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The Kills

Little Bastards

The Kills - Little Bastards
Chronique Album
Date de sortie : 11.12.2020
Label : Domino Records
4
Rédigé par Johan, le 8 décembre 2020
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Après près de deux décennies, cinq albums studio, deux disques live et miraculeusement aucun Best of, The Kills reviennent en cette fin d'année 2020 avec Little Bastards, une compilation revenant sur les premiers singles et EPs de leur carrière.

Ces « little bastards » sont des démos, faces B et reprises issues des premiers enregistrements, certes remasterisées pour l'occasion, mais empreintes du caractère sale et brut de décoffrage des débuts, toutes aussi fascinantes que les tubes les plus distingués du groupe.
Une autre approche fascinante est l'agencement des morceaux de ce Little Bastards qui ne respecte en rien la temporalité. Du fait, le monde se divise en deux catégories : ceux qui suivent le tracklisting de Little Bastards (→ team vinyle), et ceux qui suivent l'évolution de The Kills (→ team démat'). Toi, tu es...

....team vinyle.
Je suis un vieux de la vieille. Pour moi, rien ne vaut le doux crépitement du vinyle sur ma platine, aussi nostalgique que Le labyrinthe de la mort et ce jouet arc-en-ciel qui a toujours raté au moins une marche ; l'odeur de la pochette cartonnée lorsque j'en sors délicatement, si ce n'est pas sensuellement quand je suis accompagné, la galette noire ; l'acquisition de la version équatorienne de 1983 du fameux Vamos A Bailar de Bowie pour lequel j'ai dû vendre un rein.
Ne pas écouter un album de la première à la dernière plage, au casque, sans s'être levé de son canapé au mieux une fois toutes les douze minutes, est tout bonnement une hérésie. J'allume ma platine, y place la face A du premier disque de mon édition limitée double LP jaune fluo de Little Bastards fraîchement acquise, et pose le diamant sur le premier morceau, Superpowerless.
Team vinyle → L

...team démat'.
Je passe mes journées accompagné de l'algorithme Youtube, mon seul véritable ami qui connaît mes goûts musicaux futurs, en quête de n'importe quel vidéo clip officiel tant qu'il a été posté il y a moins de sept secondes. Je suis abonné à une plateforme de streaming musical sur laquelle je vogue au gré des sons du moment, de mes vingt-sept playlists non organisées ainsi que d'un shuffle qui peut me faire passer sans transition d'un morceau de grindcore sud-coréen à une bossanova slovaque des années 60.
Quel est l'intérêt d'écouter dans son entièreté Let's Dance quand je sais très bien qu'à l'arrivée des chœurs de l'interminable Let's Dance je jetterai le casque dans un coin de la pièce pour tout faire plutôt qu'écouter Let's Dance. Je suis un électron libre : plutôt que suivre le mouvement circulaire d'une édition limitée double LP jaune fluo, je préfère respecter l'évolution de The Kills et me pose dès lors sur Spotify, direction Jewel Thief.
Team démat' → G

… team flemme.
Je suis pro-procrastination depuis bien des années. Le combo plaid/Netflix, j’en fais ma spécialité. Je m’y suis pris une fois à l’avance pour un contrôle au lycée, je m’en souviens encore. On m’a offert à Noël dernier le puzzle 5.000 pièces du portrait de Steve Jobs, j’ai fièrement accroché la boîte au-dessus de mon lit. Quand j’entame un projet, le projet a raison de moi.
Quand j’ai appris, début 2016, que Bowie avait 28 autres albums derrière lui, j’ai soupiré et relancé Blackstar pour la énième fois. Quand je débute la lecture d’un test sur jeuxvideo.com, un rapide mouvement de molette vers le bas me fait gagner de précieuses minutes car seule la note est importante. En parcourant cette intro bien trop longue, je m’empresse de mettre un terme à mon désarroi en cherchant une échappatoire qui me satisfera le temps de quelques secondes salvatrices.
Team flemme → W

--

A
Blue Moon va ensuite également surprendre, elle, non pas par son contenu, mais par sa présence ici-même. Mêlant boîte à rythme synthétique, ambiance grunge et vibes à la PJ Harvey, le morceau est un « little bastard » de bien belle facture qui a toute sa place ici... ou pas ?
On peut en effet se demander la raison de sa présence sur cette compilation qui retrace la période 2002-2009, étant donné qu'il est la face B de Future Starts Slow, second single du quatrième opus Blood Pressures, paru... en juillet 2011 !
Un choix étonnant quand on sait qu'une poignée d'autres compositions, à l'image des deux reprises Dropout Boogie (Captain Beefheart) et Crazy (Willie Nelson), n'auraient pas démérité à avoir leur place ici. Mais il serait cependant bien déplacé de se plaindre tant, sur plus d'une heure, on aura vu défiler bon nombre de compositions inspirées, à commencer par cette Blue Moon qui vient conclure...
Team démat' → W

B
Forty Four, face B de Black Balloon, cinquième et dernier single de Midnight Boom, est une reprise du titre du chanteur de Chicago blues Howlin' Wolf, qui avait remanié à sa sauce le standard du blues 44 Blues, dont l'origine remonterait du début des années 1920, ayant été alors popularisé par Roosevelt Sykes qui lui a greffé des paroles puis l'a enregistré.
Bien éloignée de ses racines, cette version proposée par The Kills nous emmène vers un folk-blues plus rêche et dansant, modernisant de nouveau un morceau dont on n'a clairement pas encore exploité toute la substantifique moelle.
Team vinyle → Q
Team démat' → H

C
On peut se demander, à l'écoute de Little Bastards, ce qui fait qu'une chanson est jugée pas assez pertinente pour être présente dans le tracklisting d'un disque. Si l'on prend comme exemple Night Train, celle-ci a passé de justesse la sentence irrévocable, figurant en tant que bonus track dans l'édition numérique de Midnight Boom en 2008, alors qu'elle n'aurait pas fait pâle figure parmi des M.E.X.I.C.O et Sour Cherry. Entre les chœurs susurrés d'Alison Mosshart, les riffs agressifs de Jamie Hince et les couplets exaltants, tout en fait un « instant classic » !
Team vinyle → S
Team démat' → J

D
S'ensuit London Hates You, face B de Tape Song, le quatrième single de Midnight Boom. Influencé par une pop 60s, le duo offre là une douce balade à forte dose d'amertume et de tambourin, tout en parvenant à conserver cette atmosphère enivrante et en flux tendu qui leur est si fidèle.
Team vinyle → V
Team démat' → B

E
Plus loin, The Void, qu'on a pu voir dans le disque bonus de l'édition européenne de No Wow, est quant à elle une autre courte chanson qui vient créer la frustration, comme une bonne poignée de B-sides et démos dans cette compilation. Froide, tendue, minimale, The Void semble s'arrêter en suspend au lieu d'exploser comme on l'espère à chaque fois qu'on l'écoute.
Team vinyle → P
Team démat' → S

F

Team vinyle → C

G
Sur Jewel Thief, face B avec Sugar Baby de Fried My Little Brains, second single du premier album du duo, on peut entendre une Alison Mosshart et un Jamie Hince spontanés, comme ils peuvent l'être sur certains des morceaux que comprend Keep On Your Mean Side, mais sans avoir cependant cette aura intemporelle que peuvent posséder des mythiques Cat Claw et Fuck The People.
Team vinyle → O
Team démat' → Z

H
On se tourne de nouveau, avec Weed Killer, du côté du garage rock cher à The Kills. Cette face B de Black Balloon, cinquième et dernier single de Midnight Boom, n'est pas forcément à la hauteur des plus percutantes compositions présentes dans le troisième album, même si elle n'a toutefois pas à rougir de la comparaison, notamment grâce à ce court solo de guitare incendiaire à mi-parcours qu'on aurait aimé voir perdurer indéfiniment.
Team vinyle → E
Team démat' → M

I
I Put A Spell On You vient ensuite satisfaire un très grand nombre de fans de The Kills. Enregistré en 2009, le titre est une reprise du chef d'œuvre de Screamin' Jay Hawkins, que le duo a régulièrement interprété sur scène.
Alors que l'on pensait avoir tout entendu avec cette chanson, les cris passionnés d'Alison Mosshart et la guitare noisy de Jamie Hince viennent nous infliger un uppercut sonore impitoyable – auquel on ne s'attendait pas forcément de la part de la version studio.
Bien évidemment pas à la hauteur de l'originale, il n'en reste pas moins que le duo signe là sans l'ombre d'un doute une des meilleures covers de I Put A Spell On You aux côtés des versions de Nina Simone, de Creedence Clearwater Revival ou encore, plus récemment et dans un tout autre registre, du jeune duo franco-britannique TTRRUUCES.
Team démat' → A

J
Les premiers accords de Kiss The Wrong Side se font ensuite entendre. Cette face B de Cheap And Cheerful, second single de Midnight Boom, est menée de main de maître par un riff criard et subjuguant, et un refrain comme seul The Kills sait les confectionner, simple et efficace, que l'on se serait tellement vu scander lors de leur concert au Bataclan en 2008, entre des U.R.A. Fever et Black Balloon. Hélas, l'Histoire en a voulu autrement...
Team vinyle → F
Team démat' → L

K
S'ensuit le blues rock poisseux de Run Home Slow, B-side tirée de The Good Ones que l'on préfèrera à Baby's Eyes. Plus ambitieuse et inspirée, la chanson laisse planer une tension palpable tout du long, faisant crisser l'électricité et accélérer le phrasé lascif d'Alison Mosshart.
Team vinyle → H
Team démat' → X

L
Face B de Last Day of Magic, troisième single de Midnight Boom paru mi-2008, Superpowerless aurait tout à fait pu figurer sur le troisième album du duo américano-britannique. On peut déceler des airs de Tape Song dans la rythmique, d'où peut-être sa relégation en B-side malgré tout l'attrait qu'elle propose, notamment son refrain grisant que l'on a presque autant envie de scander que celui de Tape Song.
Team vinyle → R
Team démat' → D

M
Raise Me, démo inédite composée en 2009, est le premier morceau de cette compilation à avoir été dévoilé, il y a deux mois. Il s'intègre dès la première écoute si bien dans la discographie de The Kills qu'il fait instantanément office de classique.
Que ce soit la batterie haletante, la guitare vibrante ou encore le chant fougueux d'Alison Mosshart, Raise Me aurait très nettement pu figurer sur le futur album à paraître, Blood Pressures, deux années plus tard, voire même faire la transition en sortant en tant que single inédit entre les troisième et quatrième albums tant on y retrouve tout ce qui fait le sel du groupe.
Team démat' → I

N

Team vinyle → K

O
Baby's Eyes, face B de The Good Ones, premier single de No Wow sorti en février 2005, se veut, lui, dans la lignée d'une Rodeo Town et son approche plus folk, à base de guitare désaccordée et de subtilités vocales au gré de ses quatre minutes. Les moments d'accalmie dans la discographie de The Kills, même si moins saisissants, se font assez rares pour que l'on ne prenne pas le temps d'en savourer chaque seconde.
Team vinyle → N
Team démat' → K

P
On termine cette longue compilation avec Sugar Baby, l'autre face B de Fried My Little Brains, aux côtés de Jewel Thief. Reprise de Dock Boggs, chanteur-compositeur et grand joueur de banjo des années 1920/30, le blues traditionnel cède ici sa place à une réinterprétation quelque part entre Black Rebel Motorcycle Club et les Black Keys, fortifiée par un mur sonore invulnérable et une rythmique dense. Même si on lui préfèrera nettement l'originale, le titre conclut...
Team vinyle → W

Q
Love Is A Deserter, un des joyaux de No Wow, est présent sur cette compilation dans une version sensiblement plus nerveuse. Issu d'une session radio XFM de 2005, le 45T est paru en juin 2005, avec en B-side Hit Me When U-1-2, que l'on aurait plutôt aimé voir faire partie ici des « little bastards » tant cet enregistrement de Love Is A Deserter n'a au final qu'assez peu d'intérêt pour quiconque suit la discographie de The Kills depuis leurs débuts.
Team vinyle → U
Team démat' → E

R
Sur Passion Is Accurate, face B avec Magazine de Love Is A Deserter, second single de No Wow paru en mai 2005, on ressent les sonorités plus électroniques et la boîte à rythme du deuxième opus, tout en s'appuyant sur cette musicalité dénuée de tout artifice si caractéristique à The Kills.
Team vinyle → J

S
Half Of Us, face B de No Wow, troisième et dernier single du second album, se veut, elle, dans la lignée d'une I Hate The Way You Love, sensuelle et magnétique, autant dans les voix des deux artistes que le riff de guitare, tantôt sec, tantôt dissonant, qui vient les accompagner tout du long sur une rythmique électronique bondissante.
Team vinyle → D
Team démat' → V

T
Magazine vient ensuite surprendre son petit monde le temps de deux courtes minutes. Face B de Love Is A Deserter, second single de No Wow, Magazine est une courte piste portée par une guitare acoustique aux accords entêtants, des martèlements de batterie écrasants et le chant à bout de souffle d'Alison Mosshart, qui s'intensifie crescendo pour ne s'arrêter que bien trop brusquement, aboutissant à une conclusion terriblement frustrante !
Team vinyle → Y
Team démat' → Q

U
Tout n'est pas nécessairement à la hauteur, comme l'on est en droit de s'attendre d'une compilation, mais fort heureusement Little Bastards comporte bien plus de hauts que de bas ! S'ensuit ainsi tout simplement l'une des pépites de la compilation, The Search For Cherry Red, reprise des trop méconnus Jonathan Fire*Eater (dont trois des quatre membres formeront plus tard The Walkmen).
Face B de Pull A U, troisième et dernier single de Keep on Your Mean Side, la chanson conserve l'âme de l'originale tout en y introduisant le son The Kills. Son seul défaut est qu'elle est hélas bien trop courte...
Team vinyle → T
Team démat' → O

V
Pour qui s'en souvient, on a pu apercevoir à l'époque I Call It Art sur Monsieur Gainsbourg Revisited, compilation sortie en 2006 regroupant des reprises en anglais de Gainsbourg. Parmi le nombre conséquent de gros groupes et artistes présents, on y retrouvait donc The Kills, réinterprétant à sa sauce La chanson de Slogan, interprétée par Serge Gainsbourg et Jane Birkin.
Assez proche de l'originale dans sa structure, c'est surtout la voix éraillée d'Alison Mosshart, à mille lieues de celle cristalline de Birkin, qui vient transiter la composition dans un univers ici plus chaud et intimiste.
Team vinyle → B
Team démat' → C

W
… de bien belle manière une compilation clairement peu avare en raretés à se glisser dans les oreilles.
Quelle que soit notre façon de consommer l'un des groupes UK majeurs du début des années 2000 – que l'on ait fouillé de fond en comble la discographie d'Alison Mosshart et Jamie Hince jusqu'à la moindre démo obscure, ou que l'on se passe de temps à autre en dilettante un disque déniché au marché dominical de son quartier –, la conclusion reste bien évidemment la même.
Le chemin emprunté à l'écoute de la discographie de l'ombre de The Kills, notre ressenti face à près de vingt ans de musique jusque-là relativement méconnus, la façon dont on s'approprie la musique d'une formation qui nous aura sauvagement bercé depuis 2002, tout cela mène purement et simplement à l'évidence suivante : oui, Little Bastards est essentiel pour quiconque apprécie, de près ou de loin, The Kills.
Certes plus faible à de rares occasions, la compilation reste étourdissante de contenu qui aurait mérité davantage de visibilité depuis toutes ces années, plutôt qu'avoir souffert de la lumière d'une face A ou terminé au fin fond d'une édition numérique. On attend désormais avec impatience une compilation retraçant la seconde période de notre duo américano-britannique préféré qui, sans l'ombre d'un doute, sera tout aussi réussie.

X

Team démat' → T

Y
Blue Moon va ensuite également surprendre, nous entraînant sur les terres arides de PJ Harvey, mais des terres foulées par un grunge crasseux mêlé à une boîte à rythme synthétique détonante. Cette fois, point de frustration mais trois minutes aux arrangements inspirés et au chant retentissant, une des meilleures compositions de Little Bastards.
Team vinyle → G

Z
Sugar Baby, l'autre face B de Fried My Little Brains, n'est nulle autre qu'une reprise de Dock Boggs, chanteur-compositeur et grand joueur de banjo des années 1920/30. The Kills s'arment ici de leur rock'n'roll le plus véloce, proposant une réinterprétation dense et ébouriffante, bien loin du blues traditionnel de l'originale. Toutes deux pourtant tirées du marquant Keep on Your Mean Side, Jewel Thief et Sugar Baby ne font pas forte impression. Un début d'écoute mitigé donc...
Team démat' → U
tracklisting
    01. Superpowerless
  • 02. Passion Is Accurate
  • 03. Kiss The Wrong Side
  • 04. Raise Me
  • 05. Night Train
  • 06. Half Of Us
  • 07. London Hates You
  • 08. I Call It Art
  • 09. Forty Four
  • 10. Love Is A Deserter
  • 11. The Search For Cherry Red
  • 12. Magazine
  • 13. Blue Moon
  • 14. Jewel Thief
  • 15. Baby's Eyes
  • 16. I Put A Spell On You
  • 17. Run Home Slow
  • 18. Weed Killer
  • 19. The Void
  • 20. Sugar Baby
titres conseillés
    Superpowerless, Kiss The Wrong Side, Night Train, Half Of Us, The Search For Cherry Red, Blue Moon, I Put A Spell On You, Run Home Slow
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