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Tom McRae

Did I Sleep And Miss The Border?

Tom McRae - Did I Sleep And Miss The Border?
Chronique Album
Date de sortie : 11.05.2015
Label : Buzzard Tree/Sony
25
Rédigé par Hugues Saby, le 3 juillet 2015
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Longtemps, j'ai été un grand fan de Tom McRae. C'était l'époque où je me couchais de bonne heure, et accessoirement, où cet Anglais discret mais brillant avait sorti deux premiers albums terrifiants de beauté. Une beauté sombre, glaciale et difficile d'accès. Car non, tout le monde n'aime pas Tom McRae, et c'est bien normal. Déceler la délicatesse dans sa voix, écorchée et grinçante n'est pas chose facile. Apprécier la poésie et la subtilité de sa musique, sorte d'exutoire burlesque et désespérant aux états d'âme du chanteur, n'est pas une mince affaire. Pourtant, à cheval sur la très mince frontière qui séparait son art si honnête et si singulier de la vulgarité musicale et vocale, il a débuté sa carrière en taillant à la seule force de son chant abrasif, de son écriture imagée et de sa guitare plaintive deux noirs joyaux folk/pop : Tom McRae en 2000 et Just Like Blood en 2003. De la musique pour geignards diront certains. C'est vrai que pour mettre l'ambiance en soirée ou en festival, il y a mieux. En revanche, si vous êtes d'une sensibilité et d'un romantisme exacerbés, alors vous pleurerez devant la finesse et la qualité de ces deux merveilles de songwriting. Personne n'a mieux que lui écrit de chansons sur ces moments supérieurs de vie que sont la solitude, le désespoir ou l'amour quand ils sont absolus ou paroxystiques. Mais ça, c'était avant.

Depuis, Tom McRae a sorti en moyenne un disque tous les deux ans, ponctuant ses albums de tournées plutôt réussies, dont celle du « Hotel Café Tour » en 2004, où il prit goût à s'entourer de nombreux musiciens anglais et américains, et développa un jeu de scène enlevé et épatant, bien loin de la mélancolie amère de ses premières compositions. Jamais pourtant les quatre albums qui suivirent ne furent les égaux de leurs indépassables prédécesseurs. C'est la vie. Did I Sleep And Miss The Border? est le septième album —au nom très pénible— de Tom, accompagné cette fois-ci du Standing Band, un autre collectif de musiciens anglo-saxons. Et le moins que l'on puisse dire, c'est que la mince frontière évoquée plus haut, il l'a allégrement franchie. Sa voix jadis asphyxiée par les sentiments qu'il exprimait est devenue au mieux banale, au pire extrêmement désagréable, sa géniale capacité à user de l'infinie palettes de nuances qu'elle lui offrait semblant s'être volatilisée. L'autre grande absente de ce disque, c'est la subtilité. Sur les morceaux les plus rythmés, McRae en fait des caisses, miaule, rugit, mais comme pour de faux, en se forçant. Et comme si cela ne suffisait pas, il fait appel à des chœurs, des roulements de batterie ou des montées de cordes dignes d'un vulgaire débutant. High Life, The Dogs Never Sleep, We Are The Mark et Hoping Against Hope sont ainsi parfaitement inécoutables plus de deux fois. Il en va de même sur les titres les plus down, où la voix de McRae qui savait mieux que quiconque faire surgir des frissons des tréfonds de notre âme ne génère plus qu'agacement et frustration. Comme si elle avait été vidée de su substance, et ne trouvait plus sa légitimité que dans des pianos ou orgues du plus mauvais effet pour la soutenir. Le plus énervant dans tout cela, c'est finalement le manque de finesse, comme si d'énormes panneaux lumineux s'affichaient à l'écoute du disque, indiquant « CECI EST UN MOMENT LYRIQUE » ou « ATTENTION, VOILÀ UN MORCEAU TRISTE ».

Le pire, c'est que l'univers si particulier de Tom McRae, ce qui faisait sa force en tant qu'auteur/compositeur/interprète, est toujours là, en arrière plan. Ces orchestrations bordéliques façon cabaret de l'étrange, ces breloques cliquetantes, ces arrangements western spaghetti dignes de Kris Kristofferson, on en retrouve la trace au début de The High Life et de What A Way To Win A War. Ces douces caresses de guitares folk et ces pianos aériens, empreints de tristesse jusqu'à l'étouffement, on les effleure sur Let Me Grow Old With You ou Out Of A Clear Blue Sky. Mais globalement, la magie n'opère plus. On ne peut pas reprocher grand chose à Tom McRae, surtout pas sa sincérité, qui semble toujours intacte, à vif. Et malgré tout ce qui précède, on est loin d'un album inepte, commercial ou bâclé. Mais parfois, le talent s'échappe. C'est comme ça.

Vous vous rappelez de cette conversation entre Sick Boy et Rent Boy dans Trainspotting ? « At one time you've got it, and then you lose it, and it's gone forever » (accent écossais vendu séparément). C'est la vie. Et si ça vous rend triste, écoutez donc Mermaid Blues ou Walking To Hawaï de Tom McRae, ces chansons sont faites pour ça.
tracklisting
    01. The High Life
  • 02. The Dogs Never Sleep
  • 03. Christmas Eve, 1943
  • 04. Expecting the Rain
  • 05. Let Me Grow Old with You
  • 06. We Are The Mark
  • 07. My Desert Bride
  • 08. Lover, Still You
  • 09. Hoping Against Hope
  • 10. Out Of A Clear Blue Blue Sky
  • 11. What A Way To Win A War
  • 12. Hey Tim, Hey Arnie
titres conseillés
    Let Me Grow Old With You, Out Of A Clear Blue Sky
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