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IDLES

Interview publiée par Jordan Meynard le 6 septembre 2022

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Seulement quelques mois après deux concerts à l'Elysée Montmartre de Paris, le groupe IDLES était attendu sur la Grande Scène de Rock en Seine, ce jeudi 25 août, pour présenter les titres de son nouvel album CRAWLER. A l'occasion d'une conférence de presse, nous avons discuté avec le leader de la formation galloise Joe Talbot et le guitariste Mark Bowen sous un soleil de plomb. Rencontre.

Comment s'est passé votre été ?

Mark : On est sur scène depuis de nombreux mois maintenant et Rock en Seine est un de nos derniers festivals avant de partir aux Etats-Unis. En fait, c'est notre trentième festival de l'été.
Joe : Je ne veux plus jamais faire de festival, je n'en peux plus ! (rires).

Quel effet cela vous fait de jouer ici, à Paris ?

Mark : C'est merveilleux de revenir ici en France. Paris est dans notre ligne de mire à chaque fois que l'on part en tournée ! On a joué à Rock en Seine en 2018 et ça fait plaisir d'être de retour. La France est en quelque sorte notre deuxième maison. On y a fait beaucoup de concerts et de tournées. Les capitales en général demandent beaucoup de travail, mais on a toujours trouvé Paris super fun. Ça fait du bien d'être de retour.

Est-ce qu'il y a une réelle différence de jouer dans un pays, plutôt qu'un autre ?

Joe : Les différences sont surtout culturelles, comme la nourriture par exemple. Elle est toujours incroyable quand on joue dans les festivals français et européens. Dans l'ensemble, on a la chance d'avoir un public qui est très enthousiaste. Ça, ça ne change pas ! Après, chaque public est particulier, mais je ne vais pas vous ennuyer avec les détails. Par exemple, le public espagnol est très... espagnol (rires). Ils sont très extravertis et démonstratifs en faisant plein de « jajajaja », alors que les Hollandais vont être plus « mhhhhh » [stoïque].

Est-ce que même en plein été, All I Want For Christmas est présente sur votre setlist de festival ?

Joe : Elle n'est jamais sur notre setlist, elle est toujours dans notre cœur. Vous verrez bien !

Pouvez-vous au moins nous dire si Jehnny Beth, présente aussi dans le line-up de Rock en Seine, vous rejoindra sur scène, comme il en est parfois coutume ?

Joe : Elle viendra sûrement nous voir après son propre concert, mais elle ne sera malheureusement pas sur scène avec nous.

C'est le premier été depuis la pandémie où tous les voyants sont au vert concernant les festivals d'été. De nombreux groupes peuvent enfin refouler la scène après que le COVID-19 leur a coupé l'herbe sous le pied. Comment avez-vous vécu cette période ?

Mark : Nous sommes des privilégiés en tant que groupe... Nous avons eu une super année 2019 avant l'arrivée de la pandémie, ce qui nous a donné une certaine sécurité. Nous savions que nous allions tenir pendant cette période difficile et nous savions que retrouverions petit à petit le chemin des festivals comme Rock en Seine. Nous avons continué à travailler à plein temps sur notre musique, alors que beaucoup de nos amis n'ont pas eu ce luxe et ont dû reprendre leurs boulots alimentaires. Il faut l'avouer, nous sommes conscients de la chance que nous avons, car tout le monde n'était pas dans le même cas.

Quand vous êtes sur scène, vous débordez d'énergie et semblez habités. Joe, peux-tu nous dire ce qu'il se passe dans ta tête quand tu te retrouves face au public ?

Joe : Je ressens de l'amour, mais je ne pense à rien de spécial pour être honnête. Je pense justement qu'il ne faut pas trop réfléchir quand on est sur scène. La musique, comme l'art dans son ensemble, est quelque chose qu'il faut ressentir et non pas intellectualiser. C'est un sentiment universel qui relie tous les êtres humains entre eux.

Joe, tu as déclaré avoir écrit les paroles de votre nouvel album CRAWLER pendant dans un moment où tu étais le plus serein dans ta vie. Peux-tu nous en parler ?

Joe : Je n'ai pas écrit sur le confort, le bien-être. C'est plutôt que le réconfort m'a permis de réaliser la chance que j'avais en tant que personne et musicien. J'ai écrit un album sur le rétablissement, la guérison et le salut, justement parce que j'ai eu l'opportunité de me poser et de prendre conscience de tout ça. Je pense que ce qui est inspirant est tout ce qu'il y a autour de moi. C'est facile d'avoir peur. D'avoir peur pour l'avenir, l'avenir de ma fille... Mais je pense que la génération qui arrive, en tout cas dans mon pays, est incroyable et inspirante. Je suis plein d'espoir. En ce qui concerne la musique, je pense que tout peut être inspirant et qu'il faut écrire sur ce quoi tu as envie d'écrire. Ce que l'on recherche en tant que groupe, c'est que les gens qui nous écoutent ressentent qu'ils font partie de « quelque chose », que quelque chose les lie et qu'ils ne se sentent pas tout seul.

Cet album est un message d'espoir et d'entraide dans une époque marquée par l'individualisme. Est-ce que le processus de guérison qui a marqué la genèse de cet album se perpétue pendant les concerts ?

Mark : Oui, le fait de donner des concerts devant un public peut faire partie du processus de guérison, il y a une sorte de catharsis. L'énergie que nous recevons chaque soir nous fait du bien. Nous savons que le public est là pour nous et ça nous fait du bien aussi. En revanche, partir en tournée, c'est l'exact opposé.
Joe : C'est un bon exercice dans le fait d'apprendre à guérir. Si nous aimons autant être en tournée, c'est parce que nous avons la chance de pouvoir jouer en live tous les soirs, mais être en tournée, c'est savoir aussi trouver l'équilibre, vivre tous les jours avec les mêmes personnes pendant plusieurs mois et survivre tout simplement, car ce sont des situations aussi intenses qu'étranges. C'est très mauvais pour ta santé physique et mentale, parce que nous ne nous arrêtons jamais de tourner, et en même temps, c'est la meilleure sensation au monde que d'être sur scène pendant 1h30.

Vous avez sorti le 3 août dernier le vidéo clip du titre Stockholm Syndrome. Il dépeint la monotonie d'avoir à travailler pour survivre et comment la machine finit par vous engloutir et vous dépouille de vos libertés. Peut-on faire faire un parallèle entre vos textes et les milliers de travailleurs actuellement en grève au Royaume-Uni ?

Joe : Le clip de Stockholm Syndrome a été réalisé par Lee (ndlr : Lee Kiernan, le second guitariste du groupe). Il faudrait que tu lui demandes à lui, parce que moi-même, je n'ai pas compris. Oui, il y a toujours un fond de contexte politique dans notre travail même de façon inconsciente. Ce n'est pas une volonté d'écrire sur ça, mais ça transparaît toujours un peu. Toutes les chansons et les paroles que j'ai écrites relèvent du subconscient. Je ne choisis pas arbitrairement d'écrire sur tel ou tel sujet, je laisse la musique me porter.

Vous êtes considérés comme le groupe qui incarne le mieux le mouvement post Trump (dans le sens anti-mec blanc omnipotent). Est-ce que vous pensez que l'unité / solidarité de tous les musiciens impliqués dans ce mouvement a contribué au succès de cette « tendance » ?

Joe : Oui, je pense, que ce soit sur la scène musicale ou non. Je pense que le monde en avait juste assez de voir que des mecs guitaristes blancs. Quand nous sommes arrivés dans l'industrie musicale, il n'y avait vraiment rien de nouveau. Même en ce qui nous concerne, mis à part notre musique et nos idées, il n'y avait rien de nouveau de ce côté-là. Il y a énormément de groupes autour de nous qui travaillent dur dans la plus grande humilité. Il n y'a pas énormément de maisons de disques et de labels qui avancent beaucoup d'argent et qui donnent beaucoup de moyens aux artistes, donc tout le monde se doit de bosser très dur dans son coin et la musique se doit d'être bonne. C'est pour ça que je trouve qu'il y énormément de bonne musique en ce moment. Que les gens soient d'accord ou non, je me fous de ce qu'ne pensent les autres. Ce que je sais, c'est que des groupes comme Fontaines D.C., Yard Act, Inhaler, Yungblud, ou encore NewDad, je paierais pour aller les voir en concert. Le monde en avait marre des guitaristes blancs qui pensent avoir tous les droits et se croient tout permis. Le monde change, il y a plus de diversité dans le rock qu'il n'y en a jamais eu auparavant. Cette génération a du talent et elle n'est pas là par p**** de charité.

Que peut-on vous souhaiter pour la suite ?

Joe : La paix. La paix intérieure. Je n'ai besoin de rien de matériel.
Mark : Moi j'aimerais que ce soit un temps nuageux avec une vingtaine de degrés de moins et peut-être même un peu de pluie.