The Pigeon Detectives

Les citadins le savent mieux que les autres : s'ils trouvent à manger, les pigeons reviennent toujours et il est très difficile de s'en débarrasser ! Présentement, on ne parle pas d'un volatile qui se complaît à vivre auprès de l'homme en dépit de ses multiples nuisances, mais d'un groupe de Leeds qui a connu un large succès lors de la parution de son premier album Wait For Me et qui est toujours présent aujourd'hui. Pour rappel, The Pigeon Detectives font partie de ces formations nées au milieu des années 2000, décennie qui a vu des groupes comme The Libertines, Arctic Monkeys ou encore The Cribs, émerger comme la réponse du Royaume-Uni à l'avènement des Strokes outre-Atlantique. S'il n'a pas forcément bonne réputation, à l'image de son homonyme à plumes, faute à une discographie discutable, le groupe fait tout de même preuve d'une longévité étonnante qui dure depuis maintenant plus de quinze ans. Six ans après la sortie du très apprécié Broken Glances qui montrait pour la première fois une véritable évolution dans sa musique, la bande de Matt Bowman est de retour aux affaires avec son sixième effort studio, TV Show.



Un adage bien connu dit qu'il ne faut pas juger un livre à sa couverture, j'imagine qu'il en est de même pour les albums de musique. Pourtant, difficile de faire autrement en ce qui concerne ce nouvel opus des Pigeon Detectives. Un nom pas très inspiré, à l'image d'une pochette insipide, neuf titres au compteur (pourquoi pas), mais surtout trente minutes de musique en tout et pour tout. Il n'y a pas besoin d'avoir fait Saint-Cyr pour comprendre que ses membres ont pris leur machine à remonter le temps pour proposer ce qu'il sait faire de mieux : des morceaux accrocheurs pensés pour la scène. Un modus operandi qui n'est pas donné à tout le monde, certes, mais il est vrai qu'on a toujours tendance à un être un peu plus exigeant avec ceux qui laissent entrevoir un potentiel inexploité.
Les premières pistes, composées des trois morceaux déjà sortis (Fall To Pieces, Summer Girl et Lovers Come And Lovers Go) vont en ce sens. Exit l'ambiance sombre et autre atmosphère ambiguë de Broken Glances, nous avons affaire à des chansons qui auraient tout aussi bien pu sortir en 2007. On a le droit de s'accrocher à ses idéaux, mais dans le cas des Pigeon Detectives, on pourrait presque croire qu'il y a un véritable refus de mûrir, d'évoluer ou même de bouger avec les tendances actuelles. La seule évolution palpable est l'introduction de notes de synthétiseur comme sur la chanson-titre TV Show, qui a davantage l'allure de décorum que d'une véritable conviction artistique.


« Nothing's changed and every idea feels the same » (ndlr : Rien n'a changé et chaque idée est la même) chante Bowman. Des paroles finalement en adéquation avec les ambitions de cet album déclamées quelques mois plus tôt : « Nous voulions capturer l'énergie de nos concerts. Et c'est ce que nous offrons, nous avons toujours été un grand groupe live ». Un dessein d'autant plus rageant quand surviennent en milieu d'album des titres comme The Warning, et surtout, de Dreaming Of A Song. Deux morceaux doux-amer qui pourraient même provoquer une certaine émotion si le carcan dans lequel ils s'inscrivent aujourd'hui était du même acabit. On sent enfin les quinze années de carrière du groupe pour la première fois durant l'écoute du disque et surtout l'impact qu'a pu avoir le célèbre producteur Rich Turvey (Blossoms, The Coral, Oscar Lang) dans sa conception.

En fin de compte, TV Show est un disque malavisé qui tombe sous le poids de ses propres ambitions avec un son daté, bien trop proche de ce que l'on a toujours connu. Un côté suranné que l'on retrouve même dans le nom de l'œuvre qui fait un peu tâche à l'heure de la démocratisation du streaming. Le sentiment de redite est plus qu'important après les célébrations en grandes pompes ces derniers mois des deux principaux faits d'armes du groupe Wait For Me et Emergency. La musique des Pigeon Detectives n'est pas mauvaise, et reste même meilleure que de nombreuses formations actuelles, mais n'étonne plus tant elle semble corporative et formelle. TV Show cherche à cimenter une renaissance dans son propre héritage à travers des bangers turbocompressés et calibrés à trois minutes de moyenne. Le groupe sait qu'il fera toujours passer un bon moment à ses spectateurs et veut clairement exploiter la recette, mais on ose espérer que ses ambitions vont au-delà d'être un shot d'adrénaline musicale pour de jeunes adultes le temps d'une soirée. Quand les Pigeons reviendront (puisque c'est ce qu'ils font toujours), on espère qu'ils nous proposeront autre chose qu'un exercice sans grande vision, ni saveur, pour rester à flot, car ils sont largement capables de réussir au-delà de leurs moyens.