Chronique Album
Date de sortie : 23.09.2022
Label : Cherry Red Records
Rédigé par
Olivier Kalousdian, le 20 septembre 2022
Pete Shelley s'est éteint le 6 décembre 2018 à 63 ans. Mais plutôt que d'éteindre définitivement la lumière des Buzzcocks, Steve Diggle, Chris Remington et Danny Farrant ont décidé de laisser les amplis allumés et de dresser à nouveau le drapeau des Buzzcocks en sortant un dixième album studio. Intitulé Sonics In The Soul, il était initialement prévu au printemps 2022. Un album enregistré au Studio 7 de Londres, produit par Steve Diggle et Laurence Loveless et qui sortira finalement sur Cherry Red Records ce 23 septembre.
Pour la première fois depuis 1976, les Buzzcocks ne s'exprimeront plus que par la voix d'un seul chanteur. Finis les « Oooh, Oooh, Oooh » lancés en choeurs par Steve Diggle sur Ever Fallen in Love (With Someone You Shouldn't've) ou sur What Do I Get?. Les prochains live des Buzzcocks devront faire le plein d'énergie et de vocalises au niveau du public. Et même si Steve Diggle s'attache les talent d'un second guitariste (Mani Perazzoli) pour compenser le vide laissé par Pete Shelley, l'intimité et la complicité que les deux co-fondateurs du groupe affichaient sont mortes avec Pete.
L'intention de Steve Diggle, faire de Sonics In The Soul un « Classic album », était bonne. Mais sans titre qui se détache vraiment ni aucune forme d'originalité ou de créativité sur la première moitié des onze titres du tracklisting, même le classique perd ses lettres de noblesse. Il faut attendre le très velvetien Don't Mess With My Brain pour entendre l'album s'élever un peu, sans pour autant atteindre le camp de base. « J'aurais pu régurgiter le passé jusqu'au énième degré, mais où cela nous aurait il mené ? Il n'y a pas d'intérêt à se répéter, Pete n'est plus là maintenant et je dois jouer la carte d'une musique plus personnelle. En espérant que le public réponde positivement » déclare Steve Diggle à propos de Sonics In The Soul. Et, effectivement, la coloration du disque n'est pas celle de The Way, album précédent sorti en 2014 avec Pete Shelley.
« J'ai 60 ans, je me vois mal hurler à nouveau Nobody Loves Me ou un truc du genre. Je passerais pour un idiot si je me comportais comme nous le faisions en 1978 ! » déclare encore Steve Diggle à propos de cet album. Et là, il marque un point. Mais, paradoxalement, ses compositions semblent remonter bien plus loin que 1978 ! Le son de Sonics In The Soul puise dans les late sixties et early seventies en flirtant avec les oeuvres du MC5 ou des Ramones (Manchester Rain) dans les riffs de guitares et le découpage, bien plus que dans les partitions des titres phares des Buzzcocks, époque Pete Shelley.
Amputée du leader du groupe, il manque un élément essentiel à la marque de fabrique et de succès des Buzzcocks : l'extravagance maitrisée et la construction imaginative qu'apportait, dans l'urgence, le duo officiant depuis 1976. Dans les textes, d'un autre coté, Steve Diggle raccroche les wagons et colle à son époque. Experimental Farm parle d'agro-alimentaire, de junk food ou du besoin de changement de paradigme dans notre approche à l'alimentation. Manchester Rain, qui fait office de plus récent single, raconte les dernières heures d'avant confinement, pendant la crise COVID-19, sous la pluie, à Manchester. Pas de doutes, les textes de Steve Diggle sont en phase avec leur temps et il dirige dorénavant son groupe sur la voie de l'existentialisme.
Si le mur du son des guitares auquel le groupe nous a habitués depuis 1977 est toujours bien présent, la magie de certains titres s'en est allée. Le carburant des Buzzcocks est à sec, mais la transition est en route.