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Goat Girl

Goat Girl

Goat Girl - Goat Girl
Chronique Album
Date de sortie : 06.04.2018
Label : Rough Trade Records
5
Rédigé par Johan, le 16 avril 2018
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Beaucoup de détails divulgués ces vingt derniers mois – depuis la découverte de Goat Girl – allaient faire de ce debut album soit la révélation rock des mois/années à venir, soit l’aboutissement d’une hype insipide et déceptive comme l’on peut en remarquer bien souvent. Constat ? L'un ou l'autre selon sa génération, son identité, son point de vue.


Avant même d'avoir entendu quoi que ce soit d'elles, que ce soit sur le web, dans les magazines ou par ses amis bien informés, les quatre londoniennes de Goat Girl avaient déjà signé sur le mythique label Rough Trade Records. Ce ne fut donc que quelques semaines avant la parution de leur premier single que l'on eut vent de ces quatre anglaises de dix-neuf ans.
Pas de démos, pas de présence en ligne, pas d'informations hormis des pseudonymes qui laissaient perplexe : un mystère qui, à notre époque, insuffle un vent de fraîcheur et suscite l’intérêt chez l’auditeur qui va alors chercher à en savoir plus sur un groupe visiblement censé venu redéfinir le rock actuel, affirmant une philosophie punk malgré une signature sur un des plus gros labels de musique « indé ».


Les quatre musiciennes ont ainsi su faire fortement parler d'elles en septembre 2016 avec la parution de leur premier double single Country Sleaze/Scum, deux pépites de punk rock enivrantes portées par une voix éraillée et atonique féminine comme l'on n'en entend que trop peu de nos jours.
Alors que l'on aurait pu s'attendre à un énième groupe de rock – certes extrêmement talentueux surtout pour une moyenne d'âge aussi basse, Goat Girl n'est finalement pas là pour se contenter d'une seule case dans laquelle se faufiler pour y dresser son cocon.
Les quatre jeunes anglaises s'inspirent de leurs aînés et des multiples courants rock qui auront parcouru ce siècle dernier, entre psych rock effervescent (Burn The Stake, Slowly Reclines, le déjà culte Viper Fish, le Distillers-esque Little Liar), post-punk effréné (les singles Cracker Drool et The Man, l’aliénant The Man With No Heart Or Brain, l’étonnant Creep porté par un violon et une batterie excités) et folk désabusé (Lay Down, Tomorrow, le mélancolique Throw Me A Bone).


La volonté de Goat Girl d'aller de l'avant ne se retranscrit pas seulement dans leurs titres mais aussi dans leur discographie même : toutes quatre ne regardent pas derrière elles, elles font fi du passé pour se concentrer sur le présent et se renouveler, offrir quelque chose d'autre et ne pas se contenter de répéter ce qu'elles ont conçu, aussi réussies les compositions passées soient-elles.
Ainsi, aucun signe du second single Crow Cries, nul vent des B-sides de Cracker Drool et The Man, pas même le moindre signe du saisissant Scum : ce disque de Goat Girl a été pensé de telle manière et pas d'une autre et, en tant qu'auditeur, on ne peut que respecter ce choix quand la plupart des premiers albums – qui sont bien loin d'aller jusqu'à dix-neuf compositions ! – comprennent les six singles sortis les deux années précédentes.
La formation londonienne va même ici jusqu’à oser, quitte à décevoir, un réenregistrement de Country Sleaze qui, amputé de sa ligne de basse obsédante, n’a pas l’aura de l’original mais gagne en fougue et impulsivité. La basse est quoi qu’il en soit omniprésente dans Goat Girl, se permettant de proposer les intros les plus jubilatoire du disque, que ce soit sur Creep comme sur les fascinants Throw Me a Bone et Little Liar.


Entre expérimentations sonores et brûlots rock, interludes instrumentales désenchantées et solos de guitare incendiaires, Goat Girl s'affirme comme étant le disque punk d'une époque où la surprise, la découverte, l’innovation se font rares. Même s'il est toujours difficile d'y faire face, il est fort probable que l'on ne retrouvera plus aucune étape forte de l'histoire du rock, de ses débuts bouillonnants au « renouveau » miraculeux du rock au début des années 2000, en passant par le climat hypnotique du rock psychédélique ou encore la ferveur débridée du punk et du grunge.
Sans pour autant faire office d'étape majeure, Goat Girl nous expose au moins à la sensation d'un désir de déconstruire tout ce que l'on a pu ingurgiter ces décennies passées en proposant un pot-pourri certes pas parfait, mais d'un je-m’en-foutisme irrévérencieux et d’une désinvolture folle, autant dans les arrangements que le chant et les paroles, mais aussi d'une ambition et d’une maîtrise que peu de debut albums peuvent se vanter de posséder, ravivant l'énergie et la spontanéité naïve de The Libertines.
Et, surtout, Goat Girl délivrent une œuvre entière, viscérale et cohérente; un objet qui apparaît en 2018 à contre-courant quand même les mélomanes les plus endurcis se laissent maintenant entraîner dans l'écoute, si ce n'est passive, au moins ponctuelle, grappillant de-ci de-là quelques chansons pop entre deux albums légitimes, ou se concoctant moult playlists qui, même si elles ne comprendront que les jazzmen les plus obscurs de mai 1932 à janvier 1934, trahiront la volonté première des artistes qui est d'approcher leurs œuvres complètes de A à Z.


En tant que groupe, Goat Girl n'est qu'ambiguïté et contrastes, arborant une posture punk - musicalement et de manière intergénérationnelle - à une époque où le terme « indé » n'a plus aucun sens, où l'on écoute autant sa musique sur youtube que sur CD ou vinyle, où les nombreuses formations féminines actuelles s’avèrent généralement bien plus passionnantes.
Goat Girl est un disque cohérent en tant que tel, unique et personnel, atemporel dans la vision et la forme conceptuelle qu'il affiche, insolent pour notre époque et donc tout à fait essentiel. Il est un incontournable à l'ère d'internet, nous posant plein de questions existentielles alors que dans les faits, formellement, Goat Girl n'est qu'une œuvre musicale frénétique, complète et indéfinissable. Une étape que tout mélomane, endurci comme néophyte, autant vieux de la vieille dans la sphère rock qu'amateur de tout autre style musical, se doit d'aborder.
tracklisting
    01. Salty Sounds (interlude)
  • 02. Burn the Stake
  • 03. Creep
  • 04. Viper Fish
  • 05. A Swamp Dog's Tale (Interlude)
  • 06. Cracker Drool
  • 07. Slowly Reclines
  • 08. The Man with No Heart or Brain
  • 09. Moonlit Monkey (Interlude)
  • 10. The Man
  • 11. Lay Down
  • 12. I Don't Care Pt. 1
  • 13. Hank's Theme (Interlude)
  • 14. I Don't Care Pt. 2
  • 15. Throw Me a Bone
  • 16. Dance of Dirty Leftovers (interlude)
  • 17. Little Liar
  • 18. Country Sleaze
  • 19. Tomorrow
titres conseillés
    Viper Fish - Throw Me A Bone - The Man with No Heart or Brain - Country Sleaze - Little Liar - Lay Down - Creep - I Don’t Care Pt. 2 - The Man - Burn The Stake - Slowly Reclines - I Don't Care Pt. 1 - Cracker Drool - Tomorrow
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