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IDLES

Ultra Mono

IDLES - Ultra Mono
Chronique Album
Date de sortie : 25.09.2020
Label : Partisan Records
45
Rédigé par Bertrand Corbaton, le 17 septembre 2020
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Qu'il peut-être pénible de sortir un troisième album quand vous êtes portés par une hype depuis plusieurs années. Dans le cas d'IDLES, l'engouement ne cesse de grandir depuis leurs débuts, mais surtout depuis la sortie de Brutalism en 2017. Ce premier LP aux tendances post-punk a créé une réelle déflagration et poussé les cinq de Bristol sous le feu des projecteurs.

Dorénavant, les nouvelles sorties et les prestations scéniques du groupe sont attendues avec impatience. La contrepartie inhérente à cette attente se matérialise par des critiques un peu rapides, parfois infondées, et souvent dénuées de tout argumentaire. Peut-être certains auraient préféré voir le groupe rester confidentiel tant ces avis sont concomitants avec le succès.
Mais IDLES sont devenus une valeur sûre et reconnue, fers de lance d'un mouvement qui voit émerger des groupes pour la plupart terriblement intéressants depuis plusieurs années (Fontaines D.C., Shame, Viagra Boys, Girl Band...). Ces formations ne peuvent en revanche plus compter sur l'effet de surprise mais l'intransigeance des fans, elle, ne faiblit pas.

D'aucuns voudraient un Brutalism bis, et on entend déjà poindre les esprits chagrins nous expliquer que IDLES, c'était quand même mieux avant, ou que ça ne sera jamais aussi bien que The Fall. Ajoutez à ça les déclarations de Jason Williamson de Sleaford Mods, qui accuse le groupe de vouloir s'approprier la voix de la classe ouvrière dans une ambiance cour de récré de celui qui a la plus grosse ou de qui sera le plus légitime. On préférera les moqueries des Fat White Family qui ironisent sur l'association du groupe avec une brasserie pour sortir une « bière signée IDLES ».
Tout cela s'apparente à la rançon de la gloire, et les anglais vont devoir composer avec elle. On en oublierait presque l'essentiel. Car le groupe est un fabuleux rouleau compresseur quand il s'agit de se produire en live et qu'il fait preuve d'exigence quand il faut se renouveler ou proposer de nouvelles compositions. Ainsi, Joy As An Act Of Resistance (2018) consacrait le groupe comme chef de file de toute la palanquée de groupes UK post-punk du moment. L'album live (A Beautiful Thing : IDLES Live At Le Bataclan) sorti l'an dernier pour immortaliser la soirée du set parisien permettait de nous rappeler à quel point IDLES est une machine de guerre sur scène. Il sonnait aussi comme la fin d'un chapitre pour eux.
Brutalism évoquait la rage liée au deuil, sur Joy As An Act Of Resistance Joe Talbot parlait de dérives sociétales comme le masculinisme. Le nouvel album, Ultra Mono, sera la traduction d'un nouveau départ, d'une reconstruction en forme de catharsis.

Pas d'inquiétudes pourtant, IDLES n'ont pas changé au point de renier leurs principes et les furieux War, Model Village ou Mr. Motivator nous rappellent au bon souvenir d'un son post-punk bestial. C'est sauvage, urgent, tendu, et jouissif. Ces titres sont une énorme claque dans la tronche et les refrains sont de nouvelles tempêtes qui vous emportent, avec une mention toute particulière pour Model Village. Ça cogne vraiment et on retrouve encore l'humour noir et l'ironie chers à Joe Talbot.
Kill Them With Kindness et son riff primaire et lourd. Ces tentatives d'expérimentations sont surtout évidentes sur deux morceaux. Ainsi, sur A Hymn, le groupe nous présente une pièce lente et grave. La palette sonore est bien celle d'IDLES mais l'ambiance est étonnamment pesante, jusqu'à nous évoquer la gravité de certains titres des EPs Meat et Welcome, que le groupe semblait pourtant renier au profit de productions plus directes et moins cérébrales. Grounds est le titre le plus iconoclaste de l'album. Simple et expérimental, il est rythmé par un son électronique répétitif et entêtant qui charpente le tout. On s'étonne de la présence de cette piste, et de sa place au début de l'album entre deux titres rageurs.

On retrouve vaguement cette structure un peu robotique sur le très bon Reigns, qui fait figure de bon amalgame entre les expérimentations de ce nouvel album et la touche IDLES que l'on connaît. Ainsi, comme sur Carcinogenic, le groupe s'essaye à des nouvelles approches, avec des intros parfois surprenantes, ou des sons peu habituels jusqu'alors.
Sur l'excellent The Lover, c'est plus l'ensemble structurel du morceau qui surprend. Le titre s'annonce au début plus aérien qu'un morceau post punk. C'est pourtant un leurre, car le refrain vous saute au visage et vous remue salement.

Malgré ces légères digressions, l'essence reste un post-punk nourrit par la rage et l'urgence. Cette volonté d'essayer, de ne pas reproduire à l'identique ce qui a été fait, de sortir des cases, explique certainement pourquoi Joe Talbot s'égosille à répéter que IDLES n'est pas un groupe punk. Le quintet ne veut pas être enfermé, et veut se laisser de l'espace. Avec Ultra Mono, ils prennent cet espace sans perdre leur identité, il suffit d'écouter Ne Touche Pas Moi avec Jehnny Beth en featuring pour s'en convaincre.

Voilà comment IDLES répondent à ceux qui palabrent sur des sujets au final sans aucun intérêt. Par un troisième LP marqué par une matière franche, énervée et rageuse. IDLES gardent leur identité, et s'arrogent le droit de tenter de nouvelles choses, sans s'inquiéter de ce qui pourra être dit. Ultra Mono prouve que l'inspiration ne baisse pas, et qu'il faudra encore compter sur le groupe pendant quelque temps avant qu'on puisse dire que c'était mieux avant.
tracklisting
    01. WAR
  • 02. GROUNDS
  • 03. Mr. MOTIVATOR
  • 04. ANXIETY
  • 05. KILL THEM WITH KINDNESS
  • 06. MODEL VILLAGE
  • 07. NE TOUCHE PAS MOI
  • 08. CARCINOGENIC
  • 09. REIGNS
  • 10. THE LOVER
  • 11. A HYMN
  • 12. DANKE
titres conseillés
    MODEL VILLAGE, WAR, REIGNS, MR. MOTIVATOR
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