Wet Leg

Dans la musique, tout n'est pas uniquement question de trouver la bonne mélodie, la suite d'accords qui sonnera bien, ou le bon réglage de distortion ou de flanger. Il est également et peut-être surtout, question de réussir tout ceci au bon moment. Savoir parler de la bonne façon, du bon sujet, à l'instant idoine pour s'assurer avoir l'écoute. Mais l'exercice est assez incertain et rien ne vous garantit de trouver ce bon ton. Au fond de son garage, ou sous son pont, Kurt Cobain ne savait pas que Nevermind parlerait à toute une génération. Mais pour un Nirvana, combien de groupes talentueux n'ont que trop peu trouvé leur public car trop en décalage ou à contre-courant de leur époque ?

La petite hype qui entoure Wet Leg laisse penser que Rhian Teasdale et Hester Chambers sont sur la bonne voie. Irrémédiablement, les chansons de ce premier album éponyme vous évoqueront sans peine d'autres groupes, où raviveront certains souvenirs. Les plus anciens d'entre vous penseront certainement à Elastica par instant.
Mais si la musique de Wet Leg se nourrit d'influences assez claires et évidentes, il y a ce petit quelque chose qui rend l'approche assez singulière. Qu'il soit pleinement pop comme sur les dansants Convincing ou Wet Dreams ou sur le mélancolique Loving You, la musique de Wet Leg est touchante. On ne tombe jamais dans un résultat idiot ou un pathos débordant. Tout est dosé de façon intelligente et bien senti et se devine au loin un attrait pour le disco.

Le résultat est sans appel, Wet Leg tombent souvent juste dans leurs propos. Sur l'excellent Angelica, la simplicité de l'arpège du début est trompeuse, et se dévoile un morceau complexe extrêmement riche.
Même remarque sur Ur Mum. Ce qui pourrait apparaître comme un titre sans âme ou mainte fois entendu se révèle peu à peu et fini par vous emporter. Le duo à des idées et propose des mélodies bien pensées et bien travaillées. À l'image de Too Late Now, positif et lumineux qui conclue de façon parfaite ce premier album. Ce titre prouve que Wet Leg ne se cantonne pas à une seule émotion et sait faire varier les ambiances au gré de son ressenti.

Chaise Longue, sorti en juin de l'année dernière, est à la base de l'engouement pour le duo. Nerveux et entêtant, son petit côté hymne et son riff tranchant a des arguments à faire valoir. Percutant, il marquera à coup sûr l'histoire du groupe et pourrait pousser Rhian Teasdale et Hester Chambers à vouloir renouveler la formule à l'infini. Mais, cet album le montre, il y a bien d'autres choses à découvrir tant l'étendue de la palette du duo est large. Certes, on reste sur un schéma de morceaux courts, d'un post-punk mâtiné de pop. Mais les saveurs varient, de la mélancolie douce de Piece Of Shit, à la légèreté pop de Supermarket, ou au surprenant I Don't Wanna Go Out et son équilibre précaire. On passera sur le plutôt banal et dispensable Oh No, moins intéressant que l'ensemble de ce premier très bon premier album.

Il se passe décidément quelque chose, comme si ces groupes de filles avaient décidé de sortir du bois. Si chacun revendique une identité propre, entre Goat Girl et Porridge Radio, Wet Leg font figure de pointe d'un triangle de post-punk féminin droit dans sa démarche et son époque. Les dernières nommées apportent un côté plus dansant et pop que les deux autres, mais la direction est claire et le chemin semble tout tracé. Ainsi, voici comment ces deux jeunes femmes sorties de leur Île de Wright brumeuse viennent jusqu'à vous pour vous parler, au bon moment, sur le bon ton.