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Darkstar

Foam Island

Darkstar - Foam Island
Chronique Album
Date de sortie : 02.10.2015
Label : Warp Records
5
Rédigé par Yassine, le 30 octobre 2015
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Formé par James Young et Aiden Whalley à Londres en 2007, le duo anglais Darkstar est devenu, huit ans après ses débuts, une des étoiles montantes de la scène musicale électronique britannique. Après avoir exploré différentes contrées sonores menant à la rave, la transe ainsi qu'au dubstep lors de leur deux précédents albums, North (2010) et News From Nowhere (2013), le groupe a signé son retour le 2 octobre dernier, avec un troisième opus, intitulé Foam Island, produit et distribué via le label indépendant Warp Records.

Un album se voulant foncièrement original et ambitieux : le groupe a en effet opté pour une démarche radicalement différente de ses expériences passées. Comme l'explique James Young dans une récente interview, le titre de l'album part d'une volonté de constituer un « dossier typiquement britannique » : pour cela, l'idée leur est venue de faire référence à une île, en plus de toutes les divisions présentes en son sein. Il est notamment question des « différences entre Londres et le reste du pays » et, ajoute-t-il, « je pense que nous avons pensé à chaque bulle du pays et ce qui était spécifique à cette bulle ».

Si l'on retrouve un souci du détail et une voix apaisante, le projet tout entier est orienté dans la quête d'une fusion entre une texture électro pop toujours plus mélodieuse et le récit d'une fresque sociale ancrée dans une réalité : celle du West Yorkshire (le Nord Est de l'Angleterre) et plus particulièrement de Huddersfield, leur ville natale, où le duo a plongé dix-huit mois durant, lors du processus de création, aux côtés des habitants : « nous sentions qu'il y avait plus à dire, nous avons pensé que nous n'avions qu'effleurer la surface. Donc, nous avons rencontré un groupe de personnes provenant de divers milieux et nous voulions explorer leur vie, vraiment ». Il en ressort un portrait contrasté, parfois vorace, de « la vie des jeunes qui sortent de l’adolescence et entrent dans leur vingtaine en 2015 ». Darkstar se fait ainsi le porte-voix d'une nouvelle génération amère, voire désabusée. Pour donner plus d'impact à son travail, le groupe a incorporé, dans son album, plusieurs témoignages directs d'une jeunesse anglaise frappée de plein fouet par la crise et l'austérité, en ce début de XXIème siècle. Une fracture sociale déjà présente depuis la fin de la Première Guerre Mondiale, entre d'un côté une pauvreté prégnante dans le Nord du pays et de l'autre, le Sud considéré généralement comme plus prospère, d'autant plus avec l'effritement du bassin industriel et minier du Nord depuis les années 1980. S'il n'est pas nouveau, le duo rappelle à sa manière que, depuis, le fossé n'a eu de cesse de se creuser. En silence.

Et si le constat est sévère, le projet ne demeure pas moins marqué par une note optimiste : « Il aurait été facile de faire un portrait cliché du Nord. Mais nous voulions vraiment afficher le sentiment de fierté dans la communauté et en quelque sorte le traduire sur quelques-unes des pistes. Il y avait beaucoup de réécriture, de ré-enregistrement. Nous avons dû beaucoup retourner en studio, jusqu'à ce que nous nous sentions à l'aise avec l'humeur et la narration » a confié le duo dans une autre interview.

Un caractère perfectionniste qui s'avère bel et bien payant : le groupe semble avoir enfin atteint une maturité créatrice, avec un album très harmonieux, débordant de sensibilité et de vitalité, où chaque battement sonore évoque celui d'un cœur humain. Les secousses mélodiques épousent les angoisses liées à l'isolement social ou au manque de perspective d'avenir. Les douzes morceaux, soigneusement ficelés, oscille une ambiance pop mélodique (Stoke The Fire, Go Natural, Days Burns Blue) des pulsions R'n'B (Inherent In The Fibre, Pin Secure), de l’electronica (Tilly’s Theme) sans oublier du dubstep (Need You, Through The Motions). Une place importante a également été accordée au chant et aux extraits d'interviews donnant la parole à cette jeunesse du nord de l'Angleterre, souvent absente des médias traditionnels.

Foam Island est donc un petit chef-d’œuvre symphonique, qui prouve qu'il est encore possible de lever le poing, y compris sur le dancefloor. L'album n'est ni plus ni moins qu'un hymne vibrant, appelant la nouvelle génération à prendre son destin en main.
tracklisting
    01. Basic Things
  • 02. Inherent in the Fibre
  • 03. Stoke the Fire
  • 04. Cuts
  • 05. Go Natural
  • 06. A Different Kind of Struggle
  • 07. Pin Secure
  • 08. Through the Motions
  • 09. Tilly's Theme
  • 10. Foam Island
  • 11. Javan's Call
  • 12. Days Burn Blue
titres conseillés
    Pin Secure – Stoke The Fire – Through The Motions
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