqu'à la nausée est tout simplement abominable. « If i told you this was killing me, would you stop ? » s'époumone Wade McNeil. Malgré mes multiples supplications, il n' jamais voulu s'arrêter.

Bref, il y a de bons morceaux, et de mauvais morceaux, ce qui fait de Desolation Sounds un album dans la moyenne, finalement plutôt équilibré, et surtout sur lequel on a parfaitement le droit d'avoir plein d'avis. Néanmoins, le départ des frères Carter, et particulièrement celui de Frank, se fait cruellement sentir sur ce quatrième opus d'un groupe jadis original et talentueux, mais dont la personnalité s'est barrée avec son rouquin de leader qui aura depuis distillé son talent de songwriter plus pop avec pas mal de réussite au sein de du groupe Pure Love avant de fonder Frank Carter & The Rattlesnakes. Ne laissant plus à Gallows que leurs yeux pour pleurer sur ces sons de désolation.
tracklisting
    01. Mystic Death
  • 02. Desolation Sounds
  • 03. Leviathan Rot
  • 04. Chains
  • 05. Bonfire Season
  • 06. Leather Crown
  • 07. 93/93
  • 08. Death Valley Blue
  • 09. Cease To Exist
  • 10. Swan Song
titres conseillés
    Desolation Sounds , Bonfire Season , Death Valley Blue
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