En vingt-trois ans d'existence, Muse n'auront eu de cesse de déclencher les passions lors des sorties de leurs albums studio. Propulsée au rang de monstres de stades, la formation toujours composée par Matthew Bellamy, Dominic Howard et Christopher Wolstenholme étonne, émeut, choque, mais a le mérite de ne jamais ennuyer, quelque soit la couleur de ses disques. En 2022, à la suite d'une pandémie et d'une remise en question globale de ce qui nous lie ou nous sépare, Muse prennent ardemment position avec Will Of The People, qui enchaîne les brulots quasi révolutionnaires, probablement en réaction aux tristes actualités de ces deux dernières années. Un contexte aussi passionné ne pouvait s'accompagner d'une simple pop-rock calibrée FM. Alors Muse se sont encore surpassés dans le grandiloquent et le flamboyant.
Will Of The People oscille musicalement dans un spectre musical vaste et fortement contrasté. Ce qui ne change pas depuis la dernière décennie, s'agissant du trio anglais, est l'abondance de tout. Tout est en effet porté à son maximum : qu'il s'agisse de la puissance des hymnes littéralement sculptés pour les stades (Will Of The People), des usages (et mésusages) des odes synthétiques purement 80s (Compliance, Verona, Euphoria) et de la pratique jamais déguisée des guitares hard rock et rutilantes (Won't Stand Down, Kill Or Be Killed, We Are Fucking Fucked).
Entre deux, nous retrouvons le piano bouleversé de Mathew Bellamy et ses morceaux entièrement dévoués à nous faire écraser la larmichette (Ghosts), un opéra rock qui aurait gagné à moins plagier l'original (Liberation) et le titre « wtf » qui ici prend le nom de Can Make Me Feel Like It's Halloween et que nous mettrons sur le compte d'une soirée probablement bien arrosée.
Ce qui épate les auditeurs qui ont eu soit le privilège de prendre de l'âge avec le groupe, soit d'être élevés au son de Muse, c'est cette honnêteté dans tout ce qu'entreprennent les musiciens. Will Of The People, quelles que soient nos réactions au fur et à mesure de l'écoute, déborde d'intensité. Rien n'est fait à moitié, et la force que dégage Matthew Bellamy dans son interprétation est toujours à son zénith, malgré plus de deux décennies de pratique intensive.
Portés aux nues par des hordes de fans aux collections d'items inestimables ou moqués par les allergiques à tout ce qui s'exporte en dehors d'une salle de 1000 personnes, Muse se jouent de ce que l'on attend d'eux et prônent une totale liberté dans leur cheminement artistique, quitte à s'offrir l'ultime privilège de s'auto-parodier au sein même de leurs disques. Devenir des dieux du stade avec à leurs pieds des hordes de fans asservis en leur chantant des hymnes à la révolte et l'anticonformisme, voilà qui relève du pur génie ou d'un sens particulièrement affuté du cynisme.
Ce qu'il faut retenir de ce nouveau disque est un charisme incroyable, que l'on adhère ou pas aux excès de son contenu. Avec Will Of The People, les trois anglais continuent de semer le trouble chez les plus exigeants et souvent nostalgiques d'un son Muse qui n'est plus (je plaide coupable), tout en ralliant de plus en plus de fans (ces derniers de plus en plus jeunes) à chaque album, prouvant ainsi qu'ils disposent du don d'intemporalité.
Le reste n'est qu'une question de goûts et de couleurs.
tracklisting
01. Will Of The People
02. Compliance
03. Liberation
04. Won't Stand Down
05. Ghosts (How Can I Move Out)
06. Can Make Me Feel Like It's Halloween
07. Kill Or Be Killed
08. Verona
09. Euphoria
10. We Are Fucking Fucked
titres conseillés
Compliance, Won't Stand Down, Kill Or Be Killed, Verona